37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 584

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hélas! s'il le faut. Albert est condamné! il touche à sa dernière heure.

Tâchez d'adoucir son agonie; c'est tout ce que nous vous demandons.»

En parlant ainsi, Wenceslawa entraînait Consuelo vers le grand salon.

«Il est donc levé? Il ne garde donc pas la chambre? demanda Consuelo à la

hâte.

--Il ne se lève plus, car il ne se couche plus, répondit la chanoinesse.

Depuis trente jours, il est assis sur un fauteuil, dans le salon, et il ne

veut pas qu'on le dérange pour le transporter ailleurs. Le médecin déclare

qu'il ne faut pas le contrarier à cet égard, parce qu'on le ferait mourir

en le remuant. Signora, prenez courage; car vous allez voir un effrayant

spectacle!»

La chanoinesse ouvrit la porte du salon, en ajoutant:

«Courez à lui, ne craignez pas de le surprendre. Il vous attend, il vous a

vue venir de plus de deux lieues.»

Consuelo s'élança vers son pâle fiancé, qui était effectivement assis dans

un grand fauteuil, auprès de la cheminée. Ce n'était plus un homme, c'était

un spectre. Sa figure, toujours belle malgré les ravages de la maladie,

avait contracté l'immobilité d'un visage de marbre. Il n'y eut pas un

sourire sur ses lèvres, pas un éclair de joie dans ses yeux. Le médecin,

qui tenait son bras et consultait son pouls, comme dans la scène de

Stratonice, le laissa retomber doucement, et regarda la chanoinesse d'un

air qui signifiait: «Il est trop tard.» Consuelo était à genoux près

d'Albert, qui la regardait fixement et ne disait rien. Enfin, il réussit à

faire, avec le doigt, un signe à la chanoinesse, qui avait appris à deviner

toutes ses intentions. Elle prit ses deux bras, qu'il n'avait plus la force

de soulever, et les posa sur les épaules de Consuelo; puis elle pencha la

tête de cette dernière sur le sein d'Albert; et comme la voix du moribond

était entièrement éteinte, il lui prononça ce peu de mots à l'oreille:

«Je suis heureux.»

Il tint pendant deux minutes la tête de sa bien-aimée contre sa poitrine et

sa bouche collée sur ses cheveux noirs. Puis il regarda sa tante, et, par

d'imperceptibles mouvements, il lui fit comprendre qu'il désirait qu'elle

et son père donnassent le même baiser à sa fiancée.

«Oh! de toute mon âme!» dit la chanoinesse en la pressant dans ses bras

avec effusion.

Puis elle la releva pour la conduire au comte Christian, que Consuelo

n'avait pas encore remarqué.

Assis dans un autre fauteuil vis-à-vis de son fils, à l'autre angle de la

cheminée, le vieux comte semblait presque aussi affaibli et aussi détruit.

Il se levait encore pourtant et faisait quelques pas dans le salon; mais il

fallait chaque soir le porter à son lit, qu'il avait fait dresser dans une

pièce voisine. Il tenait en cet instant la main de son frère dans une des

siennes, et celle du Porpora dans l'autre. Il les quitta pour embrasser

Consuelo avec ferveur à plusieurs reprises. L'aumônier du château vint à

son tour la saluer pour faire plaisir à Albert. C'était un spectre aussi,

malgré son embonpoint qui ne faisait qu'augmenter; mais sa pâleur était

livide. La mollesse d'une vie nonchalante l'avait trop énervé pour qu'il

pût supporter la douleur des autres. La chanoinesse conservait de l'énergie

pour tous. Sa figure était couperosée, ses yeux brillaient d'un éclat

fébrile; Albert seul paraissait calme. Il avait la sérénité d'une belle