37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 91

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dire, vous! puisque moi qui lis dans ma propre conscience, je n'y vois

rien qui me donne la clef de ce mystère. Oh! c'est un prodige

inconcevable! Ma mère croyait à la puissance des philtres: cette Corilla

serait-elle une magicienne?

--Pauvre enfant! dit le maestro; il y a bien ici une magicienne, mais

elle s'appelle Vanité; il y a bien un poison, mais il s'appelle Envie.

La Corilla a pu le verser; mais ce n'est pas elle qui a pétri cette âme

si propre à le recevoir. Le venin coulait déjà dans les veines impures

d'Anzoleto. Une dose de plus l'a rendu traître, de fourbe qu'il était;

infidèle, d'ingrat qu'il a toujours été.

--Quelle vanité? quelle envie?

--La vanité de surpasser tous les autres, l'envie de te surpasser, la

rage d'être surpassé par toi.

--Cela est-il croyable? Un homme peut-il être jaloux des avantages d'une

femme? Un amant peut-il haïr le succès de son amante? Il y a donc bien

des choses que je ne sais pas, et que je ne puis pas comprendre!

--Tu ne les comprendras jamais; mais tu les constateras à toute heure de

ta vie. Tu sauras qu'un homme peut être jaloux des avantages d'une

femme, quand cet homme est un artiste vaniteux; et qu'un amant peut haïr

les succès de son amante, quand le théâtre est le milieu où ils vivent.

C'est qu'un comédien n'est pas un homme, Consuelo; c'est une femme. Il

ne vit que de vanité maladive; il ne songe qu'à satisfaire sa vanité; il

ne travaille que pour s'enivrer de vanité. La beauté d'une femme lui

fait du tort. Le talent d'une femme efface ou conteste le sien. Une

femme est son rival, ou plutôt il est la rivale d'une femme; il a toutes

les petitesses, tous les caprices, toutes les exigences, tous les

ridicules d'une coquette. Voilà le caractère de la plupart des hommes de

théâtre. Il y a de grandes exceptions; elles sont si rares, elles sont

si méritoires, qu'il faut se prosterner devant elles; et leur faire plus

d'honneur qu'aux docteurs les plus sages. Anzoleto n'est point une

exception; parmi les vaniteux, c'est un des plus vaniteux: voilà tout le

secret de sa conduite.

--Mais quelle vengeance incompréhensible! mais quels moyens pauvres et

inefficaces! En quoi la Corilla peut-elle le dédommager de ses mécomptes

auprès du public? S'il m'eut dit franchement sa souffrance ... (Ah! il ne

fallait qu'un mot pour cela!) je l'aurais comprise, peut-être; du moins

j'y aurais compati; je me serais effacée pour lui faire place.

--Le propre des âmes envieuses est de haïr les gens en raison du bonheur

qu'ils leur dérobent. Et le propre de l'amour, hélas! n'est-il pas de

détester, dans l'objet qu'on aime, les plaisirs qu'on ne lui procure

pas? Tandis que ton amant abhorre le public qui te comble de gloire, ne

hais-tu pas la rivale qui l'enivre de plaisirs?

--Vous dites là, mon maître, une chose profonde et à laquelle je veux

réfléchir.

--C'est une chose vraie. En même temps qu'Anzoleto te hait pour ton

bonheur sur la scène, tu le hais pour ses voluptés dans le boudoir de la

Corilla.

--Cela n'est pas. Je ne saurais le haïr, et vous me faites comprendre

qu'il serait lâche et honteux de haïr ma rivale. Reste donc ce plaisir

dont elle l'enivre et auquel je ne puis songer sans frémir. Mais