37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 514

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je ne pourrai pas le savoir demain.

--Tu l'as entendu: donc tu le sais, et tu le chanteras demain, dit enfin

le Porpora d'une voix de tonnerre. Allons, point de grimaces, et que ce

débat finisse. Voilà plus d'une heure que nous perdons à babiller. Monsieur

le directeur, faites commencer les violons: Et toi, Bérénice, en scène!

Point de cahier! à bas ce cahier! Quand on a répété trois fois, on doit

savoir tous les rôles par coeur. Je te dis que tu le sais!»

_No, tutto, ô Berenice_, chanta la Corilla, redevenue Ismène,

Tu non apri il tuo cor.

Et à présent, pensa cette fille, qui jugeait de l'orgueil de Consuelo par

le sien propre, _tout ce qu'elle sait de mes aventures lui paraîtra peu de

chose_.

Consuelo, dont le Porpora connaissait bien la prodigieuse mémoire et la

victorieuse facilité, chanta effectivement le rôle, musique et paroles,

sans la moindre hésitation. Madame Tesi fut si frappée de son jeu et de

son chant, qu'elle se trouva beaucoup plus malade, et se fit remporter

chez elle, après la répétition du premier acte. Le lendemain, il fallut

que Consuelo eût préparé son costume, arrangé les _traits_ de son rôle et

repassé toute sa partie attentivement à cinq heures du soir. Elle eut un

succès si complet que l'impératrice dit en sortant:

«Voilà une admirable jeune fille: il faut absolument que je la marie:

j'y songerai.»

Dès le jour suivant, on commença à répéter la _Zenobia_ de Métastase,

musique de Predieri. La Corilla s'obstina encore à céder le premier rôle

à Consuelo. Madame Holzbaüer fit, cette fois, le second; et comme elle

était meilleure musicienne que la Corilla, cet opéra fut beaucoup mieux

étudié que l'autre. Le Métastase était ravi de voir sa muse, négligée

et oubliée durant la guerre, reprendre faveur à la cour et faire fureur

à Vienne. Il ne pensait presque plus à ses maux; et, pressé par la

bienveillance de Marie-Thérèse et par les devoirs de son emploi, d'écrire

de nouveaux drames lyriques, il se préparait, par la lecture des tragiques

grecs et des classiques latins, à produire quelqu'un de ces chefs-d'oeuvre

que les Italiens de Vienne et les Allemands de l'Italie mettaient, sans

façon, au-dessus des tragédies de Corneille, de Racine, de Shakespeare, de

Calderon, au-dessus de tout, pour le dire sans détour et sans mauvaise

honte.

Ce n'est pas au beau milieu de cette histoire, déjà si longue et si chargée

de détails, que nous abuserons encore de la patience, peut-être depuis

longtemps épuisée, du lecteur, pour lui dire ce que nous pensons du génie

de Métastase. Peu lui importe. Nous allons donc lui répéter seulement ce

que Consuelo en disait tout bas à Joseph:

«Mon pauvre Beppo, tu ne saurais croire quelle peine j'ai à jouer ces rôles

qu'on dit si sublimes et si pathétiques. Il est vrai que les mots sont bien

arrangés, et qu'ils arrivent facilement sur la langue, quand on les chante;

mais quand on pense au personnage qui les dit, on ne sait où prendre, je ne

dis pas de l'émotion, mais du sérieux pour les prononcer. Quelle bizarre

convention est donc celle qu'on a faite, en arrangeant l'antiquité à la

mode de notre temps, pour mettre sur la scène des intrigues, des passions

et des moralités qui seraient bien placées peut-être dans des mémoires de

la margrave de Bareith, du baron de Trenck, ou de la princesse de Culmbach,