37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 573

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et fondait en larmes. Elle quitta la terrasse pour cacher cette arme

dans quelque autre endroit, à la hâte. Elle était brisée de l'effort

qu'elle venait de faire pour s'emparer de l'imagination du fanatique en

évoquant les chimères qui le gouvernaient. Le temps pressait; et ce n'était

pas le moment de lui faire un cours de philosophie plus humaine et plus

éclairée. Elle venait de dire ce qui lui était venu à l'esprit, inspirée

peut-être par quelque chose de sympathique dans l'exaltation de ce

malheureux, qu'elle voulait à tout prix sauver d'un acte de démence, et

qu'elle accablait même d'une feinte indignation, tout en le plaignant

d'un égarement dont il n'était pas le maître.

Elle se pressait d'écarter l'arme fatale, afin de le rejoindre ensuite et

de le retenir sur la terrasse jusqu'à ce que les Prussiens fussent bien

loin, lorsqu'en rouvrant cette petite porte qui ramenait de la terrasse au

corridor, elle se trouva face à face avec le baron de Kreutz. Il venait de

chercher son manteau et ses pistolets dans sa chambre. Consuelo n'eut que

le temps de laisser tomber la carabine derrière elle, dans l'angle que

formait la porte, et de se jeter dans le corridor, en refermant cette porte

entre elle et Karl. Elle craignait que la vue de l'ennemi ne rendît à ce

dernier toute sa fureur s'il l'apercevait.

La précipitation de ce mouvement, et l'émotion qui la força de s'appuyer

contre la porte, comme si elle eût craint de s'évanouir, n'échappèrent

point à l'oeil clairvoyant du baron de Kreutz. Il portait un flambeau,

et s'arrêta devant elle en souriant. Sa figure était parfaitement calme;

cependant Consuelo crut voir que sa main tremblait et faisait vaciller

très-sensiblement la flamme de la bougie. Le lieutenant était derrière

lui, pâle comme la mort, et tenant son épée nue. Ces circonstances, ainsi

que la certitude qu'elle acquit un peu plus tard qu'une fenêtre de cet

appartement, où le baron avait déposé et repris ses effets, donnait sur

la terrasse de la tourelle, firent penser ensuite à Consuelo que les deux

Prussiens n'avaient pas perdu un mot de son entretien avec Karl. Cependant

le baron la salua d'un air courtois et tranquille; et comme la crainte

d'une pareille situation lui faisait oublier de rendre le salut et lui

ôtait la force de dire un mot, Kreutz l'ayant examinée un instant avec des

yeux qui exprimaient plus d'intérêt que de surprise, il lui dit d'une voix

douce en lui prenant la main:

«Allons, mon enfant, remettez-vous. Vous semblez bien agitée. Nous vous

avons fait peur en passant brusquement devant cette porte au moment où vous

l'ouvriez; mais nous sommes vos serviteurs et vos amis. J'espère que nous

vous reverrons à Berlin, et peut-être pourrons-nous vous y être bon à

quelque chose.»

Le baron attira un peu vers lui la main de Consuelo comme si, dans un

premier mouvement, il eût songé à la porter à ses lèvres. Mais il se

contenta de la presser légèrement, salua de nouveau, et s'éloigna, suivi

de son lieutenant[1], qui ne sembla pas même voir Consuelo, tant il était

troublé et hors de lui. Cette contenance confirma la jeune fille dans

l'opinion qu'il était instruit du danger dont son maître venait d'être

menacé.

[Note 1: On disait alors _bas officier_. Nous avons, dans notre récit,

modernisé un titre qui donnait lieu à équivoque.]

Mais quel était donc cet homme dont la responsabilité pesait si fortement