37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 78

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conçu:

«Si tu ne viens me trouver à l'instant même, je vais te chercher et

faire un éclat, fusses-tu au bout du monde, fusses-tu dans les bras de

ta Consuelo, trois fois maudite.»

Anzoleto feignit d'être pris d'une quinte de toux, et sortit pour écrire

cette réponse au crayon sur un bout de papier réglé arraché dans

l'antichambre à un cahier de musique:

«Viens si tu veux; mon couteau est toujours prêt, et avec lui mon mépris

et ma haine.»

Le despote savait bien qu'avec une nature comme celle à qui il avait

affaire, la peur était le seul frein, la menace le seul expédient du

moment. Mais, malgré lui, il fut sombre et distrait durant la fête; et

lorsqu'on se leva de table, il s'esquiva pour courir chez la Corilla.

Il trouva cette malheureuse fille dans un état digne de pitié. Aux

convulsions avaient succédé des torrents de larmes; elle était assise à

sa fenêtre, échevelée, les yeux meurtris de sanglots; et sa robe,

qu'elle avait déchirée de rage, tombait en lambeaux sur sa poitrine

haletante. Elle renvoya sa soeur et sa femme de chambre; et, malgré

elle, un éclair de joie ranima ses traits en se trouvant auprès de celui

qu'elle avait craint de ne plus revoir. Mais Anzoleto la connaissait

trop pour chercher à la consoler. Il savait bien qu'au premier

témoignage de pitié ou de repentir, il verrait sa fureur se réveiller et

abuser de la vengeance. Il prit le parti de persévérer dans son rôle de

dureté inflexible; et bien qu'il fût touché de son désespoir, il

l'accabla des plus cruels reproches, et lui déclara qu'il venait lui

faire d'éternels adieux. Il l'amena à se jeter à ses pieds, à se traîner

sur ses genoux jusqu'à la porte et à implorer son pardon dans l'angoisse

d'une mortelle douleur. Quand il l'eut ainsi brisée et anéantie, il

feignit de se laisser attendrir; et tout éperdu d'orgueil et de je ne

sais quelle émotion fougueuse, en voyant cette femme si belle et si

fière se rouler devant lui dans la poussière comme une Madeleine

pénitente, il céda à ses transports et la plongea dans de nouvelles

ivresses. Mais en se familiarisant avec cette lionne domptée, il

n'oublia pas un instant que c'était une bête féroce, et garda jusqu'au

bout l'attitude d'un maître offensé qui pardonne.

L'aube commençait à poindre lorsque cette femme, enivrée et avilie,

appuyant son bras de marbre sur le balcon humide du froid matinal et

ensevelissant sa face pâle sous ses longs cheveux noirs, se mit à se

plaindre d'une voix douce et caressante des tortures que son amour lui

faisait éprouver.

«Eh bien, oui, lui dit-elle, je suis jalouse, et si tu le veux

absolument, je suis pis que cela, je suis envieuse. Je ne puis voir ma

gloire de dix années éclipsée en un instant par une puissance nouvelle

qui s'élève et devant laquelle une foule oublieuse et cruelle m'immole

sans ménagement et sans regret. Quand tu auras connu les transports du

triomphe et les humiliations de la décadence, tu ne seras plus si

exigeant et si austère envers toi-même que tu l'es aujourd'hui envers

moi. Je suis encore puissante, dis-tu; comblée de vanités, de succès, de

richesses, et d'espérances superbes, je vais voir de nouvelles contrées,

subjuguer de nouveaux amants, charmer un peuple nouveau. Quand tout cela