37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 576

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avait reçus, leur apporta la somme convenue, et les força de l'accepter

bien qu'ils ne l'eussent qu'à demi gagnée. Ils prirent, le jour même, la

route de Prague; le professeur enchanté d'être débarrassé de la musique

cosmopolite et des cantates polyglottes de son hôte; Consuelo regardant

du côté de la Silésie et s'affligeant de tourner le dos au captif de Glatz,

sans espérance de pouvoir l'arracher à son malheureux sort.

Ce même jour, le baron de Kreutz, qui avait passé la nuit dans un village,

non loin de la frontière morave, et qui en était reparti le matin dans

un grand carrosse de voyage, escorté de ses pages à cheval, et de sa

berline de suite qui portait son commis et sa _chatouille_[1], disait à

son lieutenant, ou plutôt à son aide de camp, le baron de Buddenbrock,

aux approches de la ville de Neïsse, et il faut noter que mécontent de sa

maladresse la veille, il lui adressait la parole pour la première fois

depuis son départ de Roswald:

[Note 1: Son trésor de voyage.]

«Qu'était-ce donc que cette illumination que j'ai aperçue de loin, sur la

colline au pied de laquelle nous devions passer, en côtoyant le parc de ce

comte Hoditz?

--Sire, répondit en tremblant Buddenbrock, je n'ai pas aperçu

d'illumination.

--Et vous avez eu tort. Un homme qui m'accompagne doit tout voir.

--Votre Majesté devait pardonner au trouble affreux dans lequel m'avait

plongé la résolution d'un scélérat...

--Vous ne savez ce que vous dites! cet homme était un fanatique, un

malheureux dévot catholique, exaspéré par les sermons que les curés de

la Bohême ont fait contre moi durant la guerre; il était poussé à bout

d'ailleurs par quelque malheur personnel. Il faut que ce soit quelque

paysan enlevé pour mes armées, un de ces déserteurs que nous reprenons

quelquefois malgré leurs belles précautions...

--Votre Majesté peut compter que demain celui-là sera repris et amené

devant elle.

--Vous avez donné des ordres pour qu'on l'enlevât au comte Hoditz?

--Pas encore, Sire; mais sitôt que je serai arrivé à Neïsse, je lui

dépêcherai quatre hommes très-habiles et très-déterminés...

--Je vous le défends: vous prendrez au contraire des informations sur le

compte de cet homme; et si sa famille a été victime de la guerre, comme il

semblait l'indiquer dans ses paroles décousues, vous veillerez à ce qu'il

lui soit compté une somme de mille reichsthalers, et vous le ferez désigner

aux recruteurs de la Silésie, pour qu'on le laisse à jamais tranquille.

Vous m'entendez? Il s'appelle Karl; il est très-grand, il est Bohémien, il

est au service du comte Hoditz: c'en est assez pour qu'il soit facile de le

retrouver, et de s'informer de son nom de famille et de sa position.

--Votre Majesté sera obéie.

--Je l'espère bien! Que pensez-vous de ce professeur de musique?

--Maître Porpora? Il m'a semblé sot, suffisant et d'une humeur

très-fâcheuse.

--Et moi je vous dis que c'est un homme supérieur dans son art, rempli

d'esprit et d'une ironie fort divertissante. Quand il sera rendu avec son

élève à la frontière de Prusse, vous enverrez au-devant de lui une bonne

voiture.