37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 88

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maître Porpora.

«Consuelo, lui dit-il à voix basse, il est inutile de me cacher tes

traits; je viens d'entendre ta voix, et ne puis m'y méprendre. Que

viens-tu faire ici, à cette heure, ma pauvre enfant, et que cherches-tu

dans cette maison?

--J'y cherche mon fiancé, répondit Consuelo en s'attachant au bras de

son vieux maître. Et je ne sais pas pourquoi je rougirais de l'avouer à

mon meilleur ami. Je sais bien que vous blâmez mon attachement pour lui;

mais je ne saurais vous faire un mensonge. Je suis inquiète. Je n'ai pas

vu Anzoleto depuis avant-hier au théâtre. Je le crois malade.

--Malade? lui! dit le professeur en haussant les épaules. Viens avec

moi, pauvre fille; il faut que nous causions; et puisque tu prends enfin

le parti de m'ouvrir ton coeur, il faut que je t'ouvre le mien aussi.

Donne-moi le bras, mous parlerons en marchant. Écoute, Consuelo; et

pénétre-toi bien de ce que je vais te dire. Tu ne peux pas, tu ne dois

pas être la femme de ce jeune homme. Je te le défends, au nom du Dieu

vivant qui m'a donné pour toi des entrailles de père.

--O mon maître, répondit-elle avec douleur, demandez-moi le sacrifice de

ma vie, mais non celui de mon amour.

--Je ne le demande pas, je l'exige, répondit le Porpora avec fermeté.

Cet amant est maudit. Il fera ton tourment et ta honte si tu ne

l'abjures à l'instant même.

--Cher maître, reprit-elle avec un sourire triste et caressant, vous

m'avez dit cela bien souvent; mais j'ai vainement essayé de vous obéir.

Vous haïssez ce pauvre enfant. Vous ne le connaissez pas, et je suis

certaine que vous reviendrez de vos préventions.

--Consuelo, dit le maestro avec plus de force, je t'ai fait jusqu'ici

d'assez vaines objections et de très-inutiles défenses, je le sais. Je

t'ai parlé en artiste, et comme à une artiste; je ne voyais non plus

dans ton fiancé que l'artiste. Aujourd'hui, je te parle en homme, et je

te parle d'un homme, et je te parle comme à une femme. Cette femme a mal

placé son amour, cet homme en est indigne, et l'homme qui te le dit en

est certain.

--O mon Dieu! Anzoleto indigne de mon amour! Lui, mon seul ami, mon

protecteur, mon frère! Ah! vous ne savez pas comme il m'a aidée et comme

il m'a respectée depuis que je suis au monde! Il faut que je vous le

dise.»

Et Consuelo raconta toute l'histoire de sa vie et de son amour, qui

était une seule et même histoire.

Le Porpora en fut ému, mais non ébranlé.

«Dans tout ceci, dit-il, je ne vois que ton innocence, ta fidélité, ta

vertu. Quant à lui, je vois bien le besoin qu'il a eu de ta société et

de tes enseignements, auxquels, bien que tu en penses, je sais qu'il

doit le peu qu'il sait et le peu qu'il vaut; mais il n'en est pas moins

vrai que cet amant si chaste et si pur n'est que le rebut de toutes les

femmes perdues de Venise, qu'il apaise l'ardeur des feux que tu lui

inspires dans les maisons de débauche, et qu'il ne songe qu'à

t'exploiter, tandis qu'il assouvit ailleurs ses honteuses passions.

--Prenez garde à ce que vous dites, répondit Consuelo d'une voix

étouffée; j'ai coutume de croire en vous comme en Dieu, ô mon maître!