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Chantal contempla pour la dernière fois la vallée, les montagnes, les bosquets où elle avait l’habitude de se promener quand elle était petite, et elle sentit dans sa bouche le goût de l’eau cristalline, des légumes frais récoltés, du vin maison, fait avec le meilleur raisin de la région, jalousement gardé par ses habitants – ce n’était pas un produit destiné aux touristes ou à l’exportation.

Elle n’était revenue au village que pour dire adieu à Berta. Elle portait les mêmes vêtements que d’habitude afin d’éviter que quelqu’un ne découvre que, le temps de son court voyage à la ville, elle était devenue une femme riche : l’étranger s’était occupé de tout, avait signé les papiers requis pour le transfert du métal, sa conversion en fonds placés sur le compte bancaire de Mlle Prym ouvert à cet effet. Le caissier, déférent et discret comme l’exigeait le règlement de la banque, n’avait pu s’empêcher de lui adresser à la dérobée des regards équivoques mais qui l’avaient ravie ; « Cette jeune personne est la maîtresse d’un homme mûr, elle doit être bien complaisante au lit pour lui avoir soutiré autant d’argent. »

Elle croisa quelques habitants. Personne ne savait qu’elle allait partir et ils la saluèrent comme si rien ne s’était passé, comme si Bescos n’avait jamais reçu la visite du démon. Elle répondit elle aussi à chaque bonjour comme si ce jour était pareil à tous les autres jours de sa vie.

Elle ne savait pas à quel point elle avait changé en raison de tout ce qu’elle avait découvert sur elle-même, mais elle avait du temps devant elle pour apprendre.

Berta était assise devant sa maison. Elle n’avait plus à guetter la venue du Mal et ne savait à quoi s’occuper désormais.

— Ils vont faire une fontaine en mon honneur. C’est le prix de mon silence. Je suis contente, même si je sais qu’elle ne va pas durer très longtemps ni apaiser la soif de beaucoup de monde, puisque Bescos est condamné de toute façon : pas parce qu’un démon est passé par ici, mais à cause de l’époque où nous vivons.

Chantal demanda comment serait la fontaine : Berta avait demandé qu’on l’orne d’un soleil, avec un crapaud au milieu qui cracherait l’eau – le soleil, c’était elle, et le crapaud, c’était le curé.

— Je veux étancher votre soif de lumière et ainsi je resterai parmi vous tant que la fontaine sera là.

Le maire s’était plaint du coût des travaux, mais Berta n’avait pas voulu transiger et maintenant il fallait qu’il s’exécute : le chantier devait débuter la semaine suivante.

— Et toi, ma fille, finalement tu vas faire ce que je t’ai suggéré. Je peux te dire une chose sans craindre de me tromper : la vie peut être courte ou longue, tout dépend de la façon dont nous la vivons.

Chantal sourit, embrassa tendrement sa vieille amie et tourna le dos à Bescos sans esprit de retour. Berta avait raison : il n’y avait pas de temps à perdre, même si elle espérait que sa vie serait longue.

22 janvier 2000, 23 h 58.