38114.fb2 Ensemble, c’est tout - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 139

Ensemble, c’est tout - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 139

Parce que ce type qui parlait, là, ce grand échalas qui les faisait tous marrer en racontant ses misères, c'était leur Philou à eux, leur ange gardien, leur Super-Nesquick venu du ciel. Celui qui les avait sauvés en refermant ses grands bras maigrichons sur leurs dos découragés...

Pendant que les gens l'applaudissaient, il finissait de se rhabiller. Il était désormais en queue-de-pie et chapeau claque.

— Eh bien voilà... Je crois que j'ai tout dit... J'espère ne pas vous avoir trop importunés avec ces breloques poussiéreuses... Si c'était le cas, hélas, je vous prie de m'excuser et de présenter vos doléances à cette demoiselle Loyale en cheveux roses car c'est elle qui m'a forcé à me tenir devant vous ce soir... Je vous promets que je ne recommencerai pas, mais euh...

Il agita sa canne en direction des coulisses et son page revint avec une paire de gants et un bouquet de fleurs.

- Notez la couleur... ajouta-t-il en les enfilant, beurre frais... Mon Dieu... Je suis d'un classicisme indécrottable... Ou en étais-je déjà ? Ah, oui ! Les cheveux roses... Je... Je... sais que monsieur et madame Martin, les parents de mademoiselle de Belleville, sont dans la salle et je... je... je... je...

Il s'agenouilla :

— Je... je bégaye, n'est-ce pas ?

Rires.

— Je bégaye et c'est bien normal pour une fois puisque je viens vous demander la main de votre fi...

À ce moment-là, un boulet de canon traversa la scène et vint le faire trébucher. Son visage disparut alors sous une corolle de tulle et l'on entendit :

— Hiiiiiiiiiiiiii, je vais être marquiiiiiiiiiiiiii-seu ! ! ! !

Les lunettes de travers, il se releva en la portant dans ses bras :

— Fameuse conquête, vous ne trouvez pas ?

Il souriait.

— Mes ancêtres peuvent être fiers de moi...

11

Camille et Franck n'assistèrent pas au pot de fin d'année de la troupe car ils ne pouvaient se permettre de louper le Zack de 23 :58.

Ils étaient assis l'un à côté de l'autre cette fois et ne furent guère plus bavards qu'à l'aller.

Trop d'images, trop de secousses...

— Tu crois qu'il va rentrer ce soir ?

— Mmm... N'a pas l'air trop à cheval sur l'étiquette cette jeune fille...

— C'est fou, hein ?

— Complètement fou...

— T'imagines la gueule de la Marie-Laurence quand elle va découvrir sa nouvelle belle-fille ?

— À mon avis, ce n'est pas pour demain...

— Pourquoi tu dis ça ?

— Je ne sais pas... Intuition féminine... L'autre jour, au château, quand on se promenait après le déjeuner avec Paulette, il nous a dit en tremblant de rage : « Vous vous rendez compte ? C'est Pâques et ils n'ont même pas caché d'œufs pour Blanche... » Je me trompe peut-être mais j'ai eu l'impression que c'était la goutte d'eau qui venait de couper le cordon... À lui, ils ont tout fait subir sans qu'il en prenne ombrage plus que ça, mais là.... Ne pas cacher d'œufs pour cette petite fille, c'était trop lamentable.... Trop lamentable.... J'ai senti qu'il évacuait sa colère en prenant de sombres dispositions.... Tant mieux, tu me diras.... C'est toi qui as raison : ils ne le méritaient pas...

Franck hocha la tête et ils en restèrent là. En allant plus loin, ils auraient été obligés de parler du futur au conditionnel (Et s'ils se marient, où vont-ils vivre ? Et nous, où allons-nous vivre ? etc.) et ils n'étaient pas prêts pour ce genre de discussion... Trop risquée... Trop casse-gueule...

Franck paya madame Perreira pendant que Camille racontait la nouvelle à Paulette puis ils mangèrent un morceau dans le salon en écoutant de la techno supportable.

— C'est pas de la techno, c'est de l'électro.

— Ah, excuse...

En effet, Philibert ne revint pas cette nuit-là et l'appartement leur sembla affreusement vide... Ils étaient heureux pour lui et malheureux pour eux... Un vieil arrière-goût d'abandon leur remontait en bouche...

Philou...

Ils n'eurent pas besoin de s'épancher pour se dire leur désarroi. Pour le coup, ils se recevaient cinq sur cinq.

Ils prirent le mariage de leur ami comme prétexte pour taper dans les alcools forts et trinquèrent à la santé de tous les orphelins du monde. Il y en avait tant et tellement qu'ils conclurent cette soirée mouvementée par une cuite magistrale.

Magistrale et amère.

12

Marquet de la Durbellière, Philibert, Jehan, Louis-Marie, Georges, né le 27 septembre 1967 à La Roche-sur-Yon (Vendée), épousa Martin, Suzy, née le 5 janvier 1980 à Montreuil (Seine-Saint-Denis) à la mairie du XXe arrondissement de Paris le premier lundi du mois de juin 2004 sous l'œil ému de ses témoins Lestafier, Franck, Germain, Maurice, né le 8 août 1970 à Tours (Indre-et-Loire) et Fauque, Camille, Marie, Elisabeth née le 17 février 1977 à Meudon (Hauts-de-Seine) et en présence de Lestafier Paulette qui refuse de dire son âge.

Étaient aussi présents les parents de la mariée ainsi que son meilleur ami, un grand garçon aux cheveux jaunes à peine plus discret qu'elle...

Philibert portait un costume en lin blanc magnifique avec une pochette rose à pois verts.

Suzy portait une minijupe rose à pois verts magnifique avec un faux cul et une traîne de plus de deux mètres de long. « Mon rêve ! » répétait-elle en riant.

Elle riait tout le temps.

Franck portait le même costume que Philibert en plus caramel. Paulette portait un chapeau confectionné par Camille. Une sorte de petit bibi-nid avec des oiseaux et des plumes dans tous les sens et Camille portait l'une des chemises de smoking blanches du grand-père de Philibert qui lui descendait jusqu'aux genoux. Elle avait noué une cravate autour de sa taille et étrennait d'adorables sandales rouges. C'était la première fois qu'elle se mettait en jupe depuis... Pff plus que ça encore...

Ensuite tout ce beau monde alla pique-niquer dans les jardins des Buttes-Chaumont avec le grand panier de la Durbellière comme traiteur et en rusant pour ne pas se faire voir des gardiens.

Philibert déménagea 1/100 000e de ses livres dans le petit deux-pièces de son épouse qui n'imagina pas une seconde quitter son quartier adoré pour un enterrement de première classe de l'autre côté de la Seine...

C'est dire si elle était désintéressée et c'est dire s'il l'aimait...

Il avait gardé sa chambre cependant et ils y dormaient à chaque fois qu'ils venaient dîner. Philibert en profitait pour ramener des livres et en prendre d'autres et Camille en profitait pour continuer le portrait de Suzy.

Elle ne le sentait pas... Encore une qui ne se laisserait pas prendre... Hé ! Les risques du métier...

Philibert ne bégayait plus mais cessait de respirer dès qu'elle sortait de son punctum.

Et quand Camille s'étonnait de la rapidité avec laquelle ils s'étaient engagés, ils la regardaient bizarrement. Attendre quoi ? Pourquoi perdre du temps sur le bonheur ? C'est complètement idiot ce que tu dis là...

Elle secouait la tête, dubitative et attendrie, pendant que Franck la regardait en tapinois...

Laisse tomber, tu peux pas comprendre, toi... Tu peux pas comprendre ça... T'es tout en nœuds... Y a que tes dessins qui sont beaux... T'es toute rétractée à l'intérieur de toi... Quand je pense que j'ai cru que t'étais vivante... Putain, fallait vraiment que je sois accro ce soir-là pour me foutre le doigt dans l'œil à ce point... Je croyais que t'étais venue me faire l'amour alors que t'étais juste affamée... Quel gros niais, je te jure...