38114.fb2 Ensemble, c’est tout - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 10

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— Le voilà votre petit-fils ! annonça gaiement l'infirmière en ouvrant la porte, Vous voyez ? Je vous l'avais bien dit qu'il viendrait ! Bon, je vous laisse, ajouta-t-elle, passez me voir dans mon bureau sinon on ne vous laissera pas sortir...

Il n'eut pas la présence d'esprit de la remercier. Ce qu'il voyait là, dans ce lit, lui brisa le cœur.

Il se retourna d'abord pour retrouver un peu de contenance. Défit son blouson, son pull, et chercha du regard un endroit où les accrocher.

— Il fait chaud, ici, non ? Sa voix était bizarre.

— Ça va ?

La vieille dame, qui essayait vaillamment de lui sourire, ferma les yeux et se mit à pleurer.

Ils lui avaient retiré son dentier. Ses joues semblaient affreusement creuses et sa lèvre supérieure flottait à l'intérieur de sa bouche.

— Alors ? Tu as encore fait la folle, c'est ça ? Prendre ce ton badin exigeait de lui un effort surhumain.

— J'ai parlé avec l'infirmière, tu sais, et elle m'a dit que l'opération s'était très bien passée. Te voilà avec un joli morceau de ferraille à présent...

— Ils vont me mettre dans un hospice...

— Mais non ! Qu'est-ce que tu nous chantes là ? Tu vas rester ici quelques jours et après tu iras dans une maison de convalescence. C'est pas un hospice, c'est comme un hôpital mais en moins grand. Ils vont te chouchouter et t'aider à remarcher et après, hop, au jardin la Paulette !

— Ça va durer combien de jours ?

— Quelques semaines... Après, ça dépendra de toi... Il faudra que tu t'appliques...

— Tu viendras me voir ?

— Bien sûr que je viendrai ! J'ai une belle moto, tu sais...

— Tu ne roules pas trop vite au moins ?

— Tttt, une vraie tortue...

— Menteur...

Elle lui souriait dans ses larmes.

— Arrête ça, même, sinon je vais chialer, moi aussi...

— Non, pas toi. Tu ne pleures jamais, toi... Même quand t'étais minot, même le jour où tu t'es retourné le bras, je ne t'ai jamais vu verser une larme...

— Arrête quand même.

Il n'osait pas lui prendre la main à cause des tuyaux.

— Franck ?

— Je suis là, mémé...

— J'ai mal.

— C'est normal, ça va passer, il faut que tu dormes un peu.

— J'ai trop mal.

— Je le dirai à l'infirmière avant de partir, je lui demanderai de te soulager...

— Tu vas pas partir tout de suite ?

— Mais non !

— Parle-moi un peu. Parle-moi de toi...

— Attends, je vais éteindre... Elle est trop moche cette lumière...

Franck remonta le store, et la chambre, qui était orientée à l'ouest, baigna soudain dans une douce pénombre. Il bougea ensuite le fauteuil de place pour se trouver du côté de la bonne main et la prit entre les siennes.

Il eut du mal, d'abord, à trouver ses mots, lui qui n'avait jamais su parler ni se raconter... Il commença par des bricoles, le temps qu'il faisait à Paris, la pollution, la couleur de sa Suzuki, le descriptif des menus et toutes ces bêtises.

Et puis, aidé en cela par le déclin du jour et le visage presque apaisé de sa grand-mère, il trouva des souvenirs plus précis et des confidences moins faciles. Il lui raconta pourquoi il s'était séparé de sa petite amie et comment s'appelait celle qu'il avait dans le collimateur, ses progrès en cuisine, sa fatigue... Il imita son nouveau colocataire et entendit sa grand-mère rire doucement.

— Tu exagères...

— Je te jure que non ! Tu le verras quand tu viendras nous voir et tu comprendras...

— Oh, mais je n'ai pas envie de monter à Paris, moi...

— Alors on viendra, nous, et tu nous prépareras un bon repas !

— Tu crois ?

— Oui. Tu lui feras ton gâteau de pommes de terre...

— Oh, non pas ça... C'est trop rustique...

Il parla ensuite de l'ambiance du restaurant, des coups de gueule du chef, de ce jour où un ministre était venu les féliciter en cuisine, de la dextérité du jeune Takumi et du prix de la truffe. Il lui donna des nouvelles de Momo et de madame Mandel. Il se tut enfin pour écouter son souffle et comprit qu'elle s'était endormie. Il se leva sans faire de bruit.

Au moment où il allait passer la porte, elle le rappela :

— Franck ?

— Oui?

— Je n'ai pas prévenu ta mère, tu sais...

— T'as bien fait.

— Je...