37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 586

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que le jeune comte, après une disparition de quinze jours, que personne

ici n'a pu m'expliquer, est rentré dans sa famille atteint d'un mal subit

et incurable. Toutes les fonctions de la vie étaient déjà suspendues.

Depuis trente jours, il n'a pu avaler aucune espèce d'aliments; et c'est

un de ces phénomènes dont l'organisation exceptionnelle des aliénés offre

seule des exemples, de voir qu'il ait pu se soutenir jusqu'ici avec

quelques gouttes d'eau par jour et quelques minutes de sommeil par nuit.

Vous le voyez, toutes les forces vitales sont épuisées en lui. Encore

deux jours, tout au plus, et il aura cessé de souffrir. Armez-vous donc

de courage: ne perdez pas la tête. Je suis là pour vous seconder et pour

frapper les grands coups.

Consuelo regardait toujours le docteur avec étonnement, lorsque la

chanoinesse, avertie par un signe du malade, vint interrompre ce dernier

pour l'amener auprès d'Albert.

Albert, l'ayant fait approcher, lui parla dans l'oreille plus longtemps

que son état de faiblesse ne semblait pouvoir le permettre. Supperville

rougit et pâlit; la chanoinesse, qui les observait avec anxiété, brûlait

d'apprendre quel désir Albert lui exprimait.

«Docteur, disait Albert, tout ce que vous venez de dire à cette jeune

fille, je l'ai entendu. (Supperville, qui avait parlé au bout du grand

salon, aussi bas que son malade lui parlait en cet instant, se troubla, et

ses idées positives sur l'impossibilité des facultés extatiques furent

tellement bouleversées qu'il crut devenir fou.) Docteur, continua le

moribond, vous ne comprenez rien à cette âme-là, et vous nuisez à mon

dessein en alarmant sa délicatesse. Elle n'entend rien à vos idées sur

l'argent. Elle n'a jamais voulu de mon titre ni de ma fortune; elle n'avait

pas d'amour pour moi. Elle ne cédera qu'à la pitié. Parlez à son coeur. Je

suis plus près de ma fin que vous ne croyez. Ne perdez pas de temps. Je ne

puis pas revivre heureux si je n'emporte dans la nuit du repos le titre de

son époux.

--Mais qu'entendez-vous par ces dernières paroles? dit Supperville, occupé

en cet instant à analyser la folie de son malade.

--Vous ne pouvez pas les comprendre, reprit Albert avec effort, mais, elle

les comprendra. Bornez-vous à les lui redire fidèlement.

--Tenez; monsieur le comte, dit Supperville en élevant un peu la voix, je

vois que je ne puis être un interprète lucide de vos pensées; vous avez la

force de parler maintenant plus que vous ne l'avez fait depuis huit jours,

et j'en conçois un favorable augure. Parlez vous-même à mademoiselle; un

mot de vous la convaincra mieux que tous mes discours. La voici près de

vous; qu'elle prenne ma place, et vous entende.»

Supperville ne comprenant plus rien, en effet, à ce qu'il avait cru

comprendre, et pensant d'ailleurs qu'il en avait dit assez à Consuelo

pour s'assurer de sa reconnaissance au cas où elle viserait à la fortune,

se retira après qu'Albert lui eut dit encore:

«Songez à ce que vous m'avez promis; le moment est venu: parlez à mes

parents. Faites qu'ils consentent et qu'ils n'hésitent pas. Je vous dis

que le temps presse.»

Albert était si fatigué de l'effort qu'il venait de faire qu'il appuya son

front sur celui de Consuelo lorsqu'elle s'approcha de lui et s'y reposa

quelques instants comme près d'expirer. Ses lèvres blanches devinrent