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Long silence.
— Eh ben... répéta Franck plusieurs fois. Eh ben...
Il s'était redressé et avait croisé ses bras.
— Eh ben... Tu parles d'une vie... C'est dingue... Et maintenant ? Qu'est-ce que tu vas faire, maintenant ?
— ...
Elle dormait.
Il remonta la couette jusque sous son nez, prit ses affaires et sortit sur la pointe des pieds. Maintenant qu'il la connaissait, il n'osait plus s'allonger à côté d'elle. En plus elle prenait toute la place...
Toute la place.
Il était perdu.
Il erra un moment dans l'appartement, se dirigea vers la cuisine, ouvrit des placards et les referma en secouant la tête.
Sur le rebord de la fenêtre, le cœur de laitue était tout ratatiné. Il le jeta aux ordures et revint s'asseoir avec un crayon pour terminer son dessin. Il hésita pour les yeux... Est-ce qu'il fallait dessiner deux points noirs au bout des cornes ou un seul en dessous ?
Putain... Même en escargot, il était nul !
Allez, un. C'était plus mignon.
Il se rhabilla. Poussa sa moto en serrant les fesses devant la loge. Pikouch le regarda passer sans broncher. C'est bien mon gars, c'est bien... Cet été t'auras un petit Lacoste pour tomber les pékinoises... Il parcourut encore plusieurs mètres avant d'oser kicker et s'élança dans la nuit.
Il prit la première à gauche et roula toujours tout droit. Arrivé à la mer, il posa son casque sur son ventre et regarda les manœuvres des marins pêcheurs. Il en profita pour dire deux trois mots à sa moto. Qu'elle comprenne un peu la situation...
Légère envie de craquer.
Trop de vent, peut-être ?
Il s'ébroua.
Voilà ! C'était ça qu'il cherchait tout à l'heure : un filtre à café ! Ses idées se remettaient en place... Il marcha donc le long du port jusqu'au premier troquet ouvert et but un jus au milieu des cirés luisants. En levant les yeux, il découvrit une vieille connaissance dans le reflet du miroir : lui-même.
— Et alors... Te v'là, toi ? s'étonnait son double en silence.
— Hé ouais...
— Qu'est-ce que tu fous là ?
— Je suis venu boire un café.
— Dis donc, t'as une sale gueule...
— Fatigué...
— Toujours en train de courir le guilledou ?
— Non.
— Allez... T'étais pas avec une fille, cette nuit ?
— C'était pas vraiment une fille...
— C'était quoi ?
— Je sais pas.
— Ho là, mon gars... Hé patronne ! Rincez-lui sa tasse, y a mon pote qui s'écaille, là ! lança le fantôme.
— Non, non... Laisse...
— Laisse quoi ?
— Tout.
— Ben qu'est-ce t'as Lestaf ? ?Mal au cœur...
—Oooh, t'es amoureux, toi ?
- Ça se pourrait...
—Hé ben ! C'est une bonne nouvelle, ça ! Exulte mon vieux ! Exulte ! Monte sur le bar ! Chante !
- Arrête.
- Mais qu'est-ce t'as ?
- Rien... Elle... Elle est bien, celle-ci... Trop bien pour moi en tout cas...
- Meuh non... C'est des conneries, ça ! Personne n'est jamais trop bien pour personne... Surtout les gonzesses!
- C’est pas une gonzesse je te dis...
— C'est un mec ? !
— Mais nan...
— C'est un androïde ? C'est Lara Croft ?
— Mieux que ça...
— Mieux que Lara Croft ? Oh poudiou ! Y a du monde au balcon, alors ?