37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 535

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capable de battre sa maîtresse, celui-ci est capable de la tuer. Oh! je

l'aime davantage!

--Pauvre Corilla! dit Consuelo en laissant tomber sur elle le regard d'une

profonde pitié.

--Tu me plains de cet amour, et tu as raison; mais tu aurais encore plus de

raison si tu me l'enviais. J'aime mieux que tu m'en plaignes, après tout,

que de me le disputer.

--Sois tranquille! dit Consuelo.

--_Signora, si va cominciar!_ cria l'avertisseur à la porte.

--_Commencez!_, cria une voix de stentor à l'étage supérieur, occupé par

les salles des choristes.

--_Commencez!_» répéta une autre voix lugubre et sourde au bas de

l'escalier qui donnait sur le fond du théâtre; et les dernières syllabes,

passant comme un écho affaibli de coulisse en coulisse, aboutirent en

mourant jusqu'au souffleur, qui le traduisit au chef d'orchestre en

frappant trois coups sur le plancher. Celui-ci frappa à son tour de son

archet sur le pupitre, et, après cet instant de recueillement et de

palpitation qui précède le début de l'ouverture, la symphonie prit son

élan et imposa silence dans les loges comme au parterre.

Dès le premier acte de _Zénobie_, Consuelo produisit cet effet complet,

irrésistible, que Haydn lui avait prédit la veille. Les plus grands talents

n'ont pas tous les jours un triomphe infaillible sur la scène; même en

supposant que leurs forces n'aient pas un instant de défaillance, tous

les rôles, toutes les situations ne sont pas propres au développement de

leurs facultés les plus brillantes. C'était la première fois que Consuelo

rencontrait ce rôle et ces situations où elle pouvait être elle-même et

se manifester dans sa candeur, dans sa force, dans sa tendresse et dans

sa pureté, sans faire un travail d'art et d'attention pour s'identifier

à un personnage inconnu. Elle put oublier ce travail terrible, s'abandonner

à l'émotion du moment, s'inspirer tout à coup de mouvements pathétiques

et profonds qu'elle n'avait pas eu le temps d'étudier et qui lui furent

révélés par le magnétisme d'un auditoire sympathique. Elle y trouva

un plaisir indicible; et, ainsi qu'elle l'avait éprouvé en moins à la

répétition, ainsi qu'elle l'avait sincèrement exprimé à Joseph, ce ne fut

pas le triomphe que lui décerna le public qui l'enivra de joie, mais bien

le bonheur de réussir à se manifester, la certitude victorieuse d'avoir

atteint dans son art un moment d'idéal. Jusque-là elle s'était toujours

demandé avec inquiétude si elle n'eût pas pu tirer meilleur parti de ses

moyens et de son rôle. Cette fois, elle sentit qu'elle avait révélé toute

sa puissance, et, presque sourde aux clameurs de la foule, elle s'applaudit

elle-même dans le secret de sa conscience.

Après le premier acte, elle resta dans la coulisse pour écouter

l'intermède, où Corilla était charmante, et pour l'encourager par des

éloges sincères. Mais, après la second acte, elle sentit le besoin de

prendre un instant de repos et remonta dans la loge. Le Porpora, occupé

ailleurs, ne l'y suivit pas, et Joseph, qui, par un secret effet de la

protection impériale, avait été subitement admis à faire une partie de

violon dans l'orchestre, resta à son poste comme on peut croire.

Consuelo entra donc seule dans la loge de Corilla, dont cette dernière

venait de lui remettre la clef, y prit un verre d'eau, et se jeta pour un