37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 560

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--Oserai-je vous demander, Monsieur, dit le baron de Kreutz, adressant pour

la première fois la parole au Porpora, quelle est cette aimable dame?

--Monsieur, répondit le Porpora qui était de mauvaise humeur, je suis

Italien, j'entends assez mal l'allemand, et le français encore moins.»

Le baron, qui jusque-là, avait toujours parlé français avec le comte, selon

l'usage de ce temps-là entre les gens du bel air, répéta sa demande en

italien.

«Cette aimable dame, qui n'a pas encore dit un mot devant vous, répondit

sèchement le Porpora, n'est ni margrave, ni douairière, ni princesse, ni

baronne, ni comtesse: c'est une chanteuse italienne qui ne manque pas d'un

certain talent.

--Je m'intéresse d'autant plus à la connaître et à savoir son nom, reprit

le baron en souriant de la brusquerie du maestro.

--C'est la Porporina, mon élève, répondit le Porpora.

--C'est une personne fort habile, dit-on, reprit l'autre, et qui est

attendue avec impatience à Berlin. Puisqu'elle est votre élève, je vois

que c'est à l'illustre maître Porpora que j'ai l'honneur de parler.

--Pour vous servir,» répliqua le Porpora d'un ton bref, en renfonçant sur

sa tête son chapeau qu'il venait de soulever, en réponse, au profond salut

du baron de Kreutz.

Celui-ci, le voyant si peu communicatif, le laissa avancer et se tint en

arrière avec son lieutenant. Le Porpora qui avait des yeux jusque derrière

la tête, vit qu'ils riaient ensemble en le regardant et en parlant de lui,

dans leur langue. Il en fut d'autant plus mal disposé pour eux, et ne leur

adressa pas même un regard durant toute la promenade.

CI.

On descendit une petite pente assez rapide au bas de laquelle on trouva une

rivière en miniature, qui avait été un joli torrent limpide et agité;

mais comme il fallait le rendre navigable, on avait égalisé son lit, adouci

sa pente, taillé proprement ses rives et troublé ses belles ondes par de

récents travaux. Les ouvriers étaient encore occupés à le débarrasser de

quelques roches que l'hiver y avait précipitées, et qui lui donnaient un

reste de physionomie: on s'empressait de la faire disparaître. Une gondole

attendait là les promeneurs, une vraie gondole que le comte avait fait

venir de Venise, et qui fit battre le coeur de Consuelo en lui rappelant

mille souvenirs gracieux et amers. On s'embarqua; les gondoliers étaient

aussi de vrais Vénitiens parlant leur dialecte; on les avait fait venir

avec la barque, comme de nos jours les nègres avec la girafe. Le comte

Hoditz, qui avait beaucoup voyagé, s'imaginait parler toutes les langues:

mais, quoiqu'il y mît beaucoup d'aplomb, et que, d'une voix haute, d'un ton

accentué, il donnât ses ordres aux gondoliers, ceux-ci l'eussent compris

avec peine, si Consuelo ne lui eût servi de truchement. Il leur fut enjoint

de chanter des vers du Tasse: mais ces pauvres diables, enroués par les

glaces du Nord, dépaysés et déroutés dans leurs souvenirs, donnèrent aux

Prussiens un fort triste échantillon de leur savoir-faire. Il fallut que

Consuelo leur soufflât chaque strophe, et promît de leur faire faire une

répétition des fragments qu'ils devaient chanter le lendemain à madame la

margrave.

Quand on eut navigué un quart d'heure dans un espace qu'on eût pu traverser

en trois minutes, mais où l'on avait ménagé au pauvre ruisseau contrarié