37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 575

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Consuelo était plongée dans ses rêveries. Hoditz l'en tira en lui disant

qu'il avait une humble supplique à lui présenter; qu'il craignait d'abuser

de son obligeance, mais que la chose était si importante, qu'il était forcé

de l'importuner. Après bien des circonlocutions:

«Il s'agirait, lui dit-il d'un air mystérieux et grave, de vouloir bien

vous charger du rôle de l'ombre.

--Quelle ombre? demanda Consuelo, qui ne songeait plus qu'à Frédéric et

aux événements de la soirée.

--L'ombre qui vient au dessert chercher madame la margrave et ses convives

pour leur faire traverser la galerie du Tartare, où j'ai placé le champ

des morts, et les faire entrer dans la salle du théâtre, où l'Olympe doit

les recevoir. Vénus n'entre pas en scène tout d'abord, et vous auriez le

temps de dépouiller, dans la coulisse, le linceul de l'ombre sous lequel

vous aurez le brillant costume de la mère des amours tout ajusté, satin

couleur de rose, avec noeuds d'argent chenillés d'or, paniers très-petits,

cheveux sans poudre, avec des perles et des plumes, des roses, une toilette

très-décente et d'une galanterie sans égale, vous verrez! Allons, vous

consentez à faire l'ombre; car il faut marcher avec beaucoup de dignité,

et pas une de mes petites actrices n'oserait dire à Son Altesse, d'un

ton à la fois impérieux et respectueux: _Suivez-moi_. C'est un mot bien

difficile à dire, et j'ai pensé qu'une personne de génie pouvait en tirer

un grand parti. Qu'en pensez-vous?

--Le mot est admirable, et je ferai l'ombre de tout mon coeur, répondit

Consuelo en riant.

--Ah! vous êtes un ange, un ange, en vérité! s'écria le comte en lui

baisant la main.»

Mais hélas! cette fête, cette brillante fête, ce rêve que le comte avait

caressé pendant tout un hiver et qui lui avait fait faire plus de trois

voyages en Moravie pour en préparer la réalisation; ce jour tant attendu

devait s'en aller en fumée, tout aussi bien que la sérieuse et sombre

vengeance de Karl. Le lendemain, vers le milieu du jour, tout était prêt.

Le peuple de Roswald était sous les armes; les nymphes, les génies, les

sauvages, les nains, les géants, les mandarins et les ombres attendaient,

en grelottant à leurs postes, le moment de commencer leurs évolutions;

la route escarpée était déblayée de ses neiges et jonchée de mousse et

de violettes; les nombreux convives, accourus des châteaux environnants,

et même de villes assez éloignées, formaient un cortège respectable à

l'amphitryon, lorsque hélas! un coup de foudre vint tout renverser. Un

courrier, arrivé à toute bride, annonça que le carrosse de la margrave

avait versé dans un fossé; que Son Altesse s'était enfoncé deux côtes, et

qu'elle était forcée de séjourner à Olmütz, où le comte était prié d'aller

la rejoindre. La foule se dispersa. Le comte, suivi de Karl, qui avait

retrouvé sa raison, monta sur le meilleur de ses chevaux et partit à la

hâte, après avoir dit quelques mots à son majordome.

Les Plaisirs, les Ruisseaux, les Heures et les Fleuves allèrent reprendre

leurs bottes fourrées et leurs casaquins de laine, et s'en retournèrent à

leur travail des champs, pêle-mêle avec les Chinois, les pirates, les

druides et les anthropophages. Les convives remontèrent dans leurs

équipages, et la berline qui avait amené le Porpora et son élève fut mise

de nouveau à leur disposition. Le majordome, conformément aux ordres qu'il