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— C'est ça, votre panier ?
— Oui, mais attendez, j'ai encore quelque chose... Il alla au fond du couloir et revint avec un bouquet
de roses.
— Comme c'est gentil...
— Vous savez, ce ne sont pas de vraies fleurs...
— Pardon ?
— Non, elles viennent d'Uruguay, je crois... J'aurais préféré de vraies roses de jardin, mais en plein hiver, c'est... c'est...
— C'est impossible.
— Voilà ! C'est impossible !
— Allons, entrez, faites comme chez vous.
Il était si grand qu'il dut s'asseoir tout de suite. Il fit un effort pour trouver ses mots mais pour une fois, ce n'était pas un problème de bégaiement, plutôt de... stupéfaction.
— C'est... C'est...
— C'est petit.
— Non, c'est, comment dirais-je... C'est coquet. Oui, c'est tout à fait coquet et... pittoresque, n'est-ce pas ?
— Très pittoresque, répéta Camille en riant. Il resta silencieux un moment.
— Vraiment ? Vous vivez là ?
— Euh, oui...
— Complètement ?
— Complètement.
— Toute l'année ?
— Toute l'année.
— C'est petit, non ?
— Je m'appelle Camille Fauque.
— Bien sûr, enchanté. Philibert Marquet de la Dur-bellière annonça-t-il en se relevant et en se cognant la tête contre le plafond.
— Tout ça ?
— Hé, oui...
— Vous avez un surnom ?
— Pas que je sache...
— Vous avez vu ma cheminée ?
— Pardon ?
— Là... Ma cheminée...
— Ah la voilà ! Très bien... ajouta-t-il en se rasseyant et en allongeant ses jambes devant les flammes en plastique, très très bien... On se croirait dans un cottage anglais, n'est-il pas ?
Camille était contente. Elle ne s'était pas trompée. C'était un drôle de coco, mais un être parfait, ce garçon-là...
— Elle est belle, non ?
— Magnifique ! Elle tire bien au moins ?
— Impeccable.
— Et pour le bois ?
— Oh, vous savez, avec la tempête... Il suffit de se baisser aujourd'hui...
— Hélas, je ne le sais que trop bien... Vous verriez les sous-bois chez mes parents... Un vrai désastre... Mais là, c'est quoi ? C'est du chêne, non ?
— Bravo !
Ils se sourirent.
— Un verre de vin, ça ira ?
— C'est parfait.
Camille fut émerveillée par le contenu de la malle. Il ne manquait rien, les assiettes étaient en porcelaine, les couverts en vermeil et les verres en cristal. Il y avait même une salière, un poivrier, un huilier, des tasses à café, à thé, des serviettes en lin brodées, un légumier, une saucière, un compotier, une boîte pour les cure-dents, un sucrier, des couverts à poisson et une chocolatière. Le tout était gravé aux armes de la famille de son hôte.
— Je n'ai jamais rien vu d'aussi joli...
— Vous comprenez pourquoi je ne pouvais pas venir hier... Si vous saviez les heures que j'ai passées à la nettoyer et à tout faire briller...
— Il fallait me le dire !
— Vous pensez vraiment que si j'avais prétexté : « Pas ce soir, j'ai ma malle à rafraîchir », vous ne m'auriez pas pris pour un fou ?
Elle se garda bien du moindre commentaire.