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et qu'il se cachait derrière vous, dans le cas où une balle se serait
glissée dans quelqu'un de nos innocents fusils.
--Que veux-tu dire, Karl? Je ne puis te comprendre. Quel est cet officier?
Je ne le connais pas.
--Je n'ai pas besoin de vous le dire; vous le connaîtrez bientôt puisque
vous allez à Berlin.
--Pourquoi m'en faire un secret maintenant?
--C'est que c'est un terrible secret, et que j'ai besoin de le garder
encore une heure.
--Tu as l'air singulièrement agité, Karl; que se passe-t-il en toi?
--Oh! de grandes choses! l'enfer brûle dans mon coeur!
--L'enfer? On dirait que tu as de mauvais desseins.
--Peut-être!
--En ce cas, je veux que tu parles; tu n'as pas le droit de te taire avec
moi, Karl. Tu m'as promis un dévouement, une soumission à toute épreuve.
--Ah! signora, que me dites-vous là? c'est la vérité, je vous dois plus que
la vie, car vous avez fait ce qu'il fallait pour me conserver ma femme et
ma fille; mais elles étaient condamnées, elles ont péri... et il faut bien
que leur mort soit vengée!
--Karl, au nom de ta femme et de ton enfant qui prient pour toi dans le
ciel, je t'ordonne de parler. Tu médites je ne sais quel acte de folie;
tu veux te venger? La vue de ces Prussiens te met hors de toi?
--Elle me rend fou, elle me rend furieux... Mais non, je suis calme, je
suis un saint. Voyez-vous, signora, c'est Dieu et non l'enfer qui me
pousse. Allons! l'heure approche. Adieu, signora; il est probable que je ne
vous reverrai plus, et je vous demande, puisque vous passez par Prague,
de payer une messe pour moi à la chapelle de Saint-Jean-Népomuck, un des
plus grands patrons de la Bohême.
--Karl, vous parlerez, vous confesserez les idées criminelles qui vous
tourmentent, ou je ne prierai jamais pour vous, et j'appellerai sur vous,
au contraire, la malédiction de votre femme et de votre fille, qui sont
des anges dans le sein de Jésus le Miséricordieux. Mais comment voulez-vous
être pardonné dans le ciel, si vous ne pardonnez pas sur la terre? Je vois
bien que vous avez une carabine sous votre manteau, Karl, et que d'ici vous
guettez ces Prussiens au passage.
--Non, pas d'ici, dit Karl ébranlé et tremblant; je ne veux pas verser
le sang dans la maison de mon maître, ni sous vos yeux, ma bonne sainte
fille; mais là-bas; voyez-vous, il y a dans la montagne un chemin creux
que je connais bien déjà; car j'y étais ce matin quand ils sont arrivés
par là... Mais j'y étais par hasard, je n'étais pas armé, et d'ailleurs
je ne l'ai pas reconnu tout de suite, lui!... Mais tout à l'heure, il va
repasser par là, et j'y serai, moi! J'y serai bientôt par le sentier du
parc, et je le devancerai, quoiqu'il soit bien monté... Et comme vous le
dites, signora, j'ai une carabine, une bonne carabine, et il y a dedans
une bonne balle pour son coeur. Elle y est depuis tantôt; car je ne
plaisantais pas quand je faisais le guet accoutré en faux pirate. Je
trouvais l'occasion assez belle, et je l'ai visé plus de dix fois; mais
vous étiez là, toujours là, et je n'ai pas tiré... Mais tout à l'heure,
vous n'y serez pas, il ne pourra pas se cacher derrière vous comme un