37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 585

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mort sur le front, sa prostration physique n'avait rien qui ressemblât à

l'abrutissement des facultés morales. Il était grave et non accablé comme

son père et son oncle.

Au milieu de toutes ces organisations ravagées par la maladie ou la

douleur, le calme et la santé du médecin faisaient contraste. Supperville

était un Français autrefois attaché à Frédéric, lorsque celui-ci n'était

que prince royal. Pressentant un des premiers le caractère despotique et

ombrageux qu'il voyait couver dans le prince, il était venu se fixer à

Bareith et s'y vouer au service de la margrave Sophie Wilhelmine de Prusse,

soeur de Frédéric. Ambitieux et jaloux, Supperville avait toutes les

qualités du courtisan; médecin assez-médiocre, malgré la réputation qu'il

avait acquise dans cette petite cour, il était homme du monde, observateur

pénétrant et juge assez intelligent des causes morales de la maladie.

Il avait beaucoup exhorté la chanoinesse à satisfaire tous les désirs de

son neveu, et il avait espéré quelque chose du retour de celle pour qui

Albert mourait. Mais il avait beau interroger son pouls et sa physionomie,

depuis que Consuelo était arrivée, il se répétait qu'il n'était plus temps,

et il songeait à s'en aller pour n'être pas témoin des scènes de désespoir

qu'il n'était plus en son pouvoir de conjurer.

Il résolut pourtant de se mêler aux affaires positives de la famille, pour

satisfaire, soit quelque prévision intéressée, soit son goût naturel pour

l'intrigue; et, voyant que, dans cette famille consternée, personne ne

songeait à mettre les moments à profit, il attira Consuelo dans l'embrasure

d'une fenêtre pour lui parler tout bas, en français, ainsi qu'il suit:

«Mademoiselle, un médecin est un confesseur. J'ai donc appris bien vite

ici le secret de la passion qui conduit ce jeune homme au tombeau. Comme

médecin, habitué à approfondir les choses et à ne pas croire facilement

aux perturbations des lois du monde physique, je vous déclare que je ne

puis croire aux étranges visions et aux révélations extatiques du jeune

comte. En ce qui vous concerne, du moins, je trouve fort simple de les

attribuer à de secrètes communications qu'il a eues avec vous touchant

votre voyage à Prague et votre prochaine arrivée ici.»

Et comme Consuelo faisait un geste négatif, il poursuivit: «Je ne vous

interroge pas, Mademoiselle, et mes suppositions n'ont rien qui doive vous

offenser. Vous devez bien plutôt m'accorder votre confiance, et me regarder

comme entièrement dévoué à vos intérêts.

--Je ne vous comprends pas, Monsieur, répondit Consuelo avec une candeur

qui ne convainquit point le médecin de cour.

--Vous allez me comprendre, Mademoiselle, reprit-il avec sang-froid. Les

parents du jeune comte se sont opposés à votre mariage avec lui, de toutes

leurs forces jusqu'à ce jour. Mais enfin, leur résistance est à bout.

Albert va mourir, et sa volonté étant de vous laisser sa fortune, ils ne

s'opposeront point à ce qu'une cérémonie religieuse vous l'assure à tout

jamais.

--Eh! que m'importe la fortune d'Albert? dit Consuelo stupéfaite: qu'a cela

de commun avec l'état où je le trouve? Je ne viens pas ici pour m'occuper

d'affaires, Monsieur; je viens essayer de le sauver. Ne puis-je donc en

conserver aucune espérance?

--Aucune! Cette maladie, toute mentale, est de celles qui déjouent tous

nos plans et résistent à tous les efforts de la science. Il y a un mois