38758.fb2 La sorci?re de Portobello - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 14

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Pavel Podbielski, 57 ans, propriétaire de l’appartement

Athéna et moi avions une chose en commun : nous étions tous les deux exilés de guerre, arrivés en Angleterre encore enfants, même si j’avais fui la Pologne cinquante ans plus tôt. Nous savions l’un et l’autre que, même s’il y a toujours un déplacement physique, les traditions demeurent dans l’exil – les communautés se reconstituent, la langue et la religion restent vivantes, les gens ont tendance à se protéger mutuellement dans un milieu qui leur sera à tout jamais étranger.

De même que les traditions demeurent, le désir du retour disparaît peu à peu. Il doit rester vivant dans nos cœurs, comme un espoir avec lequel il nous plaît de nous mentir, mais qui ne sera jamais réalisé ; je ne retournerai jamais vivre à Czestochowa, elle et sa famille ne seraient jamais repartis à Beyrouth.

C’est ce genre de solidarité qui m’a fait lui louer le troisième étage de ma maison dans Basset Road – sinon, j’aurais préféré des locataires sans enfant. J’avais déjà commis cette erreur auparavant, et cela avait soulevé deux problèmes : je me plaignais du bruit qu’ils faisaient dans la journée, et ils se plaignaient du bruit que je faisais la nuit. Ces deux problèmes prenaient tous les deux leur source dans des éléments sacrés – les pleurs et la musique –, mais comme ils appartenaient à deux mondes totalement différents, il était difficile que l’un tolérât l’autre.

Je l’ai prévenue, mais elle n’a pas relevé. Elle m’a dit de ne pas m’en faire au sujet de son fils : il passait toute la journée chez sa grand-mère. Et l’appartement avait l’avantage de se trouver près de son travail, une banque des environs.

Malgré mes avertissements, bien qu’elle ait résisté bravement au début, au bout de huit jours, la sonnette a retenti à ma porte. C’était elle, son enfant dans les bras :

« Mon fils ne peut pas dormir. Est-ce qu’aujourd’hui seulement vous ne pourriez pas baisser la musique… »

Tout le monde dans le salon l’a regardée.

« Qu’est-ce que c’est ? »

L’enfant dans ses bras a cessé de pleurer immédiatement, comme s’il était aussi surpris que sa mère en voyant ce groupe de gens qui subitement s’étaient arrêtés de danser.

J’ai appuyé sur le bouton qui mettait en pause la cassette, d’une main je lui ai fait signe d’entrer, et j’ai aussitôt remis l’appareil en marche, pour ne pas perturber le rituel. Athéna s’est assise dans un coin du salon, berçant le bébé dans ses bras, constatant qu’il s’endormait facilement malgré le bruit du tambour et des cuivres. Elle a assisté à toute la cérémonie, elle est partie quand les autres invités partaient aussi et, comme je pouvais l’imaginer, elle a sonné de nouveau à ma porte le lendemain matin, avant d’aller travailler.

« Vous n’avez pas besoin de m’expliquer ce que j’ai vu : des gens qui dansent les yeux fermés ; je sais ce que cela signifie, parce que très souvent je fais la même chose, ce sont les seuls moments de paix et de sérénité de ma vie. Avant d’être mère, je fréquentais les boîtes avec mon mari et mes amis ; là aussi je voyais sur la piste de danse des gens les yeux fermés, certains uniquement pour impressionner les autres, d’autres comme s’ils étaient mus par une force supérieure, plus puissante qu’eux. Et depuis que j’ai une certaine notion de la vie, j’ai trouvé dans la danse un moyen de me connecter à quelque chose qui est plus fort, plus puissant que moi. Mais je voudrais savoir quelle est cette musique.

— Qu’allez-vous faire dimanche ?

— Rien de spécial. Me promener avec Viorel à Regent’s Park, respirer un peu d’air pur. J’aurai tout le temps pour mon emploi du temps personnel – dans cette phase de ma vie, j’ai choisi de suivre celui de mon fils.

— Alors je viendrai avec vous. »

Les deux jours précédant notre promenade, Athéna est venue assister au rituel. L’enfant s’endormait au bout de quelques minutes, et elle regardait simplement, sans rien dire, les autres bouger autour d’elle. Bien qu’elle restât immobile sur le sofa, j’avais la certitude que son âme dansait.

Le dimanche après-midi, tandis que nous nous promenions dans le parc, je l’ai priée de prêter attention à tout ce qu’elle voyait et entendait : les feuilles qui se balançaient au vent, les vaguelettes sur le lac, les oiseaux qui chantaient, les chiens qui aboyaient, les cris des enfants qui couraient de tous côtés, comme s’ils obéissaient à une étrange logique, incompréhensible aux adultes.

« Tout bouge. Et tout bouge en rythme. Et tout ce qui bouge en rythme provoque un son ; cela se passe ici et partout dans le monde en ce moment. Nos ancêtres avaient remarqué la même chose, quand ils allaient se mettre à l’abri du froid dans leurs cavernes : les choses bougeaient et faisaient du bruit.

« Les premiers êtres humains ont peut-être fait ce constat avec étonnement, et aussitôt après avec dévotion : ils avaient compris que c’était le moyen pour une Entité Supérieure de communiquer avec eux. Ils se sont mis à imiter les bruits et les mouvements qui les entouraient, espérant communiquer eux aussi avec cette Entité : la danse et la musique venaient de naître. Il y a quelques jours, vous m’avez dit que lorsque vous dansiez, vous parveniez à communiquer avec quelque chose qui est plus puissant que vous.

— Quand je danse, je suis une femme libre. Plus exactement, je suis un esprit libre, qui peut voyager dans l’univers, regarder le présent, deviner l’avenir, se transformer en énergie pure. Et cela me donne un immense plaisir, une joie qui est toujours bien au-delà de ce que j’ai déjà éprouvé, et que j’éprouverai sans doute au long de mon existence.

« À une époque de ma vie, j’étais déterminée à faire de moi une sainte – louant Dieu à travers la musique et les mouvements de mon corps. Mais ce chemin m’est définitivement fermé.

— Quel chemin est fermé ? »

Elle a déposé l’enfant dans sa poussette. J’ai vu qu’elle n’avait pas envie de répondre à la question, j’ai insisté : quand la bouche se ferme, c’est que l’on allait dire quelque chose d’important.

Sans manifester la moindre émotion, comme si elle avait toujours dû supporter en silence ce que la vie lui imposait, elle m’a raconté l’épisode de l’église, quand le prêtre – peut-être son seul ami – lui avait refusé la communion. Et la malédiction qu’elle avait proférée à la minute même ; elle avait abandonné pour toujours l’Église catholique.

« Le saint est celui qui donne une certaine dignité à sa vie, ai-je expliqué. Il nous suffit de comprendre que nous avons tous une raison d’être ici, et de nous engager. Ainsi, nous pouvons rire de nos grandes ou petites souffrances, et avancer sans crainte, conscients que chaque pas a un sens. Nous pouvons nous laisser guider par la lumière qui émane du Sommet.

— Qu’est-ce que le Sommet ? En mathématique, c’est le point le plus haut d’un triangle.

— Dans la vie aussi, c’est le point culminant, le but de tous ceux qui errent mais ne perdent pas de vue une lumière qui émane de leur cœur, même dans les moments les plus difficiles. C’est ce que nous voulons faire dans notre groupe. Le Sommet est caché en nous, et nous pouvons arriver jusqu’à lui si nous l’acceptons, et si nous reconnaissons sa lumière. »

J’ai expliqué que la danse qu’elle avait vue les jours précédents, réalisée par des personnes de tous âges (à ce moment nous étions un groupe de dix personnes, de dix-neuf à soixante-cinq ans), avait été baptisée « la quête du Sommet » par mes soins. Athéna a demandé où j’avais trouvé cela.

Je lui ai raconté que, juste après la fin de la Seconde Guerre, une partie de ma famille, pour fuir le régime communiste qui était en train de s’installer en Pologne, avait décidé de partir pour l’Angleterre. Ils avaient entendu dire que, dans leurs bagages, ils devaient emporter les objets d’art et les livres anciens, qui avaient beaucoup de valeur dans cette partie du monde.

En fait, tableaux et sculptures ont été vendus tout de suite, mais les livres sont restés dans un coin, se couvrant de poussière. Comme ma mère voulait m’obliger à lire et à parler le polonais, ils ont servi à mon éducation. Un beau jour, à l’intérieur d’une édition du XIXe siècle de Thomas Malthus, j’ai découvert deux feuillets de notes rédigées par mon grand-père, mort dans un camp de concentration. J’ai commencé à lire, croyant qu’il s’agissait de renseignements concernant l’héritage, ou de lettres passionnées destinées à quelque amante secrète, puisqu’il courait une légende selon laquelle, un jour, il était tombé amoureux en Russie.

Il y avait bien une certaine relation entre la légende et la réalité. C’était le récit de son voyage en Sibérie pendant la révolution communiste ; là-bas, dans le lointain village de Diedov (N.d.R. : il a été impossible de localiser sur la carte ce village ; ou bien le nom a été volontairement changé, ou bien l’endroit a disparu après les migrations forcées de Staline), il avait aimé une actrice. D’après mon grand-père, elle faisait partie d’une sorte de secte, dont les membres pansent trouver dans un typé de danse déterminé le remède à tous les maux, parce qu’elle permet le contact avec la lumière du Sommet.

L’actrice et ses amis craignaient que toute cette tradition ne disparaisse ; les habitants allaient bientôt être déplacés, et le lieu servirait pour des essais nucléaires. Ils l’ont prié d’écrire tout ce qu’ils avaient appris. Et c’est ce qu’il a fait, mais il n’a sans doute pas accordé beaucoup d’importance à l’affaire, oubliant ses notes dans un livre qu’il emportait. Jusqu’au jour où je les ai découvertes.

Athéna m’a interrompu :

« Mais on ne peut pas écrire sur la danse. Il faut danser.

— Exact. Au fond, les notes ne disaient que cela : danser jusqu’à l’épuisement, comme si nous étions des alpinistes gravissant cette colline, cette montagne sacrée. Danser jusqu’à ce que notre respiration haletante transmette l’oxygène à notre organisme d’une manière inhabituelle et que cela nous fasse perdre notre identité, notre rapport à l’espace et au temps. Danser au son des seules percussions, répéter le processus tous les jours, comprendre que, à un certain moment, les yeux se ferment naturellement et nous distinguons une lumière qui vient de l’intérieur, qui répond à nos questions et développe nos pouvoirs cachés.

— Avez-vous déjà développé un pouvoir ? »

En guise de réponse, je lui ai suggéré de se joindre à notre groupe, puisque l’enfant semblait toujours à l’aise même quand le son des cymbales et des instruments à percussion était très fort. Le lendemain, à l’heure où nous commencions toujours la séance, elle était là. Je l’ai présentée à mes compagnons, expliquant simplement qu’il s’agissait de la voisine du dessus ; personne n’a rien dit de sa vie, ni demandé ce qu’elle faisait. À l’heure fixée, j’ai mis le son et nous avons commencé à danser.

Athéna a fait les premiers pas avec l’enfant dans les bras, mais il s’est tout de suite endormi et elle l’a déposé sur le sofa. Avant de fermer les yeux et d’entrer en transe, j’ai vu qu’elle avait compris exactement le chemin du Sommet.

Tous les jours – sauf le dimanche – elle était là avec l’enfant. Nous échangions seulement quelques mots de bienvenue ; je mettais la musique qu’un ami m’avait rapportée des steppes de Russie, et nous commencions tous à danser jusqu’à l’épuisement. Au bout d’un mois, elle m’a réclamé une copie de la cassette.

« J’aimerais faire cela le matin, avant de laisser Viorel chez maman et d’aller travailler. »

J’ai résisté avec force.

« Tout d’abord, je pense qu’un groupe qui est connecté à la même énergie finit par créer une sorte d’aura, ce qui facilite la transe de tout le monde. En outre, faire cela avant d’aller au travail, c’est vous préparer à vous faire licencier, car vous serez fatiguée toute la journée. »

Athéna a réfléchi un peu, mais elle a aussitôt réagi :

« Vous avez raison quand vous parlez de l’énergie collective. Je vois que dans votre groupe il y a quatre couples et votre femme. Tous, absolument tous, ont trouvé l’amour. C’est pourquoi ils peuvent partager avec moi une vibration positive.

« Mais moi, je suis seule. Plus exactement, je suis avec mon fils, mais son amour ne se manifeste pas encore d’une manière compréhensible. Alors je préfère accepter ma solitude : si je cherche à lui échapper en ce moment, je ne retrouverai jamais un partenaire. Si je l’accepte plutôt que de lutter contre elle, les choses changeront peut-être. J’ai constaté que la solitude est plus forte quand nous tentons de l’affronter, mais perd de son intensité quand nous l’ignorons tout simplement.

— Êtes-vous venue vers notre groupe en quête d’amour ?

— Je pense que ce serait un bon motif, mais la réponse est non. Je suis venue parce que je cherche un sens à ma vie ; ma seule raison de vivre est Viorel, et je crains que cela ne finisse par le détruire, soit parce que je le protégerai exagérément, soit parce que je finirai par projeter sur lui les rêves que je n’ai pas réussi à réaliser. Un de ces derniers jours, pendant que je dansais, je me suis sentie guérie. Si j’avais eu une maladie physique, je sais que nous pourrions appeler cela un miracle ; mais j’étais atteinte d’un mal spirituel, qui s’est brusquement éloigné. »

Je savais de quoi elle parlait.

« Personne ne m’a appris à danser au son de cette musique, a poursuivi Athéna. Mais je pressens que je sais ce que je fais.

— Il n’est pas nécessaire d’apprendre. Rappelez-vous notre promenade dans le parc, et ce que nous avons vu : la nature créant le rythme et s’adaptant à chaque instant.

— Personne ne m’a appris à aimer. Mais j’ai déjà aimé Dieu, j’ai aimé mon mari, j’aime mon fils et ma famille. Et pourtant, quelque chose me manque. J’ai beau être fatiguée pendant que je danse, quand je m’arrête, il me semble que je suis en état de grâce, dans une extase profonde. Je veux que cette extase se prolonge toute la journée. Et qu’elle m’aide à trouver ce qui me manque : l’amour d’un homme.

« Je peux voir le cœur de cet homme, même si je ne parviens pas à voir son visage. Je sens qu’il est tout près, alors je dois être attentive. Je dois danser le matin, pour pouvoir, le restant de la journée, prêter attention à ce qui se passe autour de moi.

— Savez-vous ce que veut dire le mot "extase" ? Il vient du grec, et il signifie : "sortir de soi-même". Passer la journée entière hors de soi-même, c’est trop demander à son corps et à son âme.

— J’essaierai. »

J’ai vu qu’il n’avançait à rien de discuter, et j’ai fait une copie de la cassette. Dès lors, je me réveillais tous les jours avec cette musique à l’étage au-dessus, je pouvais entendre ses pas, et je me demandais comment elle pouvait envisager son travail dans une banque après une heure ou presque de transe. Un jour où nous nous sommes rencontrés par hasard dans le couloir, je lui ai proposé de venir prendre un café. Athéna m’a raconté qu’elle avait fait d’autres copies de la cassette et que maintenant beaucoup de ses collègues cherchaient le Sommet.

« J’ai eu tort ? C’était secret ? » Non, bien sûr ; au contraire, cela m’aidait à préserver une tradition quasi perdue. Dans les notes de mon grand-père, une femme disait qu’un moine qui visitait la région avait affirmé que tous nos ancêtres et toutes les générations futures étaient présents en nous. Quand nous nous libérions, nous en faisions autant pour l’humanité.

« Alors les hommes et les femmes de cette petite ville de Sibérie doivent être présents, et contents. Leur travail renaît en ce monde, grâce à votre grand-père. Mais je serais curieuse de savoir pourquoi vous avez décidé de danser après avoir lu ce texte. Si vous aviez lu quelque chose sur le sport, auriez-vous décidé de devenir footballeur ? »

C’était la question que personne ne me posait. « J’étais malade, à l’époque. J’avais une forme rare d’arthrite, et les médecins disaient que je devais me préparer à être dans une chaise roulante à trente-cinq ans. Voyant que j’avais peu de temps devant moi, j’ai décidé de me consacrer à tout ce que je ne pourrais plus faire par la suite. Mon grand-père avait écrit, sur ce petit morceau de papier, que les habitants de Diedov croyaient aux pouvoirs curatifs de la transe. – Apparemment, ils avaient raison. »

Je n’ai rien répondu, mais je n’en étais pas si sûr. Les médecins s’étaient peut-être trompés. Le fait que je sois un immigrant avec ma famille, ne pouvant m’offrir le luxe d’être malade, a peut-être agi sur mon inconscient avec une force telle que cela a provoqué une réaction naturelle de mon organisme. Ou peut-être était-ce vraiment un miracle, ce qui irait absolument à l’encontre de ce que prêche ma foi catholique : les danses ne guérissent pas.

Je me souviens que, dans mon adolescence, comme je n’avais pas la musique que je jugeais adéquate, il m’arrivait de me mettre un capuchon noir sur la tête et d’imaginer que la réalité qui m’entourait cessait d’exister : mon esprit voyageait vers Diedov, avec ces hommes et ces femmes, avec mon grand-père et son actrice tant aimée. Dans le silence de la chambre, je leur demandais de m’apprendre à danser, à dépasser mes limites, car bientôt je serais paralysé à tout jamais. Plus mon corps bougeait, plus la lumière de mon cœur apparaissait, et plus j’apprenais – peut-être tout seul, peut-être avec les fantômes du passé. J’en suis venu à imaginer la musique qu’ils écoutaient dans leurs rituels, et quand un ami s’est rendu en Sibérie bien des années plus tard, je lui ai demandé de me rapporter quelques disques ; à ma surprise, l’un d’eux ressemblait beaucoup à ce que je pensais être la danse de Diedov.

Mieux valait n’en rien dire à Athéna – c’était une personne facilement influençable, et son tempérament me semblait instable.

« Peut-être agissez-vous correctement », ai-je seulement remarqué.

Nous avons conversé encore une fois, peu avant son voyage au Moyen-Orient. Elle paraissait contente, comme si elle avait trouvé tout ce qu’elle désirait : l’amour.

« Mes collègues de travail ont formé un groupe, et ils s’appellent eux-mêmes "les pèlerins du Sommet". Tout cela grâce à votre grand-père.

— Grâce à vous, qui avez senti la nécessité de partager cela avec les autres. Je sais que vous allez partir, et je veux vous remercier d’avoir donné une autre dimension à ce que j’ai fait pendant des années, essayant de propager cette lumière avec quelques intéressés, mais toujours timidement, pensant toujours que l’on allait trouver ridicule toute cette histoire.

— Savez-vous ce que j’ai découvert ? Que si l’extase est la capacité de sortir de soi-même, la danse est une manière de s’élever dans l’espace. Découvrir de nouvelles dimensions, et cependant rester en contact avec son corps. Avec la danse, le monde spirituel et le monde réel parviennent à cohabiter sans conflits. Je pense que les danseurs classiques restent sur la pointe des pieds parce qu’ils touchent la terre et en même temps atteignent les cieux. »

Autant que je me souvienne, ce furent ses derniers mots. Pendant n’importe quelle danse à laquelle nous nous abandonnons joyeusement, le cerveau perd son pouvoir de contrôle, et le cœur dirige le corps. Alors seulement le Sommet apparaît.

Dès lors que nous y croyons, bien sûr.