37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 85

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vulgaire?

--J'ai pensé que tes qualités frapperaient plus que tes défauts; et il

en a été ainsi, ce me semble, pour les uns comme pour l'autre.

--Au fait, pensa Anzoleto, elle dit vrai, et si je pouvais reculer mes

débuts.... Mais c'est courir le risque de voir appeler à ma place un

ténor qui ne me la céderait plus. Voyons! dit-il après avoir fait

plusieurs tours dans la chambre, quels sont donc mes défauts?

--Ceux que je t'ai dits souvent, trop de hardiesse et pas assez de

préparation; une énergie plus fiévreuse que sentie; des effets

dramatiques qui sont l'ouvrage de la volonté plus que ceux de

l'attendrissement. Tu ne t'es pas pénétré de l'ensemble de ton rôle. Tu

l'as appris par fragments. Tu n'y as vu qu'une succession de morceaux

plus ou moins brillants. Tu n'en as saisi ni la gradation, ni le

développement, ni le résumé. Pressé de montrer ta belle voix et

l'habileté que tu as à certains égards, tu as donné ton dernier mot

presque en entrant en scène. À la moindre occasion, tu as cherché un

effet, et tous tes effets ont été semblables. À la fin du premier acte,

on te connaissait, on te savait par coeur; mais on ne savait pas que

c'était tout, et on attendait quelque chose de prodigieux pour la fin.

Ce quelque chose n'était pas en toi. Ton émotion était épuisée, et ta

voix n'avait plus la même fraîcheur. Tu l'as senti, tu as forcé l'une et

l'autre; on l'a senti aussi, et l'on est resté froid, à ta grande

surprise, au moment où tu te croyais le plus pathétique. C'est qu'à ce

moment-là on ne voyait pas l'artiste inspiré par la passion, mais

l'acteur aux prises avec le succès.

--Et comment donc font les autres? s'écria Anzoleto en frappant du pied.

Est-ce que je ne les ai pas entendus, tous ceux qu'on a applaudis à

Venise depuis dix ans? Est-ce que le vieux Stefanini ne criait pas quand

la voix lui manquait? Et cependant on l'applaudissait avec rage.

--II est vrai, et je n'ai pas compris que le public pût s'y tromper.

Sans doute on se souvenait du temps où il y avait eu en lui plus de

puissance, et on ne voulait pas lui faire sentir le malheur de son âge.

--Et la Corilla, voyons, cette idole que tu renverses, est-ce qu'elle ne

forçait pas les situations? Est-ce-qu'elle ne faisait pas des efforts

pénibles à voir et à entendre? Est-ce qu'elle était passionnée tout de

bon, quand on la portait aux nues?

--C'est parce que j'ai trouvé ses moyens factices, ses effets

détestables, son jeu comme son chant dépourvus de goût et de grandeur,

que je me suis présentée si tranquillement sur la scène, persuadée comme

toi que le public ne s'y connaissait pas beaucoup.

--Ah! dit Anzoleto avec un profond soupir, tu mets le doigt sur ma

plaie, pauvre Consuelo!

--Comment cela, mon bien-aimé?

--Comment cela? tu me le demandes? Nous nous étions trompés, Consuelo.

Le public s'y connaît. Son coeur lui apprend ce que son ignorance lui

voile. C'est un grand enfant qui a besoin d'amusement et d'émotion. Il

se contente de ce qu'on lui donne; mais qu'on lui montre quelque chose

de mieux, et le voilà qui compare et qui comprend. La Corilla pouvait

encore le charmer la semaine dernière, bien qu'elle chantât faux et

manquât de respiration. Tu parais, et la Corilla est perdue; elle est