37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 554

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et gourmandait la lenteur des postillons, ce même heiduque qui avait

annoncé le comte Hoditz, le jour où il était venu lui proposer la partie

de plaisir de Roswald. Ce grand et fort garçon, qui la regardait toujours

comme à la dérobée, et qui semblait partagé entre le désir et la crainte de

lui parler, finit par fixer son attention; et, un matin qu'elle déjeunait

dans une auberge isolée, au pied des montagnes, le Porpora ayant été faire

un tour de promenade à la chasse de quelque motif musical, en attendant que

les chevaux eussent rafraîchi, elle se tourna vers ce valet, au moment où

il lui présentait son café, et le regarda en face d'un air un peu sévère et

irrité. Mais il fit alors une si piteuse mine, qu'elle ne put retenir un

grand éclat de rire. Le soleil d'avril brillait sur la neige qui couronnait

encore les monts; et notre jeune voyageuse se sentait en belle humeur.

«Hélas! lui dit enfin le mystérieux heiduque, votre seigneurie ne daigne

donc pas me reconnaître? Moi, je l'aurais toujours reconnue, fut-elle

déguisée en Turc ou en caporal prussien; et pourtant je ne l'avais vue

qu'un instant, mais quel instant dans ma vie!»

En parlant ainsi, il posa sur la table le plateau qu'il apportait; et,

s'approchant de Consuelo, il fit gravement un grand signe de croix, mit

un genou en terre, et baisa le plancher devant elle.

«Ah! s'écria Consuelo, Karl le déserteur, n'est-ce pas?

--Oui, signora, répondit Karl en baisant la main qu'elle lui tendait; du

moins on m'a dit qu'il fallait vous appeler ainsi, quoique je n'aie jamais

bien compris si vous étiez un monsieur ou une dame.

--En vérité? Et d'où vient ton incertitude?

--C'est que je vous ai vue garçon, et que depuis, quoique je vous aie bien

reconnue, vous étiez devenue aussi semblable à une jeune fille que vous

étiez auparavant semblable à un petit garçon. Mais cela ne fait rien: soyez

ce que vous voudrez, vous m'avez rendu des services que je n'oublierai

jamais; et vous pourriez me commander de me jeter du sommet de ce pic qui

est là haut, si cela vous faisait plaisir, je ne vous le refuserais pas.

--Je ne te demande rien, mon brave Karl, que d'être heureux et de jouir de

ta liberté; car te voilà libre, et je pense que tu aimes la vie maintenant?

--Libre, oui! dit Karl en secouant la tête; mais heureux... J'ai perdu ma

pauvre femme!»

Les yeux de Consuelo se remplirent de larmes, par un mouvement sympathique,

en voyant les joues carrées du pauvre Karl se couvrir d'un ruisseau de

pleurs.

«Ah! dit-il en secouant sa moustache rousse, d'où les larmes dégouttaient

comme la pluie d'un buisson, elle avait trop souffert, la pauvre âme!

Le chagrin de me voir enlever une seconde fois par les Prussiens, un long

voyage à pied, lorsqu'elle était déjà bien malade; ensuite la joie de me

revoir, tout cela lui a causé une révolution; et elle est morte huit jours

après être arrivée à Vienne, où je la cherchais, et où, grâce à un billet

de vous, elle m'avait retrouvé, avec l'aide du comte Hoditz. Ce généreux

seigneur lui avait envoyé son médecin et des secours; mais rien n'y a fait:

elle était fatiguée de vivre, voyez-vous, et elle a été se reposer dans le

ciel du bon Dieu.

--Et ta fille? dit Consuelo, qui songeait à le ramener à une idée

consolante.

--Ma fille? dit-il d'un air sombre et un peu égaré, le roi de Prusse me