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Je rentrai d'Orléans en début de soirée. Dans l'appartement, il faisait chaud et étouffant. J'ouvris une fenêtre et me penchai au-dessus du bruyant boulevard Montparnasse. Imaginer que nous vivrions bientôt rue de Saintonge était étrange. Nous avions passé douze ans dans cet appartement. Zoë y avait toujours vécu. Ce serait notre dernier été ici. J'aimais bien cet endroit, le soleil qui pénétrait chaque après-midi dans le grand salon blanc, le Luxembourg tout proche, en bas de la rue Vavin, le confort d'habiter dans un des plus vivants arrondissements de Paris, où on sentait battre le cœur de la ville, sa pulsation rapide et excitante.
Je me débarrassai de mes sandales et m'allongeai sur le canapé beige et mœlleux. Le poids de la journée me tomba dessus comme du plomb. Je fermai les yeux et fus immédiatement ramenée à la réalité par la sonnerie du téléphone. C'était ma sœur, qui m'appelait de son bureau dominant Central Park. Je l'imaginais travaillant, avec ses lunettes sur le bout du nez.
Je lui racontai brièvement comment je n'avais pas avorté.
« Oh, mon Dieu, soupira Charla. Tu ne l'as pas fait.
— Je n'ai pas pu. C'était tout simplement impossible. »
Je pouvais l'entendre sourire à l'autre bout du fil, de son large et irrésistible sourire.
« Merveilleuse petite fille courageuse, dit-elle. Je suis fière de toi, ma chérie.
— Bertrand n'est pas encore au courant. Il ne rentre que ce soir. Il pense que c'est fait. »
Petite pause transatlantique.
« Tu vas lui dire, n'est-ce pas ?
— Bien sûr. Il faudra bien, je n'ai pas le choix. »
Après ce coup de fil, je restai allongée sur le canapé pendant un long moment, les mains croisées sur mon ventre comme pour le protéger. Petit à petit, je sentis mon énergie revenir.
Comme souvent, je pensai à Sarah Starzynski, à ce que je savais à présent. Je n'avais pas eu besoin d'enregistrer Gaspard Dufaure. Ni de prendre des notes. Tout était inscrit en moi.