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avait roulé jusqu'en bas. On se contenta de cette explication; et on le

reporta chez lui, où la Corilla l'alla soigner avec un zèle qui lui fit

perdre la faveur du prince Kaunitz, et par suite la bienveillance de Sa

Majesté; mais elle en fit hardiment le sacrifice, et Trenck, dont le corps

de fer avait résisté à des épreuves plus rudes, en fut quitte pour huit

jours de courbature et une cicatrice de plus à la tête. Il ne se vanta à

personne de sa mésaventure, et se promit seulement de la faire payer cher

à Consuelo. Il l'eût fait cruellement sans doute, si un mandat d'arrêt ne

l'eût arraché brusquement des bras de Corilla pour le jeter dans la prison

militaire, à peine rétabli de sa chute et grelottant encore la fièvre[1].

Ce qu'une sourde rumeur publique avait annoncé au chanoine commençait

à se réaliser. Les richesses du pandoure avaient allumé chez des hommes

influents et d'habiles créatures, une soif ardente, inextinguible. Il en

fut la victime mémorable. Accusé de tous les crimes qu'il avait commis et

de tous ceux que lui prêtèrent les gens intéressés à sa perte, il commença

à endurer les lenteurs, les vexations, les prévarications impudentes, les

injustices raffinées d'un long et scandaleux procès. Avare, malgré son

ostentation, et fier, malgré ses vices, il ne voulut pas payer le zèle de

ses protecteurs ou acheter la conscience de ses juges. Nous le laisserons

jusqu'à nouvel ordre dans la prison, où s'étant porté à quelque violence,

il eut la douleur de se voir enchaîné par un pied. Honte et infamie! ce fut

précisément le pied qui avait été brisé d'un éclat de bombe dans une de ses

plus belles actions militaires. Il avait subi la scarification de l'os

gangrené, et, à peine rétabli, il était remonté à cheval pour reprendre

son service avec une fermeté héroïque. On scella un anneau de fer et une

lourde chaîne sur cette affreuse cicatrice. La blessure se rouvrit, et il

supporta de nouvelles tortures, non plus pour servir Marie-Thérèse, mais

pour l'avoir trop bien servie. La grande reine, qui n'avait pas été fâchée

de lui voir pressurer et déchirer cette malheureuse et dangereuse Bohême,

rempart peu assuré contre l'ennemi, à cause de son antique haine nationale,

_le roi_ Marie-Thérèse, qui, n'ayant plus besoin des crimes de Trenck et

des excès des pandoures pour s'affermir sur le trône, commençait à les

trouver monstrueux et irrémissibles, fut censée ignorer ces barbares

traitements; de même que le grand Frédéric fut censé ignorer les féroces

recherches de cruauté, les tortures de l'inanition et les soixante-huit

livres de fers dont fut martyrisé, un peu plus tard, l'autre baron de

Trenck, son beau page, son brillant officier d'ordonnance, le sauveur

et l'ami de notre Consuelo. Tous les flatteurs qui nous ont transmis

légèrement le récit de ces abominables histoires en ont attribué l'odieux

à des officiers subalternes, à des commis obscurs, pour en laver la

mémoire des souverains; mais ces souverains, si mal instruits des abus

de leurs geôles, savaient si bien, au contraire, ce qui s'y passait,

que Frédéric-le-Grand donna en personne le dessin des fers que Trenck

le Prussien porta neuf ans dans son sépulcre de Magdebourg; et si

Marie-Thérèse n'ordonna pas précisément qu'on enchaînât Trenck l'Autrichien

son valeureux pandoure par le pied mutilé, elle fut toujours sourde à ses

plaintes, inaccessible à ses révélations. D'ailleurs, dans la honteuse

orgie que ses gens firent des richesses du vaincu, elle sut fort bien

prélever la part du lion et refuser justice à ses héritiers.

[Note 1: La vérité historique exige que nous disions aussi par quelles