37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 522

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tout flotte, tout semble prêt à se disloquer. On voit un homme qui

travaille tranquillement sur ces solives, et qui semble porté par des

toiles d'araignée; il peut vous paraître un marin grimpant aux cordages

d'un vaisseau, aussi bien qu'un rat gigantesque sciant et rongeant les

charpentes vermoulues. On entend des paroles qui viennent on ne sait d'où.

Elles se prononcent à quatre-vingts pieds au-dessus de vous, et la

sonorité bizarre des échos accroupis dans tous les coins du dôme

fantastique vous les apporte à l'oreille, distinctes ou confuses, selon

que vous faites un pas en avant ou de côté, qui change l'effet acoustique.

Un bruit épouvantable ébranle les échafauds et se répète en sifflements

prolongés. Est-ce donc la voûte qui s'écroule? Est-ce un de ces frêles

balcons qui craque et tombe, entraînant de pauvres ouvriers sous ses

ruines? Non, c'est un pompier qui éternue, ou c'est un chat qui s'élance

à la poursuite de son gibier, à travers les précipices de ce labyrinthe

suspendu. Avant que vous soyez habitué à tous ces objets et à tous ces

bruits, vous avez peur; vous ne savez de quoi il s'agit, et contre quelles

apparitions inouïes il faut vous armer de sang-froid. Vous ne comprenez

rien, et ce que l'on ne distingue pas par la vue ou par la pensée, ce qui

est incertain et inconnu alarme toujours la logique de la sensation. Tout

ce qu'on peut se figurer de plus raisonnable, quand on pénètre pour la

première fois dans un pareil chaos, c'est qu'on va assister à quelque

sabbat insensé dans le laboratoire d'une mystérieuse alchimie[1].

[Note 1: Et cependant, comme tout a sa beauté pour l'oeil qui sait voir,

ces limbes théâtrales ont une beauté bien plus émouvante pour l'imagination

que tous les prétendus prestiges de la scène éclairée et ordonnée à l'heure

du spectacle. Je me suis demandé souvent en quoi consistait cette beauté,

et comment il me serait possible de la décrire, si je voulais en faire

passer le secret dans l'âme d'un autre. Quoi! sans couleurs, sans formes,

sans ordre et sans clarté, les objets extérieurs peuvent-ils, me dira-t-on,

revêtir un aspect qui parle aux yeux et à l'esprit? Un peintre seul pourra

me répondre: Oui, je le comprends. Il se rappellera le _Philosophe en

méditation_ de Rembrandt: cette grande chambre perdue dans l'ombre,

ces escaliers sans fin, qui tournent on ne sait comment; ces lueurs vagues

qui s'allument et s'éteignent, on ne sait pourquoi, sur les divers plans

du tableau; toute cette scène indécise et nette en même temps, cette

couleur puissante répandue sur un sujet qui, en somme, n'est peint qu'avec

du brun clair et du brun sombre; cette magie du clair-obscur, ce jeu de

la lumière ménagée sur les objets les plus insignifiants, sur une chaise,

sur une cruche, sur un vase de cuivre; et voilà que ces objets, qui ne

méritent pas d'être regardés, et encore moins d'être peints, deviennent si

intéressants, si beaux à leur manière, que vous ne pouvez pas en détacher

vos yeux. Ils ont reçu la vie, ils existent et sont dignes d'exister,

parce que l'artiste les a touchés de sa baguette, parce qu'il y a fixé une

parcelle du soleil, parce que entre eux et lui il a su étendre un voile

transparent, mystérieux, l'air que nous voyons, que nous respirons, et

dans lequel nous croyons entrer en nous enfonçant par l'imagination dans

la profondeur de sa toile. Eh bien, si nous retrouvons dans la réalité un

de ses tableaux, fût-il composé d'objets plus méprisables encore, d'als

brisés, de haillons flétris, de murailles enfumées; si une pâle lumière y

jette son prestige avec précaution, si le clair-obscur y déploie cet art