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— Ils ont des papiers tous les deux ?
— Mais oui !
— Eh ben alors, ils peuvent faire une déclaration séparée...
— Mais ma belle sœur, elle veut pas y aller à la CAF et mon frère, il travaille la nuit, alors le jour, il dort, tu
vois...
— Je vois. Mais en ce moment, tu reçois les allocs pour combien d'enfants ?
— Pour quatre.
— Pour quatre ?
— Oui, c'est ce que je veux te dire depuis le début, mais toi, t'es comme tous les Blancs, t'as toujours raison et t'écoutes jamais !
Camille souffla un petit vent énervé.
— Le problème que je voulais te dire, c'est qu'ils ont oublié ma Sissi...
— C'est le numéro combien Massissi ?
— C'est pas un numéro, idiote ! bouillait la grosse femme, c'est ma dernière ! La petite Sissi...
— Ah ! Sissi !
— Oui.
— Et pourquoi, elle y est pas, elle ?
— Dis donc, Camille, tu le fais exprès ou quoi ? C'est ma question que je te pose depuis tout à l'heure !
Elle ne savait plus quoi dire...
— Le mieux ce serait d'aller à la CAF avec ton frère ou ta belle-sœur et tous vos papiers et de vous expliquer avec la dame...
— Pourquoi tu dis « la dame » ? Laquelle d'abord ?
— N'importe laquelle ! s'emporta Camille.
— Ah, bon ben d'accord, ben t'énerve pas comme ça. Moi je te demandais cette question parce que je croyais que tu la connaissais...
— Mamadou, je ne connais personne à la CAF. Je n'y suis jamais allée de ma vie, tu comprends ?
Elle lui rendit son bordel, il y avait même des pubs, des photos de voitures et des factures de téléphone.
Elle l'entendit grognonner : « Elle dit la dame alors moi je lui demande quelle dame, c'est normal parce qu'il y a des messieurs aussi, alors comment elle peut savoir, elle, si elle y a jamais été, comment elle peut savoir qu'il y a que des dames ? Y en a des messieurs aussi... C'est madame Je sais tout ou quoi ? »
— Hé ? Tu boudes là ?
— Non, je boude pas. Tu dis juste que tu vas m'aider et pis tu m'aides pas. Et voilà ! Et c'est tout !
— J'irai avec vous.
— À la CAF ?
— Oui.
— Tu parleras à la dame ?
— Oui.
— Et si c'est pas elle ?
Camille envisagea de perdre un peu de son flegme quand Samia réapparut :
— C'est ton tour, Mamadou... Tiens, dit-elle en se retournant, c'est le numéro du toubib...
— Pour quoi faire ?
— Pour quoi faire ? Pour quoi faire ? J'en sais rien, moi ! Pour jouer au docteur pardi ! C'est lui qui m'a demandé de te le donner...
Il avait noté son numéro de portable sur une ordonnance et noté : Je vous prescris un bon dîner, rappelez-moi.
Camille Fauque en fit une boulette et la jeta dans le caniveau.
— Tu sais, toi, ajouta Mamadou en se relevant pesamment et en la désignant de son index, si tu m'arranges le coup avec ma Sissi, je demanderai à mon frère de te faire venir l'être aimé...
— Je croyais qu'il faisait les autoroutes ton frère ?
— Les autoroutes, les envoûtements et les désenvoûtements.
Camille leva les yeux au ciel.
— Et moi ? coupa Samia, il peut m'en trouver un, de mec, à moi ?
Mamadou passa devant elle en griffant l'air devant son visage :
— Toi la maudite, tu me rends d'abord mon seau et puis on se reparle après !
— Merde, tu fais chier avec ça ! C'est pas ton seau que j'ai, c'est le mien ! Il était rouge ton seau !
— Maudite, va, siffla l'autre en s'éloignant, maudi-teu...
Elle n'avait pas fini de grimper les marches que le camion tanguait déjà. Bon courage là-dedans, souriait Camille en attrapant son sac. Bon courage...