38835.fb2 Le d?ner des ex - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 27

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Il te faut comprendre qu'il m'était difficile de résister à quelqu'un d'aussi habile. Manuel avait cinquante ans, le double de mon âge. Depuis toi, si j'ai souvent été attirée par des hommes mûrs, leur physique souvent décati par l'andropause me répugnait. Manuel, lui, paraissait à l'abri de ces désagréments, tout en possédant l'expérience de la vie qui me fascinait.

Je sais à présent que ce n'était pas son passé de séducteur qui m'attirait. C'était son présent d'homme marié, de quinquagénaire aux cheveux argentés qui voyait sa jeunesse s'effriter, le troisième âge tant redouté se profiler à l'horizon, et qui, cédant à l'appel de la chair fraîche, sentait quelque ultime humeur polissonne lui titiller les reins.

Ainsi, lorsqu'il m'invita à dîner quelques semaines plus tard, acceptai-je sans hésiter. Nadège, me dit-il, était partie en voyage.

Il m'emmena dans le restaurant le plus cher de la ville, surplombant un petit port de pêcheurs sentant la marée. Je m'efforçais de ne pas avoir l'air impressionnée, mais j'avais la désagréable sensation qu'il devinait chacune de mes pensées.

Je me revois, nimbée de la grâce de mes vingt-cinq ans, raide dans une robe de quatre sous, faisant la fière dans ce décor cossu. Plusieurs personnes le saluèrent de loin, et il esquissait des sourires polis en retour.

Tandis qu'il me caressait sous la table, il parlait de son métier, comme si de rien n'était ; puis il accompagna son jeu de mains de suaves compliments, murmurant que j'étais belle, que ma peau était douce, et des frissons montèrent le long de mes cuisses, faisant ployer mon échine, trembler mes jambes ; je le laissais faire, m'abandonnant à ses doigts sous la nappe damassée, ébahie par son audace et son habileté.

Après le dessert, il prit ma main dans la sienne :

— Vous allez venir avec moi.

Docile, je le suivis. Plus tard, dans l'intimité d'une chambre d'hôtel, il me donna des ordres précis, d'une voix impassible.

— Enlevez votre robe. Gardez vos escarpins. Mettez-vous ainsi. Ne baissez pas les yeux. Regardez-moi. Oui, comme cela.

Je devins de l'argile entre ses mains ; il me manipula comme une poupée, sans brusquerie, avec des gestes calculés. Le vouvoiement qu'il persistait à utiliser me troublait davantage. Pendant l'amour, il n'eut envers moi aucun geste de tendresse, mais cela ne me gênait pas ; j'étais fascinée par son détachement, sa maîtrise, sa manière de me dominer. Je me donnai à lui en tremblant, avec une angoisse mâtinée d'un plaisir nouveau.

Même au moment le plus intense – l'instant précis où les hommes ont tous cette grimace de douleur –, il ne perdit pas le contrôle de lui-même.

— Qu'en dites-vous, Margaux ? Fortissimo ? lâcha-t-il, à peine essoufflé.

Allongée à plat ventre sous lui, vêtue d'un soutien-gorge et de mes chaussures à talon, j'eus l'impression d'être une fille de joie. Honteuse, je m'attendis presque à ce qu'il me jetât de l'argent.

Mais il eut un geste surprenant ; il me retourna, tenant à deux mains mon visage, puis m'embrassa sur la bouche. Je crus déceler une certaine tendresse dans le bleu cobalt de ses yeux ; enhardie, je balbutiai que je l'aimais.

— Ne dites pas de bêtises, siffla-t-il, cinglant. Rhabillez-vous. Je dois partir.

Déconcertée, il ne me restait plus qu'à obéir.