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Mon pauvre Max, comme tu t'étrangles ! Une telle soumission doit te surprendre ; la Margaux de cette histoire est à des années lumière de la tienne. Mais cette Margaux-là, comme la tienne, a fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Impossible de la renier.
Je devins donc la maîtresse d'un homme marié. C'était lui qui décidait de nos rencontres. Le soir, en rentrant de l'Opéra, j'attendais près du téléphone. Je recevais des appels laconiques : « Hôtel E. Chambre 202. Mardi, quinze heures. » Et je m'y rendais. Sous mes tailleurs stricts, je portais la lingerie fine qu'il m'achetait.
Manuel faisait de moi ce qu'il voulait. Jamais je ne m'étais autant soumise à un homme. Jamais un homme n'eut une telle emprise sur moi.
Un soir, alors que nous étions amants depuis quelques mois, il me donna rendez-vous dans un hôtel de Saint-J. Lorsque j'arrivai, il m'attendait dans la chambre.
— Déshabillez-vous.
J'obéis. J'aimais l'arrogance de cette voix autoritaire, tout en la craignant.
— Allongez-vous sur le lit.
Il attacha un bandeau autour de mes yeux. Je me laissai faire. Puis il me prit d'une façon brutale et rapide, pas comme à l'accoutumée. Le plaisir, habituellement au rendez-vous, s'esquiva. Une sensation étrange s'empara de moi. Désorientée, je sentis alors des mains sur mon corps. Elles me caressèrent avec douceur. Ce n'étaient pas celles de Manuel. Je reconnus leur finesse et leur parfum sans peine ; il s'agissait des mains de sa femme. Une colère noire effaça toute soumission. Je tentai de me relever.
— Laissez-vous faire, glapit Manuel, me plaquant sur le lit. Vous en avez envie.
J'arrachai le bandeau pour découvrir Nadège nue, cambrée sur les draps froissés.
— Je ne te plais pas ? demanda-t-elle.
Je lui précisai que c'était son mari qui me plaisait, pas elle. Sa bouche s'envenima. Notre petit jeu était terminé, j'avais assez profité de son mari ; il me fallait maintenant choisir. Soit j'acceptais sa présence, soit je devais partir. Je décidai de m'en aller. Manuel ne dit rien. Nadège se leva, blanche de rage. Elle me gifla, m'ordonna de décamper et de ne jamais tenter de les revoir.