38114.fb2
— Et moi ? Tu veux pas que je te dise quelque chose de gentil pour bien commencer l'année ?
— Non. Si... Vas-y.
— Tu sais... Ils étaient magnifiques tes toasts...
Il était un peu plus de onze heures quand il entra dans sa chambre le lendemain matin. Elle lui tournait le dos. Elle était encore en kimono, assise devant la fenêtre.
— Qu'est-ce tu fais ? Tu dessines ?
— Oui.
— Tu dessines quoi ?
— Le premier jour de l'année...
— Montre.
Elle releva la tête et se mordit l'intérieur des joues pour ne pas rire.
Il était vêtu d'un costume super ringue, genre Hugo Boss des années 80, un peu trop grand et un peu trop brillant, avec des épaulettes à la Goldorak, une chemise en viscose jaune moutarde et une cravate bariolée. Les chaussettes étaient assorties à la chemise et ses chaussures, en croûte de porc ammoniaquée, le faisaient
atrocement souffrir.
— Ben quoi ? grogna-t-il.
— Non, rien, t'es... T'es vachement élégant...
— C'est malin... C'est parce que j'invite ma grand-mère à déjeuner au restaurant...
— Eh ben... pouffa-t-elle, elle va être drôlement fière de sortir avec un beau garçon comme toi...
— Très drôle. Si tu savais comme ça me prend la tête... Enfin, ce sera fait...
— C'est Paulette ? Celle de l'écharpe ?
— Oui. C'est pour ça que je suis là d'ailleurs... Tu m'avais pas dit que t'avais quelque chose pour elle ?
— Si. Parfaitement.
Elle se leva, déplaça le fauteuil et alla farfouiller dans sa petite valise.
— Assieds-toi là.
— Pour quoi faire ?
— Un cadeau.
— Tu vas me dessiner ?
— Oui.
— Je ne veux pas.
— Pourquoi ?
— ...
— Tu ne sais pas ?
— J'aime pas qu'on me regarde.
— J'irai très vite.
— Non.
— Comme tu voudras... J'avais pensé qu'un petit portrait de toi, ça lui ferait plaisir... Toujours cette histoire de troc, tu sais ? Mais je n'insisterai pas. Je n'insiste jamais. C'est pas mon genre...
— Bon alors vite fait, hein ?
— Ça ne va pas...
— Quoi encore ?
— Le costume, là... La cravate et tout, ça ne va pas. Ce n'est pas toi.
— Tu veux que je me foute à poil ? ricana-t-il.
— Oh, oui, ce serait bien ! Un beau nu... répondit-elle sans ciller.
— Tu plaisantes, là ?
Il était paniqué.
— Mais oui, je plaisante... Tu es beaucoup trop vieux ! Et puis tu dois être trop poilu...
— Pas du tout ! Pas du tout ! Je suis juste poilu comme il faut !
Elle riait.
— Allez. Tombe au moins la veste et desserre ta cravate...
— Pff, j'ai mis trois plombes à faire le nœud...
— Regarde-moi. Nan, pas comme ça... On dirait que t'as un balai dans le cul, détends-toi... Je ne vais pas te manger, idiot, je vais te croquer.
— Oh, oui... fit-il suppliant, croque-moi, Camille, croque-moi...