37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 9

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--Ainsi vous refusez, dans votre rigorisme, de me nommer cette fille,

sur laquelle je ne puis avoir des vues, puisque j'ignore si elle possède

d'ailleurs les qualités requises pour le théâtre?

--Je m'y refuse absolument.

--Et vous pensez que je ne le découvrirai pas?

--Hélas! vous le découvrirez, si telle est votre détermination: mais je

ferai tout mon possible pour vous empêcher de nous l'enlever.

--Eh bien; maître, vous êtes déjà à moitié vaincu; car je l'ai vue, je

l'ai devinée, je l'ai reconnue, votre divinité mystérieuse.

--Oui da? dit le maître d'un air méfiant et réservé; en êtes-vous bien

sûr?

--Mes yeux et mon coeur me l'ont révélée; et je vais vous faire son

portrait pour vous en convaincre. Elle est grande: c'est, je crois, la

plus grande de toutes vos élèves; elle est blanche comme la neige du

Frioul, et rose comme l'horizon au matin d'un beau jour; elle a des

cheveux dorés, des yeux d'azur, un aimable embonpoint; et porte au doigt

un petit rubis qui m'a brûlé en effleurant ma main comme l'étincelle

d'un feu magique.

--Bravo! s'écria le Porpora d'un air narquois. Je n'ai rien à vous

cacher, en ce cas; et le nom de cette beauté, c'est la Clorinda. Allez

donc lui faire vos offres séduisantes; donnez-lui de l'or, des diamants

et des chiffons. Vous l'engagerez facilement dans votre troupe, et elle

pourra peut-être vous remplacer la Corilla; car le public de vos

théâtres préfère aujourd'hui de belles épaules à de beaux sons, et des

yeux hardis à une intelligence élevée.

--Me serais-je donc trompé, mon cher maître? dit le comte un peu confus;

la Clorinda ne serait-elle qu'une beauté vulgaire?

--Et si ma sirène, ma divinité, mon archange, comme il vous plaît de

l'appeler, n'était rien moins que belle? reprit le maître avec malice.

--Si elle était difforme, je vous supplierais de ne jamais me la

montrer, car mon illusion serait trop cruellement détruite. Si elle

était seulement laide, je pourrais l'adorer encore; mais je ne

l'engagerais pas pour le théâtre, parce que le talent sans la beauté

n'est parfois qu'un malheur, une lutte, une supplice pour une femme. Que

regardez-vous, maestro, et pourquoi vous arrêtez-vous ainsi?

--Nous voici à l'embarcadère où se tiennent les gondoles, et je n'en

vois aucune. Mais vous, comte, que regardez-vous ainsi par là?

--Je regarde si ce jeune gars, que vous voyez assis sur les degrés de

l'embarcadère auprès d'une petite fille assez vilaine, n'est point mon

protégé Anzoleto, le plus intelligent et le plus joli de nos petits

plébéiens. Regardez-le, cher maestro, ceci vous intéresse comme moi. Cet

enfant a la plus belle voix de ténor qui soit dans Venise; il a un goût

passionné pour la musique et des dispositions incroyables. Il y a

longtemps que je veux vous parler de lui et vous prier de lui donner des

leçons. Celui-là, je le destine véritablement à soutenir le succès de

mon théâtre, et dans quelques années, j'espère être bien récompensé de

mes soins. Holà, Zoto! viens ici, mon enfant, que je te présente à

l'illustre maître Porpora.

Anzoleto tira ses jambes nues de l'eau, où elles pendaient avec

insouciance tandis qu'il s'occupait à percer d'une grosse aiguille ces