38114.fb2 Ensemble, c’est tout - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 9

Ensemble, c’est tout - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 9

Il se remit au travail en silence. Au bout d'un moment son commis osa :

— Ça va ?

— Non.

— J'ai entendu ce que tu disais au gros... Le col du fémur, c'est ça ?

— Ouais.

— C'est grave ?

— Nan, j'crois pas, mais le problème c'est que je suis tout seul...

— Tout seul pour quoi ?

— Pour tout.

Guillaume ne comprit pas mais préféra le laisser tranquille avec ses emmerdes.

— Si tu m'as entendu parler avec le vieux, ça veut dire que t'as compris pour ce soir... t

— Yes.

— Tu pourras assurer ?

— Ça se monnaye...

Ils continuèrent de travailler en silence, l'un penché sur ses lapins, l'autre sur son carré d'agneau.

— Ma bécane...

— Quoi ?

— Je te la prête dimanche...

— La nouvelle ?

— Ouais.

— Eh ben, siffla l'autre, il l'aime sa mamie... OK. Ça marche.

Franck eut un rictus amer.

— Merci.

— Hé?

— Quoi ?

— Elle est où ta vieille ?

— À Tours.

— Et alors ? T'en auras besoin de ton solex dimanche, si tu dois aller la voir ?

— Je peux m'arranger autrement... La voix du chef les interrompit :

— Silence, s'il vous plaît messieurs ! Silence ! Guillaume affûta son couteau et profita du bruit

pour murmurer :

— C'est bon, va... Tu me la prêteras quand elle sera guérie...

— Merci.

— Ne me remercie pas. Je vais te piquer ton poste à la place...

Franck Lestafier hocha la tête en souriant.

Il ne prononça plus une seule parole. Le service lui parut plus long que d'habitude. Il avait du mal à se concentrer, aboyait quand le chef envoyait les bons et tâchait de ne pas se brûler. Il faillit rater la cuisson d'une côte de bœuf et ne cessait de s'insulter à voix basse. Il songeait au merdier qu'allait être sa vie pendant quelques semaines. C'était déjà compliqué de penser à elle et d'aller la voir quand elle était en bonne santé, alors là... Quelle chienlit, putain... Il ne manquait plus que ça... Il venait de se payer une moto hors de prix avec un crédit long comme son bras et s'était engagé dans de nombreux extras pour payer les traites. Où est-ce qu'il allait bien pouvoir la caser au milieu de tout ça ? Enfin... Il n'osait pas se l'avouer, mais il était content de l'aubaine aussi... Le gros Titi venait de lui débrider son engin et il allait pouvoir l'essayer sur l'autoroute...

Si tout allait bien, il allait se régaler et serait là-bas en à peine plus d'une heure...

Il resta donc seul en cuisine pendant la coupure avec les gars de la plonge. Passa ses fonds, fit l'inventaire de sa marchandise, numérota des morceaux de viande et laissa une longue note à l'attention de Guillaume. Il n'avait pas le temps de repasser chez lui, il prit donc une douche aux vestiaires, chercha un produit pour nettoyer sa visière et quitta les lieux l'esprit confus.

Heureux et soucieux à la fois.

6

Il était moins de six heures quand il planta sa béquille sur le parking de l'hôpital.

La dame de l'accueil lui annonça que le temps des visites était passé et qu'il pouvait revenir le lendemain à partir de dix heures. Il insista, elle se raidit.

Il posa son casque et ses gants sur le comptoir :

— Attendez, attendez... On ne s'est pas bien compris, là... essayait-il d'articuler sans s'énerver, j'arrive de Paris et je dois repartir tout à l'heure, alors si vous pouviez me...

Une infirmière apparut :

— Que se passe-t-il ? Celle-ci lui en imposait plus.

— Bonjour euh... excusez-moi de déranger, mais je dois voir ma grand-mère qui est arrivée hier en urgence et je...

— Votre nom ?

— Lestafier.

— Ah ! Oui ! elle fit un signe à sa collègue. Suivez-moi...

Elle lui expliqua brièvement la situation, commenta l'opération, évoqua la période de rééducation et lui demanda des détails sur le mode de vie de la patiente. Il avait du mal à percuter, soudain gêné par l'odeur du lieu et par le bruit du moteur qui continuait de bourdonner à son oreille.