38090.fb2 Elle sappelait Sarah - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 54

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C'était une petite maison coquette en banlieue d'Orléans, avec des parterres de fleurs bien entretenus et un vieux chien placide à la vue basse. Une petite dame âgée épluchait des légumes au-dessus de l'évier et me salua quand j'entrai.

Il y eut ensuite la voix bourrue de Gaspard Dufaure. D'une main où apparaissaient des veines bleues, il caressait la tête fripée de son chien.

« Mon frère et moi savions que quelque chose de grave s'était passé pendant la guerre. Mais nous étions très jeunes à l'époque, et nous ne nous rappelions rien. Ce n'est qu'après la mort de mes grands-parents que mon père me révéla que le vrai nom de Sarah Dufaure était Starzynski et qu'elle était juive. Mes grands-parents avaient toujours caché la vérité. Il y avait quelque chose de triste en Sarah. Elle n'était jamais joyeuse ou enthousiaste. Impassible. On nous avait dit qu'elle avait été adoptée par mes grands-parents parce que ses parents étaient morts pendant la guerre. C'est tout ce que nous savions. Mais nous sentions bien qu'elle était différente. Quand elle nous accompagnait à l'église, ses lèvres restaient scellées pendant le Notre Père. Elle ne priait ni ne communiait jamais. Elle se contentait de regarder droit devant elle avec une expression figée qui me faisait peur. Mes grands-parents se tournaient alors vers nous, souriants mais fermes, en nous demandant de la laisser tranquille. Mes parents agissaient de la même façon. Petit à petit, Sarah fit partie de notre vie. C'était la grande sœur que nous n'avions jamais eue. Elle est devenue une ravissante jeune fille mélancolique. Elle était très sérieuse et très mûre pour son âge. Après la guerre, nous sommes allés quelquefois à Paris, avec mes parents, mais Sarah n'a jamais voulu nous accompagner. Elle disait qu'elle détestait Paris, qu'elle ne voulait plus y mettre les pieds.

— Vous a-t-elle parlé de son frère ? De ses parents ? demandai-je.

— Jamais. C'est mon père qui m'a raconté pour son frère et tout le reste, il y a quarante ans. Quand je vivais avec elle, je ne savais pas. »

La voix aiguë de Nathalie Dufaure nous interrompit.

« Qu'est-il arrivé à son frère ? »

Gaspard Dufaure jeta un regard vers sa petite-fille, qui semblait fascinée par chaque mot qu'il prononçait. Puis il regarda sa femme qui n'avait pas dit un mot de toute la conversation, mais avait écouté avec tendresse.

« Je te raconterai une autre fois, Natou. C'est une histoire très triste. »

Il y eut un long silence.

« Monsieur Dufaure, dis-je, je cherche à savoir où est Sarah Starzynski maintenant. C'est pour ça que je suis là. Pouvez-vous m'aider ? »

Gaspard Dufaure se gratta la tête et me jeta un regard interrogateur.

« Ce que moi, j'aimerais bien savoir, mademoiselle Jarmond, dit-il avec un sourire, c'est pourquoi cela est si important pour vous. »