37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 66

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moyens de séduction qu'il voulait employer auprès d'une femme en tout

différente de celle qu'il avait su corrompre.

Il prit patience, et résolut d'essayer sur elle les effets de

l'émulation. Il la conduisit dans sa loge au théâtre, afin qu'elle vît

les succès de la Corilla, et que l'ambition s'éveillât en elle. Mais le

résultat de cette épreuve fut fort différent de ce qu'il en attendait.

Consuelo sortit du théâtre froide, silencieuse, fatiguée et non émue de

ce bruit et de ces applaudissements. La Corilla lui avait paru manquer

d'un talent solide, d'une passion noble, d'une puissance de bon aloi.

Elle se sentit compétente pour juger ce talent factice, forcé, et déjà

ruiné dans sa source par une vie de désordre et d'égoïsme. Elle battit

des mains d'un air impassible, prononça des paroles d'approbation

mesurée, et dédaigna de jouer cette vaine comédie d'un généreux

enthousiasme pour une rivale qu'elle ne pouvait ni craindre ni admirer.

Un instant, le comte la crut tourmentée d'une secrète jalousie, sinon

pour le talent, du moins pour le succès de la prima-donna.

«Ce succès n'est rien auprès de celui que vous remporterez, lui dit-il;

qu'il vous serve seulement à pressentir les triomphes qui vous

attendent, si vous êtes devant le public ce que vous avez été devant

nous. J'espère que vous n'êtes pas effrayée de ce que vous voyez?

--Non, seigneur comte, répondit Consuelo en souriant: Ce public ne

m'effraie pas, car je ne pense pas à lui; je pense au parti qu'on peut

tirer de ce rôle que la Corilla remplit d'une manière brillante, mais où

il reste à trouver d'autres effets qu'elle n'aperçoit point.

--Quoi! vous ne pensez pas au public?

--Non: je pense à la partition, aux intentions du compositeur, à

l'esprit du rôle, à l'orchestre qui a ses qualités et ses défauts, les

uns dont il faut tirer parti, les autres qu'il faut couvrir en se

surpassant à de certains endroits. J'écoute les choeurs, qui ne sont pas

toujours satisfaisants, et qui ont besoin d'une direction plus sévère;

j'examine les passages où il faut donner tous ses moyens, par conséquent

ceux auxquels il faudrait se ménager. Vous voyez, monsieur le comte, que

j'ai à penser à beaucoup de choses avant de penser au public, qui ne

sait rien de tout cela, et qui ne peut rien m'en apprendre.»

Cette sécurité de jugement et cette gravité d'examen surprirent

tellement Zustiniani, qu'il n'osa plus lui adresser une seule question,

et qu'il se demanda avec effroi quelle prise un galant comme lui pouvait

avoir sur un esprit de cette trempe.

L'apparition des deux débutants fut préparée avec toutes les rubriques

usitées en pareille occasion. Ce fut une source de différends et de

discussions continuelles entre le comte et Porpora, entre Consuelo et

son amant. Le vieux maître et sa forte élève blâmaient le charlatanisme

des pompeuses annonces et de ces mille vilains petits moyens que nous

avons si bien fait progresser en impertinence et en mauvaise foi. A

Venise, en ce temps-là, les journaux ne jouaient pas un grand rôle dans

de telles affaires. On ne travaillait pas aussi savamment la composition

de l'auditoire; on ignorait les ressources profondes de la réclame, les

hâbleries du bulletin biographique, et jusqu'aux puissantes machines

appelées claqueurs. Il y avait de fortes brigues, d'ardentes cabales;

mais tout cela s'élaborait dans les coteries, et s'opérait par là seule