37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 538

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appartient plus, et d'où rien ne pourra effacer désormais votre image.

Vous seule, Madame, régnez sur moi et pouvez disposer de ma vie. Pourquoi

hésiteriez-vous? Vous avez, dit-on, un amant; je vous en débarrasserai

avec une chiquenaude. Vous êtes gardée à vue par un vieux tuteur sombre et

jaloux; je vous enlèverai à sa barbe. Vous êtes traversée au théâtre par

mille intrigues; le public vous adore, il est vrai; mais le public est un

ingrat qui vous abandonnera au premier enrouement que vous aurez. Je suis

immensément riche, et je puis faire de vous une princesse, presque une

reine, dans une contrée sauvage, mais où je puis vous bâtir, en un clin

d'oeil, des palais et des théâtres plus beaux et plus vastes que ceux de la

cour de Vienne. S'il vous faut un public, d'un coup de baguette j'en ferai

sortir de terre, un aussi dévoué, aussi soumis, aussi fidèle que celui de

Vienne l'est peu. Je ne suis pas beau, je le sais; mais les cicatrices qui

ornent mon visage sont plus respectables et plus glorieuses que le fard

qui couvre les joues blêmes de vos histrions. Je suis dur à mes esclaves

et implacable à mes ennemis; mais je suis doux pour mes bons serviteurs, et

ceux que j'aime nagent dans la joie, dans la gloire et dans l'opulence.

Enfin, je suis parfois violent; on vous a dit vrai. On n'est pas brave et

fort comme je le suis, sans aimer à faire usage de sa puissance, quand

la vengeance et l'orgueil vous y convient. Mais une femme pure, timide,

douce et charmante comme vous l'êtes, peut dompter ma force, enchaîner ma

volonté, et me tenir sous ses pieds comme un enfant. Essayez seulement;

fiez-vous à moi dans le mystère pendant quelque temps et, quand vous me

connaîtrez, vous verrez que vous pouvez me remettre le soin de votre

avenir et me suivre en Esclavonie. Vous souriez! vous trouvez que ce nom

ressemble à celui d'esclavage. C'est moi, céleste Porporina, qui serai

ton esclave. Regarde-moi et accoutume-toi à cette laideur que ton amour

pourrait embellir. Dis un mot, et tu verras que les yeux rouges de Trenck

l'Autrichien peuvent verser des larmes de tendresse et de joie, aussi

bien que les beaux yeux de Trenck le Prussien, ce cher cousin que j'aime,

quoique nous ayons combattu dans des rangs ennemis, et qui ne t'a pas été

indifférent, à ce qu'on assure. Mais ce Trenck est un enfant; et celui qui

te parle, jeune encore (il n'a que trente-quatre ans, quoique son visage

sillonné de la foudre en accuse le double), a passé l'âge des caprices,

et t'assurera de longues années de bonheur. Parle, parle, dis oui, et tu

verras que la passion peut me transfigurer et faire un Jupiter rayonnant

de Trenck à la gueule brûlée. Tu ne me réponds pas, une touchante pudeur

te fait hésiter encore? Eh bien! ne dis rien, laisse-moi baiser ta main,

et je m'éloigne plein de confiance et de bonheur. Vois si je suis un brutal

et un tigre tel qu'on m'a dépeint! Je ne te demande qu'une innocente

faveur, et je l'implore à genoux, moi qui, de mon souffle, pouvais te

terrasser et connaître encore, malgré ta haine, un bonheur dont les dieux

eussent été jaloux!»

Consuelo examinait avec surprise cet homme affreux qui séduisait tant de

femmes. Elle étudiait cette fascination qui, en effet, eût été irrésistible

en dépit de la laideur, si c'eût été la figure d'un homme de bien, animé

de la passion d'un homme de coeur; mais ce n'était que la laideur d'un

voluptueux effréné, et sa passion n'était que le don quichottisme d'une

présomption impertinente.

«Avez-vous tout dit, monsieur le baron?» lui demanda-t-elle avec