37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 541

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lui demander asile auprès du Porpora? le retrouverait-elle, cette fois,

en rentrant à l'ambassade? Ces perplexités disparaissaient dès qu'elle

rentrait en scène: elle oubliait alors, comme par un effet magique, tous

les détails de sa vie réelle, pour ne plus sentir qu'une vague attente,

mêlée d'enthousiasme, de frayeur, de gratitude et d'espoir. Et tout cela

était dans son rôle, et se manifestait en accents admirables de tendresse

et de vérité.

Elle fut rappelée après la fin; et l'impératrice lui jeta, la première, de

sa loge, un bouquet où était attaché un présent assez estimable. La cour et

la ville suivirent l'exemple de la souveraine en lui envoyant une pluie de

fleurs. Au milieu de ces palmes embaumées, Consuelo vit tomber à ses pieds

une branche verte, sur laquelle ses yeux s'attachèrent involontairement.

Dès que le rideau fut hissé pour la dernière fois, elle la ramassa.

C'était une branche de cyprès. Alors toutes les couronnes du triomphe

disparurent de sa pensée, pour ne lui laisser à contempler et à commenter

que cet emblème funèbre, un signe de douleur et d'épouvante, l'expression,

peut-être, d'un dernier adieu. Un froid mortel succéda à la fièvre de

l'émotion; une terreur insurmontable fit passer un nuage devant ses yeux.

Ses jambes se dérobèrent, et on l'emporta défaillante dans la voiture de

l'ambassadeur de Venise, où le Porpora chercha en vain à lui arracher un

mot. Ses lèvres étaient glacées; et sa main pétrifiée tenait, sous son

manteau, cette branche de cyprès, qui semblait avoir été jetée sur elle par

le vent de là mort.

En descendant l'escalier du théâtre, elle n'avait pas vu des traces de

sang; et, dans la confusion de la sortie, peu de personnes les avaient

remarquées. Mais tandis qu'elle regagnait l'ambassade, absorbée dans de

sombres méditations, une scène assez triste se passait à huis clos dans le

foyer des acteurs. Peu de temps avant la fin du spectacle, les employés du

théâtre, en rouvrant toutes les portes, avaient trouvé le baron de Trenck

évanoui au bas de l'escalier et baigné dans son sang. On l'avait porté dans

une des salles réservées aux artistes; et, pour ne pas faire d'éclat et de

confusion, on avait averti, sous main, le directeur, le médecin du théâtre

et les officiers de police, afin qu'ils vinssent constater le fait. Le

public et la troupe évacuèrent donc la salle et le théâtre sans savoir

l'événement, tandis que les gens de l'art, les fonctionnaires impériaux et

quelques témoins compatissants s'efforçaient de secourir et d'interroger le

pandoure. La Corilla, qui attendait la voiture de son amant, et qui avait

envoyé plusieurs fois sa soubrette s'informer de lui, fut prise d'humeur

et d'impatience, et se hasarda à descendre elle-même, au risque de s'en

retourner à pied. Elle rencontra M. Holzbaüer, qui connaissait ses

relations avec Trenck, et qui la conduisit au foyer où elle trouva son

amant avec la tête fendue et le corps tellement endolori de contusions,

qu'il ne pouvait faire un mouvement. Elle remplit l'air de ses gémissements

et de ses plaintes. Holzbaüer fit sortir les témoins inutiles, et ferma les

portes. La cantatrice, interrogée, ne put rien dire et rien présumer pour

éclaircir l'affaire. Enfin Trenck, ayant un peu repris ses esprits, déclara

qu'étant venu dans l'intérieur du théâtre sans permission, pour voir de

près les danseuses, il avait voulu se hâter de sortir avant la fin; mais

que, ne connaissant pas les détours du labyrinthe, le pied lui avait manqué

sur la première marche de ce maudit escalier. Il était tombé brusquement et