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l'entendrez, divine Corilla, et vous serez émue d'une noble pitié, et
vous l'encouragerez au lieu de la faire siffler, comme vous le disiez en
raillant tout à l'heure.
--Ou tu me trompes, ou mes amis m'ont bien trompée sur son compte.
--Vos amis se sont laissé tromper eux-mêmes. Dans leur zèle indiscret,
ils se sont effrayés de vous voir une rivale: effrayés d'un enfant!
effrayés pour vous! Ah! que ces gens-là vous aiment mal, puisqu'ils vous
connaissent si peu! Oh! si j'avais le bonheur d'être votre ami, je
saurais mieux ce que vous êtes, et je ne vous ferais pas l'injure de
m'effrayer pour vous d'une rivalité quelconque, fût-ce celle d'une
Faustina ou d'une Molteni.
--Ne crois pas que j'aie été effrayée. Je ne suis ni jalouse ni
méchante; et les succès d'autrui n'ayant jamais fait de tort aux miens,
je ne m'en suis jamais affligée. Mais quand je crois qu'on veut me
braver et me faire souffrir....
--Voulez-vous que j'amène la petite Consuelo à vos pieds? Si elle l'eût
osé, elle serait venue déjà vous demander votre appui et vos conseils.
Mais c'est un enfant si timide! Et puis, on vous a calomniée aussi
auprès d'elle. A elle aussi on est venu dire que vous étiez cruelle,
vindicative, et que vous comptiez la faire tomber.
--On lui a dit cela? En ce cas je comprends pourquoi tu es ici.
--Non, madame, vous ne le comprenez pas; car je ne l'ai pas cru un
instant, je ne le croirai jamais. Oh! non, madame! vous ne me comprenez
pas!»
En parlant ainsi, Anzoleto fit scintiller ses yeux noirs, et fléchit le
genou devant la Corilla avec une expression de langueur et d'amour
incomparable.
La Corilla n'était pas dépourvue de malice et de pénétration; mais,
comme il arrive aux femmes excessivement éprises d'elles-mêmes, la
vanité lui mettait souvent un épais bandeau sur les yeux, et la faisait
tomber dans des pièges fort grossiers. D'ailleurs elle était d'humeur
galante. Anzoleto était le plus beau garçon qu'elle eût jamais vu. Elle
ne put résister à ses mielleuses paroles, et peu à peu, après avoir
goûté avec lui le plaisir de la vengeance, elle s'attacha à lui par les
plaisirs de la possession. Huit jours après cette première entrevue,
elle en était folle, et menaçait à tout moment de trahir le secret de
leur intimité par des jalousies et des emportements terribles. Anzoleto,
épris d'elle aussi d'une certaine façon (sans que son coeur pût réussir
à être infidèle à Consuelo), était fort effrayé du trop rapide et trop
complet succès de son entreprise. Cependant il se flattait de la dominer
assez longtemps pour en venir à ses fins, c'est-à-dire pour l'empêcher
de nuire à ses débuts et au succès de Consuelo. Il déployait avec elle
une grande habileté, et possédait l'art d'exprimer le mensonge avec un
air de vérité diabolique. Il sut l'enchaîner, la persuader, et la
réduire; il vint à bout de lui faire croire que ce qu'il aimait
par-dessus tout dans une femme c'était la générosité, la douceur et la
droiture; et il lui traça finement le rôle qu'elle avait à jouer devant
le public avec Consuelo, si elle ne voulait être haïe et méprisée par
lui-même. Il sut être sévère avec tendresse; et, masquant la menace sous