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--Comment tuée? que dis-tu?
--N'est-ce pas le roi de Prusse qui a tué la mère en lui causant tout ce
mal? Eh bien, l'enfant a suivi la mère. Depuis le soir où, m'ayant vu
frappé au sang, garrotté et emporté par les recruteurs, toutes deux étaient
restées, couchées et comme mortes, en travers du chemin, la petite avait
toujours tremblé d'une grosse fièvre; la fatigue et la misère de la route
les ont achevées. Quand vous les avez rencontrées sur un pont, à l'entrée
de je ne sais plus quel village d'Autriche, il y avait deux jours qu'elles
n'avaient rien mangé. Vous leur avez donné de l'argent, vous leur avez
appris que j'étais sauvé, vous avez tout fait pour les consoler et les
guérir; elles m'ont dit tout cela: mais il était trop tard. Elles n'ont
fait qu'empirer depuis notre réunion, et au moment où nous pouvions être
heureux, elles se sont en allées dans le cimetière. La terre n'était pas
encore foulée sur le corps de ma femme, quand il a fallu recreuser le même
endroit pour y mettre mon enfant; et à présent, grâce au roi de Prusse,
Karl est seul au monde!
--Non, mon pauvre Karl, tu n'es pas abandonné; il te reste des amis qui
s'intéresseront toujours à tes infortunes et à ton bon coeur.
--Je le sais. Oui, il y a de braves gens, et vous en êtes. Mais de quoi
ai-je besoin maintenant que je n'ai plus ni femme, ni enfant, ni pays!
car je ne serai jamais en sûreté dans le mien; ma montagne est trop bien
connue de ces brigands qui sont venus m'y chercher deux fois. Aussitôt
que je me suis vu seul, j'ai demandé si nous étions en guerre ou si nous
y serions bientôt. Je n'avais qu'une idée: c'était de servir contre la
Prusse, afin de tuer le plus de Prussiens que je pourrais. Ah! saint
Wenceslas, le patron de la Bohême, aurait conduit mon bras; et je suis
bien sûr qu'il n'y aurait pas eu une seule balle perdue, sortie de mon
fusil; et je me disais: Peut-être la Providence permettra-t-elle que je
rencontre le roi de Prusse dans quelque défilé; et alors... fût-il cuirassé
comme l'archange Michel... dusse-je le suivre comme un chien suit un loup
à la piste... Mais j'ai appris que la paix était assurée pour longtemps;
et alors, ne me sentant plus de goût à rien, j'ai été trouver monseigneur
le comte Hoditz pour le remercier, et le prier de ne point me présenter à
l'impératrice, comme il en avait eu l'intention. Je voulais me tuer; mais
il a été si bon pour moi, et la princesse de Culmbach, sa belle-fille,
à qui il avait raconté en secret toute mon histoire, m'a dit de si belles
paroles sur les devoirs du chrétien, que j'ai consenti à vivre et à entrer
à leur service, où je suis, en vérité, trop bien nourri et trop bien traité
pour le peu d'ouvrage que j'ai à faire.
--Maintenant dis-moi, mon cher Karl, reprit Consuelo en s'essuyant les
yeux, comment tu as pu me reconnaître.
--N'êtes-vous pas venue, un soir, chanter chez ma nouvelle maîtresse,
madame la margrave? Je vous vis passer tout habillée de blanc, et je vous
reconnus tout de suite, bien que vous fussiez devenue une demoiselle.
C'est que, voyez-vous, je ne me souviens pas beaucoup des endroits où j'ai
passé, ni des noms des personnes que j'ai rencontrées; mais pour ce qui est
des figures, je ne les oublie jamais. Je commençais à faire le signe de la
croix quand je vis un jeune garçon qui vous suivait, et que je reconnus
pour Joseph; et au lieu d'être votre maître, comme je l'avais vu au moment