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Sarah.

Elle ne me quittait jamais. Elle m'avait changée pour toujours. Son histoire, sa souffrance, je les portais en moi. J'avais la sensation de l'avoir connue. De l'avoir connue enfant, puis jeune fille, puis mère de famille de quarante ans, suicidée contre un tronc d'arbre sur une route verglacée de Nouvelle-Angleterre. Je voyais précisément son visage. Ses yeux verts en amande. La forme de son crâne. Sa façon de se tenir. Ses mains. Son très rare sourire. Oui, je la connaissais. J'aurais pu sans problème la reconnaître dans la foule, si elle avait été encore en vie.

Zoë était futée. Elle m'avait pris la main dans le sac.

En train de chercher des renseignements sur William Rainsferd, sur le net.

Je ne l'avais pas entendue revenir de l'école. C'était un après-midi d'hiver. Elle s'était glissée sans bruit dans mon dos.

« Ça dure depuis longtemps ? » avait-elle demandé, sur le ton de la mère qui découvre que son adolescent fume de l'herbe.

Rougissante, je dus admettre que je prenais des nouvelles depuis près d'un an.

« Et ? » insista-t-elle, les bras croisés, en fronçant le sourcil.

« On dirait qu'il a quitté Lucca.

— Oh… Et où est-il maintenant ?

— Il est ici, aux États-Unis, depuis quelques mois. »

Je n'avais pas pu soutenir son regard. Je m'étais levée et dirigée vers la fenêtre, jetant un œil dans l'avenue d'Amsterdam.

« Il est à New York ? »

Sa voix s'était adoucie. Elle vint se placer derrière moi et posa sa jolie tête sur mon épaule.

Je fis oui de la tête. Je n'osai pas lui dire combien j'étais excitée à l'idée de le croiser ici, à quel point je trouvais surprenant que nous soyons tous les deux dans la même ville, deux ans après notre première rencontre. Je me souvenais que son père était new-yorkais. Il avait probablement passé son enfance dans cette ville.

L'annuaire indiquait une adresse dans le Village. À quinze minutes à peine en métro. Et pendant des jours, des semaines, j'avais hésité à l'appeler. Après tout, il n'avait jamais essayé de me contacter à Paris et n'avait plus donné de nouvelles.

Mon excitation retomba un peu au fil du temps. Je n'avais pas eu le courage de l'appeler. Mais je pensais toujours à lui. Chaque jour. En silence et en secret. Je me disais que nous nous rencontrerions par hasard, dans Central Park, dans un grand magasin, un bar, un restaurant. Sa femme et ses enfants l'avaient-elles accompagné ? Pourquoi était-il revenu aux États-Unis, comme je l'avais fait moi-même ? Que s'était-il passé ?

« Tu l'as contacté ? demanda Zoë.

— Non.

— Tu vas le faire ?

— Je n'en sais rien, Zoë. »

Je me mis à pleurer sans bruit.

« Oh, Maman, je t'en prie », soupira-t-elle.

J'essuyai farouchement mes larmes. Je me sentais stupide.

« Maman, il sait que tu habites ici. J'en suis sûre même. Lui aussi a dû te pister sur Internet. Alors lui aussi sait où tu travailles et où tu habites. »

Je n'avais jamais pensé à cela. William me suivant à la trace sur Internet, cherchant mon adresse. Se pouvait-il que Zoë ait raison ? Savait-il que je vivais moi aussi à New York, dans l'Upper West Side ? Pensait-il à moi parfois ? Et si cela arrivait, que ressentait-il ?

« Il faut que tu laisses tomber, Maman. Laisse tout ça derrière toi. Appelle Neil, voyez-vous plus souvent, accroche-toi à ta nouvelle vie. »

Je me tournai vers elle et lui dis d'une voix forte et dure :

« Je ne peux pas, Zoë. J'ai besoin de savoir si ce que j'ai fait l'a aidé. Je dois le savoir. Est-ce trop demander ? Est-ce vraiment impossible ? »

Le bébé se mit à pleurer dans la pièce d'à côté. J'avais interrompu sa sieste. Zoë alla le chercher et revint avec sa petite sœur dodue et pleurnicharde.

Puis elle me caressa les cheveux au-dessus des boucles du nourrisson.

« Je crois que tu ne sauras jamais, Maman. Il ne sera jamais prêt à te le dire. Tu as bouleversé sa vie. Tu as tout mis par terre, souviens-toi. Il est probable qu'il n'a aucune intention de te revoir. »

Je lui pris le bébé et le serrai fort contre moi, pour sentir sa chaleur et sa rondeur. Zoë avait raison. Il fallait que je tourne la page, que je m'en tienne à cette vie nouvelle.

Comment, c'était une autre histoire.