37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 582

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met le comble aux infortunes d'une famille qu'on dirait maudite! Quels

crimes avons-nous donc commis pour mériter de telles expiations? Que Dieu

me préserve de manquer de foi et de soumission; mais, en vérité, il y a des

instants où je me dis que c'en est trop.

«Venez, mon frère, nous vous attendons, nous avons besoin de vous; et

cependant ne quittez pas Prague avant le 11. J'ai à vous charger d'une

étrange commission; je crois devenir folle en m'y prêtant; mais je ne

comprends plus rien à notre existence, et je me conforme aveuglément aux

volontés d'Albert. Le 11 courant, à sept heures du soir, trouvez-vous sur

le pont de Prague, au pied de la statue. La première voiture qui passera,

vous l'arrêterez; la première personne que vous y verrez, vous l'emmènerez

chez vous; et si elle peut partir pour Riesenburg le soir même, Albert sera

peut-être sauvé. Du moins il dit qu'il se rattachera à la vie éternelle,

et j'ignore ce qu'il entend par là. Mais les révélations qu'il a eues,

depuis huit jours, des événements les plus imprévus pour nous tous, ont été

réalisées d'une façon si incompréhensible, qu'il ne m'est plus permis d'en

douter: il a le don de prophétie ou le sens de la vue des choses cachées.

Il m'a appelée ce soir auprès de son lit, et de cette voix éteinte qu'il a

maintenant, et qu'il faut deviner plus qu'on ne peut l'entendre, il m'a dit

de vous transmettre les paroles que je vous ai fidèlement rapportées. Soyez

donc à sept heures, le 11, au pied de la statue, et, quelle que soit la

personne qui s'y trouvera en voiture, amenez-la ici en toute hâte.»

En achevant cette lettre, Consuelo, devenue aussi pâle que le baron, se

leva brusquement; puis elle retomba sur sa chaise, et resta quelques

instants les bras raidis et les dents serrées. Mais elle reprit aussitôt

ses forces, se leva de nouveau, et dit au baron qui était retombé dans sa

stupeur:

«Eh bien! monsieur le baron, votre voiture est-elle prête? Je le suis, moi;

partons.»

Le baron se leva machinalement et sortit. Il avait eu la force de songer à

tout d'avance; la voiture était préparée, les chevaux attendaient dans la

cour; mais il n'obéissait plus que comme un automate à la pression d'un

ressort, et, sans Consuelo, il n'aurait plus pensé au départ.

A peine fut-il hors de la chambre, que le Porpora saisit la lettre et la

parcourut rapidement. A son tour il devint pâle, ne put articuler un mot,

et se promena devant le poêle en proie à un affreux malaise. Le maestro

avait à se reprocher ce qui arrivait. Il ne l'avait pas prévu, mais il

se disait maintenant qu'il eût dû le prévoir: et en proie au remords, à

l'épouvante, sentant sa raison confondue d'ailleurs par la singulière

puissance de divination qui avait révélé au malade le moyen de revoir

Consuelo, il croyait faire un rêve affreux et bizarre.

Cependant, comme aucune organisation n'était plus positive que la sienne à

certains égards, et aucune volonté plus tenace, il pensa bientôt à la

possibilité et aux suites de cette brusque résolution que Consuelo venait

de prendre. Il s'agita beaucoup, frappa son front avec ses mains et le

plancher avec ses talons, fit craquer toutes ses phalanges, compta sur ses

doigts, supputa, rêva, s'arma de courage, et, bravant l'explosion, dit à

Consuelo en la secouant pour la ranimer:

«Tu veux aller là-bas, j'y consens; mais je te suis. Tu veux voir Albert,

tu vas peut-être lui donner le coup de grâce; mais il n'y a pas moyen de