39050.fb2
LE VOYAGEUR est assis dans la forêt, un tas de notes sur les genoux, et il regarde l’humble demeure qui se dresse devant lui. Il se souvient d’y être déjà venu avec des amis. A l’époque, il avait simplement remarqué que le style de cette maison s’apparentait à celui d’un architecte catalan ayant vécu très longtemps auparavant, et qui n’avait probablement jamais mis les pieds dans cet endroit. La maison se trouve près de Cabo Frio, dans l’Etat de Rio de Janeiro, et elle est entièrement faite de débris de verre.
En 1899, son premier propriétaire, Gabriel, vit en rêve un ange qui lui suggéra : « Construis une maison au moyen de tessons. » Gabriel se mit à collectionner les carreaux brisés, les assiettes, les bibelots et les bouteilles cassés. « Chaque morceau devient beauté », disait-il de son ouvrage. Pendant quarante ans, les habitants du voisinage affirmèrent que cet homme était fou, mais plus tard des touristes découvrirent sa maison et en parlèrent autour d’eux. Gabriel devint un génie. Puis la nouveauté passa, et il retourna à l’anonymat. Cependant, il continua de construire. A l’âge de quatre-vingt-treize ans, il posa son dernier débris de verre... et mourut.
Le voyageur allume une cigarette qu’il fume en silence. Il ne pense plus aujourd’hui à la ressemblance qu’il avait décelée entre la maison de Gabriel et l’architecture d’Antonio Gaudi. Il regarde les morceaux de verre et songe à sa propre vie. Comme toute existence, elle est faite des fragments de tout ce qui lui est arrivé. Cependant, à un certain moment, ces éléments ont commencé à prendre forme.
Et le voyageur, voyant les papiers sur ses genoux, se rappelle son passé. Il y a là des morceaux de sa vie : les situations qu’il a vécues, des extraits de livres qu’il n’a pas oubliés, les enseignements de son maître, des histoires que lui ont contées un jour ses amis. Il y a aussi des réflexions sur son époque et sur les rêves de sa génération.
De même que Gabriel a vu en rêve un ange et a bâti la maison qui se dresse maintenant devant ses yeux, le voyageur s’efforce de mettre en ordre ses papiers pour comprendre sa propre construction spirituelle. Il se souvient que, lorsqu’il était enfant, il a lu un livre de Malba Tahan intitulé Maktub, et il pense : « Peut-être devrais-je faire la même chose. »
LE MAITRE DIT :
« Lorsque nous sentons qu’est venue l’heure du changement, nous nous repassons inconsciemment le film de tous les échecs que nous avons connus jusque-là.
« Et, bien sûr, à mesure que nous vieillissons, la part des moments difficiles l’emporte. Mais, en même temps, l’expérience nous a donné les moyens de surmonter ces échecs et de trouver le chemin qui nous permet d’aller plus loin. Il nous faut aussi insérer cette cassette-ci dans notre magnétoscope mental.
« Si nous ne regardons que le film de nos échecs, nous resterons paralysés. Si nous ne regardons que le film de notre expérience, nous finirons par nous croire plus sages que nous ne le sommes en réalité.
« Nous avons besoin des deux cassettes. »
IMAGINEZ une chenille. Elle passe la plus grande partie de son existence à regarder d’en bas les oiseaux voler, et s’indigne de son propre destin et de sa forme. « Je suis la plus méprisable des créatures, pense-t-elle, laide, répugnante, condamnée à ramper sur la terre. »
Un jour, cependant, la Nature lui demande de tisser un cocon. La voilà effrayée : jamais elle n’a tissé de cocon. Croyant être en train de bâtir sa tombe, elle se prépare à mourir. Bien que malheureuse du sort qui était le sien jusque-là, elle se plaint encore à Dieu : « Au moment où je m’étais enfin habituée, Seigneur, vous me retirez le peu que je possède ! » Désespérée, elle s’enferme dans son cocon et attend la fin.
Quelques jours plus tard, elle constate qu’elle s’est transformée en un superbe papillon. Elle peut voler dans le ciel et les hommes l’admirent. Elle s’étonne du sens de la vie et des desseins de Dieu.
UN ETRANGER se rendit au monastère de Sceta et demanda à rencontrer le père supérieur.
«Je veux rendre ma vie meilleure, déclara-t-il, mais je ne peux m’empêcher d’avoir des pensées coupables. »
Le père supérieur remarqua que dehors le vent soufflait très fort, et il dit au visiteur :
« Il fait très chaud ici. Pourriez-vous attraper un peu de vent dehors et le faire entrer dans la pièce pour la rafraîchir ?
— C’est impossible.
— De la même manière, il est impossible de ne pas avoir de pensées qui offensent Dieu, répondit l’abbé. Mais si vous savez dire non à la tentation, elles ne vous feront aucun mal. »
LE MAITRE DIT :
« Si vous avez une décision à prendre, il vaut mieux aller de l’avant et supporter les conséquences de vos actes. On ne peut pas savoir à l’avance quelles seront ces conséquences. Les arts divinatoires ont été inventés pour aider les hommes, en aucun cas pour prévoir l’avenir. Ils sont d’excellents conseillers mais de très mauvais prophètes. Dans la prière que Jésus nous a enseignée, il est dit : « Que Ta Volonté soit faite. » Lorsque cette volonté nous laisse entrevoir un problème, elle propose aussi la solution.
« Si les arts divinatoires permettaient de prédire l’avenir, tous les devins seraient riches, mariés et heureux. »
LE DISCIPLE s’approcha de son maître : « Pendant des années, j’ai cherché l’illumination et je sens que je suis sur le point de la rencontrer. Je veux savoir quelle est la prochaine étape.
— Comment subvenez-vous à vos besoins ? demanda le maître.
— Je n’ai pas encore appris à subvenir à mes besoins, mon père et ma mère m’entretiennent. Mais ce n’est là qu’un détail.
— La prochaine étape consiste à regarder le soleil pendant une demi-minute », répondit le maître.
Le disciple obéit.
Le maître lui demanda alors de décrire le champ qui les entourait.
« Je ne le vois pas, l’éclat du soleil a troublé ma vision.
— Un homme qui ne cherche que la lumière et se dérobe à ses responsabilités ne rencontrera jamais l’illumination. Un homme qui garde les yeux fixés sur le soleil finit par devenir aveugle », expliqua le maître.
UN HOMME se promenait dans une vallée des Pyrénées lorsqu’il rencontra un vieux berger. Il lui proposa de partager son repas, puis il resta un long moment en sa compagnie, et ils parlèrent de la vie.
L’homme affirmait que celui qui croyait en Dieu devait reconnaître qu’il n’était pas libre, puisque Dieu gouvernait chacun de ses pas.
Alors, le berger l’entraîna jusqu’à un défilé où l’on entendait très nettement les sons que renvoyait l’écho.
« La vie, ce sont ces parois, et le destin est le cri que pousse chacun de nous, expliqua le berger. Tout ce que nous faisons est porté jusqu’à Son cœur, et nous sera rendu de la même manière. »
« Dieu agit comme l’écho de nos actes. »
MAKTUB signifie « c’est écrit ». Pour les Arabes, « c’est écrit » n’est pas une bonne traduction, car, bien que tout soit déjà écrit, Dieu est miséricordieux et Il n’use Son stylo et Son encre que pour nous venir en aide.
Le voyageur se trouve à New York. Il s’est réveillé tardivement et, lorsqu’il sort de l’hôtel, il découvre que la police a embarqué sa voiture. Il arrive en retard à son rendez-vous, le déjeuner se prolonge plus que nécessaire, et il pense à l’amende qu’il va devoir payer, qui va lui coûter une fortune.
Soudain, il songe au dollar qu’il a trouvé la veille. Il imagine une relation surnaturelle entre ce billet et les événements de la matinée. « Qui sait si je n’ai pas ramassé ce billet avant que celui à qui il était destiné ne le trouve ? Peut-être ai-je enlevé ce dollar du chemin d’une personne qui en avait besoin. Peut-être ai-je interféré dans ce qui était écrit. »
Il éprouve le besoin de se débarrasser du billet. A cet instant, il aperçoit un mendiant assis par terre et le lui tend.
«Un moment, s’exclama ce dernier. Je suis poète. Pour vous remercier, je vais vous lire un poème.
— Alors, qu’il soit court, car je suis pressé », répond le voyageur. Le mendiant rétorque :
«Si vous êtes toujours en vie, c’est que vous n’êtes pas encore arrivé là où vous deviez arriver. »
LE DISCIPLE dit à son maître :
« J’ai passé une grande partie de la journée à penser à des choses auxquelles je ne devrais pas penser, à désirer des choses que je ne devrais pas désirer, à caresser des projets que je ne devrais pas caresser. »
Le maître proposa à son disciple une promenade dans la forêt derrière chez lui. En chemin, il lui désigna du doigt une plante et lui demanda s’il en connaissait le nom.
«La belladone, répondit le disciple. Elle peut tuer celui qui en mange les feuilles.
— Mais elle ne peut pas tuer celui qui se contente de l’observer, répliqua le maître. De même, les désirs négatifs ne peuvent vous causer aucun mal si vous ne vous laissez pas séduire par eux. »
ENTRE LA FRANCE et l’Espagne se dresse une chaîne de montagnes. Là-haut se trouve un village nommé Argelès. Dans ce village passe un sentier qui mène à la vallée.
Tous les après-midi, un vieillard gravit et descend cette pente. Lorsque le voyageur s’est rendu à Argelès pour la première fois, il ne l’a pas remarqué. A sa seconde visite, il s’est aperçu qu’un homme croisait sans cesse son chemin. Et, chaque fois qu’il se rendait dans ce village, il notait de nouveaux détail – ses vêtements, son béret, sa canne, ses lunettes. Aujourd’hui, lorsqu’il pense à ce village, il pense aussi au vieil homme, bien que celui-ci ne le sache pas.
Le voyageur ne lui a parlé qu’en une occasion. Voulant plaisanter, il lui a demandé : « Est-ce que Dieu vit dans ces belles montagnes qui nous entourent ?
— Dieu vit, a répondu le vieux, là où on Le laisse entrer. »
LE MAITRE réunit un soir ses disciples et leur demanda d’allumer un grand feu autour duquel ils pourraient s’asseoir et bavarder.
«Le chemin spirituel est à l’image du feu qui brûle devant nous, dit-il. L’homme désireux de l’allumer doit s’accommoder des désagréments de la fumée qui nous fait suffoquer et monter les larmes aux yeux. La reconquête de la foi passe par là.
« Mais, une fois que le feu crépite, la fumée disparaît et les flammes illuminent tout autour de nous, apportant la chaleur et la paix.
— Et si quelqu’un allumait le feu pour nous ? demanda l’un des disciples. Et s’il nous permettait d’éviter la fumée ?
— Celui-là serait un faux maître. Il pourrait emporter le feu là où il en aurait envie, ou l’éteindre à sa guise ; mais, puisqu’il n’aurait appris à personne à l’allumer, il serait capable de laisser tout le monde dans l’obscurité. »
UNE FEMME prit ses trois enfants et décida d’aller vivre dans une petite ferme au fin fond du Canada. Elle voulait se consacrer exclusivement à la contemplation spirituelle.
En moins d’un an, elle tomba amoureuse, se remaria, acquit les techniques de méditation des saints, se battit afin de trouver une école pour ses enfants, se fit des amis, se fit des ennemis, négligea de se soigner les dents, eut un abcès, fit de l’auto-stop en pleine tempête de neige, apprit à réparer sa voiture, à remettre en état les canalisations gelées, connut des fins de mois difficiles, vécut des allocations de chômage, dormit sans chauffage, rit sans raison, pleura de désespoir, construisit une chapelle, fit des réparations dans sa maison, dont elle peignit les murs, donna des cours de contemplation spirituelle.
« J’ai fini par comprendre qu’une vie de prière n’implique pas l’isolement, dit-elle. L’amour de Dieu est si vaste qu’il a besoin d’être partagé. »
« AU COMMENCEMENT de votre chemin, vous trouverez une porte avec une inscription, dit le maître. Revenez me dire quelle est cette phrase. »
Le disciple se livre corps et âme à sa quête. Et puis, un jour, il voit la porte, et il retourne consulter son maître.
« Au commencement du chemin, il était écrit : « ce n’est pas possible », lui annonce-t-il.
— Où était-ce écrit, sur un mur ou sur une porte ? demande le maître.
— Sur une porte.
— Eh bien, posez la main sur la poignée et ouvrez-la. »
Le disciple obéit. Comme l’inscription est peinte sur la porte, elle pivote en même temps qu’elle. Lorsque la porte est entièrement ouverte, le disciple ne parvient plus à distinguer la phrase – et il avance.
LE MAITRE DIT :
« Fermez les yeux. Il n’est même pas nécessaire de fermer les yeux, il vous suffit d’imaginer la scène suivante : une bande d’oiseaux en vol. Bon, maintenant dites-moi, combien d’oiseaux voyez-vous : cinq ? onze ? dix-sept ?
« Quelle que soit la réponse – et il est toujours difficile de donner le nombre exact –, une chose est évidente dans cette petite expérience. Vous pouvez imaginer une bande d’oiseaux, mais leur nombre échappe à votre contrôle. Pourtant, la scène était claire, définie, précise. Quelque part se trouve la réponse à cette question.
« Qui a déterminé le nombre d’oiseaux devant apparaître dans la scène imaginée ? Ce n’est pas vous. »
UN HOMME DECIDA de rendre visite à un ermite qui vivait non loin du monastère de Sceta. Après avoir marché interminablement dans le désert, il le trouva enfin.
«J’ai besoin de savoir quel est le premier pas que l’on doit faire sur la voie de la spiritualité », lui dit-il.
L’ermite l’entraîna vers un puits et le pria d’y contempler son reflet. L’homme obéit, mais l’ermite se mit à jeter des cailloux dans l’eau, dont la surface trembla.
« Je ne pourrai pas voir mon visage tant que vous jetterez des cailloux, remarqua l’homme.
— De même qu’il est impossible à un homme de voir son visage dans des eaux troubles, il lui est impossible de chercher Dieu si sa quête rend son esprit anxieux, dit le moine. Voilà le premier pas. »
IL Y EUT une époque où le voyageur pratiquait la méditation bouddhiste zen. A un certain moment de la séance, le maître allait chercher dans un coin du dojo (l’endroit où les disciples se réunissaient) une baguette de bambou. Ceux des élèves qui n’avaient pas réussi à se concentrer levaient la main. Le maître s’approchait d’eux et leur donnait à chacun trois coups sur l’épaule.
La première fois qu’il assista à cette scène, le voyageur la trouva absurde et digne du Moyen Age. Plus tard, il comprit que, très souvent, il est nécessaire de déplacer sur le plan physique la douleur spirituelle afin de percevoir le mal qu’elle cause. Sur le chemin de Saint-Jacques, il avait appris un exercice qui consistait à enfoncer l’ongle de son index dans son pouce chaque fois qu’une pensée lui faisait du mal.
On perçoit toujours trop tard les terribles conséquences des pensées négatives. Cependant, si nous faisons en sorte que ces pensées se manifestent sous la forme d’une douleur physique, nous comprenons mieux le mal qu’elles nous causent. Alors nous parvenons à les éviter.
UN PATIENT âgé de trente-deux ans alla consulter le thérapeute Richard Crowley :
« Je ne peux pas arrêter de sucer mon pouce, se plaignit-il.
— Ne vous inquiétez pas, lui répondit Crowley. Simplement, sucez un doigt différent chaque jour de la semaine. »
Le patient s’efforça de suivre ce conseil. Chaque fois qu’il portait la main à sa bouche, il devait choisir consciemment le doigt qui, ce jour-là, ferait l’objet de son attention. Avant que la semaine ne fût terminée, il était guéri.
« Lorsqu’un vice devient une habitude, il est difficile de le combattre, dit Richard Crowley. Mais quand il commence à exiger de nous des attitudes nouvelles, des décisions, des choix, alors nous prenons conscience du fait qu’il ne mérite pas autant d’efforts. »
DANS LA ROME ANTIQUE, un groupe de magiciennes connues sous le nom de sibylles rédigea neuf livres qui racontaient l’avenir de Rome. Puis elles les apportèrent à Tibère.
« Combien coûtent-ils ? demanda l’empereur.
— Cent pièces d’or », répondirent-elles.
Indigné, Tibère les chassa.
Les sibylles brûlèrent trois livres et revinrent trouver l’empereur.
« Ils coûtent toujours cent pièces d’or », lui dirent-elles.
Tibère refusa leur offre en riant : pourquoi payerait-il le prix de neuf livres pour six ?
Les sibylles brûlèrent trois autres livres et revinrent voir Tibère avec les trois derniers. « Le prix est toujours de cent pièces d’or. »
Piqué par la curiosité, Tibère se résigna à payer, mais il ne pouvait plus lire qu’une petite partie de l’avenir de son empire.
Le maître dit :
« Ne pas marchander lorsque l’occasion se présente, cela fait partie de l’art de vivre. »
CES MOTS sont de Rufus Jones :
« Construire de nouvelles tours de Babel sous prétexte que je dois arriver jusqu’à Dieu ne m’intéresse pas. Ces tours sont abominables. Certaines sont faites de ciment et de briques, d’autres de piles de textes sacrés. Certaines ont été bâties sur de vieux rituels, et beaucoup sont érigées sur les nouvelles preuves scientifiques de l’existence de Dieu.
«Toutes ces tours, qu’il nous faut escalader depuis leur base sombre et solitaire, peuvent nous donner une vision de la terre, mais elles ne nous conduisent pas au ciel.
« Tout cela pour parvenir encore et toujours à cette vieille confusion des langues et des émotions !
« Les ponts qui mènent à Dieu sont la foi, l’amour, la joie et la prière. »
DEUX RABBINS, dans l’Allemagne nazie, font tout leur possible pour apporter aux juifs un peu de réconfort spirituel. Pendant deux ans, bien que mourant de peur, ils parviennent à tromper leurs persécuteurs et célèbrent des offices religieux dans plusieurs communautés.
Finalement, les rabbins sont arrêtés. Terrifié à l’idée du danger qui le menace, le premier ne cesse de prier. L’autre, au contraire, passe ses journées à dormir.
« Pourquoi agissez-vous ainsi ? lui demande le rabbin rempli de crainte.
— Pour ménager mes forces. Je sais que dorénavant je vais en avoir besoin.
— Mais n’avez-vous pas peur ? Ne savez-vous pas ce qui nous guette ?
— J’ai eu peur jusqu’au moment de notre arrestation. Maintenant que je suis prisonnier, à quoi bon redouter ce qui est déjà passé ? Le temps de la peur est terminé ; à présent commence le temps de l’espoir. »
LE MAITRE DIT :
«Volonté. Voilà un mot dont on devrait se méfier pendant quelque temps. Quelles sont les choses que nous ne faisons pas parce que nous n’en avons pas la volonté, et quelles sont celles que nous ne faisons pas parce qu’elles comportent un risque ?
« Voici un exemple de ce que nous prenons pour un « manque de volonté » : parler avec des inconnus. Qu’il s’agisse d’une conversation, d’un simple contact ou d’une confidence, nous parlons rarement avec des inconnus. Et nous trouvons toujours que c’est mieux ainsi.
« Au bout du compte, nous ne venons en aide à personne et nous ne sommes pas aidés par la vie.
« Notre distance nous fait paraître supérieurs et très sûrs de nous. En réalité, nous ne permettons pas à la voix de notre ange de se manifester par la bouche des autres. »
UN VIEIL ERMITE fut un jour invité à se rendre à la cour du plus puissant roi de son temps.
« J’envie un saint homme qui se contente de si peu, lui dit le roi.
— J’envie Votre Majesté qui se contente de moins que moi, rétorqua l’ermite.
— Comment pouvez-vous dire cela, alors que tout ce pays m’appartient ? s’exclama le roi, offensé.
— Précisément, répondit le vieil ermite. Moi, j’ai la musique des sphères, j’ai les rivières et les montagnes du monde entier, j’ai la lune et le soleil, parce que j’ai Dieu dans mon âme. Mais Votre Majesté n’a que ce royaume. »
« ALLONS JUSQU’A la montagne qui est la demeure de Dieu, suggéra un cavalier à son ami. J’ai l’intention de prouver qu’il ne sait qu’exiger et ne fait rien pour alléger notre fardeau.
— Eh bien, je vous accompagne pour démontrer ma foi », répliqua l’autre.
Ils atteignirent le soir le sommet de la montagne, et ils entendirent une Voix dans l’obscurité : « Chargez vos chevaux des pierres qui jonchent le sol. »
« Vous voyez ? fit le premier cavalier. Après l’ascension que nous venons de faire, Il veut encore alourdir notre charge ! Jamais je n’obéirai. »
Le second cavalier obtempéra. Lorsque enfin ils arrivèrent au pied de la montagne, l’aurore pointait, et les premiers rayons du soleil illuminèrent les pierres du pieux cavalier : c’étaient les plus purs diamants.
LE MAITRE DIT :
« Les décisions de Dieu sont mystérieuses, mais elles penchent toujours en notre faveur. »
Le maître dit :
« Mon cher, je dois vous annoncer une nouvelle que vous ignorez peut-être encore. J’ai pensé à l’adoucir pour la rendre moins pénible – la peindre de couleurs éclatantes, l’enjoliver de promesses de Paradis, de visions de l’Absolu, d’explications ésotériques – mais, à supposer que tout cela existe, cela ne résoudrait rien.
« Respirez profondément et préparez-vous. Je suis obligé d’être franc et direct et, je puis vous l’assurer, j’ai l’absolue certitude de ce que je vais dire. C’est une prévision infaillible, qui ne laisse aucune place au doute.
« Voici donc la nouvelle : vous allez mourir.
« Peut-être demain, peut-être dans cinquante ans, mais, tôt ou tard, vous mourrez. Même si vous n’êtes pas d’accord. Même si vous avez d’autres projets.
« Alors réfléchissez bien à ce que vous allez faire aujourd’hui. Et demain. Et le restant de vos jours. »
UN EXPLORATEUR BLANC, pressé d’atteindre sa destination au cœur de l’Afrique, promit une prime à ses porteurs indigènes s’ils acceptaient d’accélérer l’allure. Pendant plusieurs jours, les porteurs pressèrent le pas.
Un après-midi, pourtant, ils refusèrent de continuer, s’assirent tous par terre et posèrent leurs fardeaux. On aurait pu leur offrir encore davantage d’argent, ils n’auraient pas bougé. Lorsque l’explorateur leur demanda la raison de ce comportement, voici la réponse qu’il obtint :
« Nous avons marché si vite que nous ne savons plus ce que nous faisons. Maintenant, nous devons attendre que nos âmes nous rejoignent. »
NOTRE-DAME, l’Enfant Jésus dans les bras, descendit sur terre pour visiter un monastère. Très fiers, les moines se mirent en rang pour lui rendre hommage ; l’un déclama des poèmes, un autre lui montra une bible enluminée, un autre récita les noms des saints.
Au bout de la rangée se trouvait un humble moine qui n’avait pas eu la chance d’étudier avec les sages de son temps. Ses parents étaient des gens simples qui travaillaient dans un cirque. Lorsque son tour arriva, les autres voulurent mettre fin aux hommages, de peur qu’il ne compromît l’image du monastère. Mais lui aussi voulait montrer son amour pour la Vierge. Embarrassé, et sentant le regard désapprobateur de ses frères, il tira de sa poche quelques oranges et se mit à les lancer en l’air, jonglant comme ses parents le lui avaient appris.
Alors seulement l’Enfant Jésus sourit, et il battit joyeusement des mains. Et c’est vers ce moine que la Vierge tendit les bras, c’est à lui qu’elle confia son fils un moment.
N’ESSAYEZ PAS d’être toujours cohérent. Finalement, saint Paul n’a-t-il pas dit : « La sagesse du monde est folie aux yeux de Dieu » ?
Etre cohérent, c’est porter toujours une cravate assortie à ses chaussettes. C’est être obligé d’avoir demain les mêmes opinions qu’aujourd’hui. Et le mouvement du monde ? Où est-il ?
Du moment que vous ne causez de tort à personne, vous pouvez changer d’avis de temps en temps et vous contredire sans en éprouver de honte. Vous en avez le droit. Peu importe ce que pensent les autres – parce qu’ils vont penser, de toute façon.
Par conséquent détendez-vous. Laissez l’univers bouger autour de vous, découvrez la joie de vous surprendre vous-même. «Dieu a choisi les folies du monde pour faire honte aux sages », dit saint Paul.
LE MAITRE DIT :
« Aujourd’hui, il serait bon de faire quelque chose qui sorte de l’ordinaire. Nous pourrions, par exemple, danser dans la rue en partant au travail, regarder un inconnu droit dans les yeux et parler d’amour au premier coup d’œil, suggérer à notre patron une idée apparemment ridicule mais à laquelle nous croyons, acheter un instrument dont nous avons toujours voulu jouer sans jamais oser. Les guerriers de la lumière s’autorisent des journées de ce genre.
« Aujourd’hui, nous pouvons verser des larmes pour quelques injustices qui nous sont restées en travers de la gorge. Nous allons téléphoner à quelqu’un à qui nous avons juré de ne plus jamais parler (mais dont nous adorerions trouver un message sur notre répondeur). Cette journée doit se démarquer du scénario que nous écrivons chaque matin.
« Aujourd’hui, toutes les fautes seront permises et pardonnées. Aujourd’hui est un jour à profiter de la vie. »
LE MATHEMATICIEN Roger Penrose se promenait avec des amis en bavardant allègrement. Ils ne se turent qu’un moment pour traverser la rue.
« Je me souviens que, tandis que je traversais, une idée incroyable m’est venue, dit Penrose. Pourtant, dès que nous eûmes traversé, nous avons repris notre discussion, et je n’ai pas réussi à retrouver l’idée que j’avais eue quelques secondes plus tôt. »
A la fin de l’après-midi, Penrose commença à se sentir euphorique, sans comprendre pourquoi. « J’avais la sensation qu’une chose importante m’avait été révélée », dit-il. Il décida de récapituler chaque minute de la journée et, lorsqu’il se rappela l’instant où il avait traversé la chaussée, l’idée lui revint en mémoire. Cette fois il décida de l’écrire.
Il s’agissait de la théorie des trous noirs, une véritable révolution dans la physique moderne. Et l’idée avait resurgi parce que Penrose avait pu se souvenir que l’on garde toujours le silence lorsqu’on traverse la rue.
SAINT ANTOINE vivait dans le désert quand un jeune homme vint le trouver :
« Mon père, j’ai vendu tout ce que j’avais et je l’ai donné aux pauvres. Je n’ai gardé que quelques objets qui pourraient m’aider à survivre ici. J’aimerais que vous m’indiquiez le chemin du salut. »
Saint Antoine conseilla au garçon d’aller à la ville vendre les rares objets qu’il avait conservés et, avec l’argent, d’acheter de la viande. Sur le chemin du retour, il devait rapporter la viande attachée à son corps.
Le garçon obéit, mais il fut attaqué en route par des chiens et des faucons qui voulaient leur part de viande.
« Me voici de retour », annonça le garçon, montrant sur son corps des traces de coups de griffes et ses vêtements arrachés.
« Ceux qui veulent franchir une étape tout en gardant un peu de leur ancienne vie finissent lacérés par leur propre passé », dit le saint pour tout commentaire.
LE MAITRE DIT :
«Profitez aujourd’hui de toutes les grâces que Dieu vous a accordées. On ne peut pas thésauriser une grâce. Il n’existe pas de banque où l’on puisse déposer les grâces reçues pour en faire usage selon son bon vouloir. Si vous ne profitez pas de ces bénédictions, elles seront irrémédiablement perdues.
« Dieu sait que nous sommes des artistes de la vie. Un jour Il nous donne de l’argile pour sculpter, un autre jour des pinceaux et une toile, ou une plume pour écrire. Mais nous ne pourrons jamais utiliser l’argile pour peindre les toiles, ni la plume pour réaliser des sculptures.
« A chaque jour son miracle. Acceptez les bénédictions, travaillez et créez aujourd’hui vos petites œuvres d’art. Demain, vous en recevrez de nouvelles. »
AU BORD de la rivière Piedra se trouve un monastère entouré d’une végétation florissante – une véritable oasis au milieu des terres arides de cette région d’Espagne. C’est là que la petite rivière devient un cours d’eau torrentueux et se divise en de multiples cascades.
Le voyageur traverse la contrée, écoutant la musique de l’eau. Soudain, au pied d’une cascade, une grotte attire son attention. Il observe soigneusement la pierre polie par le temps et les belles formes que la nature a patiemment créées. Puis il découvre, inscrits sur une plaque, les vers de Rabin-dranath Tagore :
Ce n’est pas le marteau qui a rendu ces pierres si parfaites, mais l’eau, avec sa douceur, sa danse et sa chanson.
Là où la dureté ne fait que détruire, la douceur parvient à sculpter.
LE MAITRE DIT :
« Beaucoup de gens ont peur du bonheur. Pour eux, ce mot signifie modifier une partie de leurs habitudes, et perdre leur identité.
« Très souvent nous nous croyons indignes des bonnes choses qui nous arrivent. Nous ne les acceptons pas parce que, si nous le faisions, nous aurions le sentiment d’avoir une dette envers Dieu.
« Nous pensons : « Mieux vaut ne pas goûter à la coupe de la joie, sinon, lorsqu’elle sera vide, nous souffrirons terriblement."
« De peur de rapetisser, nous oublions de grandir. De peur de pleurer, nous oublions de rire. »
LE MONASTERE DE Sceta fut un après-midi le théâtre d’une altercation entre deux moines. L’abbé Sisois, supérieur du monastère, demanda au moine offensé de pardonner à son agresseur.
« C’est hors de question ! répondit ce moine. C’est lui qui m’a attaqué, il devra payer. »
Alors l’abbé Sisois leva les bras au ciel et commença à prier :
« Seigneur Jésus, nous n’avons plus besoin de Toi. Nous sommes capables de faire payer nos agresseurs pour leurs offenses. Nous sommes capables de prendre en main notre vengeance et de veiller au Bien et au Mal. Par conséquent, Tu peux, Seigneur, T’éloigner de nous sans problèmes. »
Honteux, le moine offensé pardonna immédiatement à son frère.
« TOUS LES MAITRES affirment que le trésor spirituel est une découverte solitaire. Alors, pourquoi sommes-nous ensemble ? demanda un disciple à son maître.
— Vous êtes ensemble parce que la forêt est toujours plus forte qu’un arbre isolé, répondit celui-ci. La forêt conserve l’humidité, résiste mieux à l’ouragan et contribue à la fertilité du sol. Mais ce qui fait la force de l’arbre, c’est sa racine. Et la racine d’une plante ne peut pas aider une autre plante à pousser.
« Etre ensemble avec un but commun et permettre que chacun se développe à sa manière, voilà le chemin de ceux qui désirent communier avec Dieu. »
LORSQUE LE VOYAGEUR avait dix ans, sa mère le poussa à suivre un cours d’éducation physique. L’un des exercices consistait à sauter dans la rivière du haut d’un pont. Comme il mourait de peur, il s’arrangeait toujours pour être le dernier de la rangée et souffrait, chaque fois qu’un autre garçon sautait, à l’idée que viendrait bientôt son tour.
Un jour, voyant son appréhension, le professeur l’obligea à sauter le premier. Sa peur n’avait pas disparu, mais tout se passa si vite qu’il eut cette fois du courage.
Le maître dit :
« Très souvent, nous devons prendre notre temps. Mais quelquefois nous devons retrousser nos manches et affronter la situation. Dans ce cas, il n’est rien de pire que de reporter à plus tard. »
UN MATIN, le Bouddha était assis, entouré de ses disciples, lorsqu’un homme vint les trouver. « Dieu existe-t-il ? demanda-t-il.
— Il existe », assura le Bouddha.
Après le déjeuner, un autre homme s’approcha : « Dieu existe-t-il ?
— Non, il n’existe pas », affirma le Bouddha. Plus tard dans la journée, un troisième homme posa la même question : « Dieu existe-t-il ?
— C’est à vous de décider, déclara le Bouddha.
— Maître, c’est absurde ! s’écria l’un des disciples. Comment pouvez-vous à la même question donner des réponses différentes ?
— Parce que ce sont des personnes différentes, répliqua l’Illuminé, et chacune s’approchera de Dieu à sa manière : à travers la certitude, la négation ou le doute. »
NOUS SOMMES TOUS désireux d’agir, de trouver des solutions, de prendre des mesures. Nous sommes toujours en train de faire un projet, d’en conclure un autre, d’en découvrir un troisième.
Il n’y a pas de mal à cela – en fin de compte, c’est ainsi que nous construisons et transformons le monde. Mais l’acte d’Adoration aussi fait partie de la vie.
S’arrêter de temps en temps, sortir de soi et demeurer silencieux devant l’Univers. Se mettre à genoux, corps et âme. Sans rien demander, sans penser, sans même remercier pour quoi que ce soit. Seulement vivre l’amour silencieux qui nous enveloppe. Dans ces moments-là, il se peut que jaillissent quelques larmes inattendues – qui ne sont ni de joie ni de tristesse.
N’en soyez pas étonné. C’est un don. Ces larmes lavent votre âme.
LE MAITRE DIT :
« Si vous devez pleurer, pleurez comme un enfant. Vous avez été enfant autrefois, et pleurer est l’une des premières choses que vous avez apprises. Et puis, cela fait partie de la vie. N’oubliez jamais que vous êtes libre et qu’il n’est pas honteux de manifester vos émotions. Criez, sanglotez, aussi bruyamment que vous le souhaitez, car c’est ainsi que pleurent les enfants, et ils savent comment soulager rapidement leur cœur.
« Avez-vous déjà remarqué comment les enfants s’arrêtent de pleurer ? Quelque chose les distrait, attire leur attention vers une nouvelle aventure. Les enfants cessent de pleurer rapidement.
« Et c’est ce qui vous arrivera, mais seulement si vous pleurez comme pleure un enfant. »
LE VOYAGEUR déjeune avec une amie avocate à Fort Lauderdale. A la table voisine, un ivrogne, très excité, insiste à plusieurs reprises pour engager la conversation. A un moment, l’amie lui demande de se tenir tranquille. Mais l’autre s’obstine :
« Pourquoi ? J’ai parlé d’amour comme un homme sobre ne l’aurait jamais fait. J’ai manifesté ma joie, j’ai essayé de communiquer avec des étrangers. Quel mal y a-t-il à cela ?
— Ce n’était pas le moment, répond-elle.
— Vous voulez dire qu’il y a une heure pour exprimer son bonheur ? »
A ces mots, les deux amis invitent l’ivrogne à leur table.
LE MAITRE DIT :
« Nous devons prendre soin de notre corps. Il est le temple du Saint-Esprit et mérite notre respect et notre tendresse.
« Nous devons faire le meilleur usage de notre temps. Nous devons lutter pour nos rêves et concentrer nos efforts dans ce sens.
« Mais il ne faut pas oublier que la vie est faite de petits plaisirs : ils sont là pour nous stimuler, nous aider dans notre quête, nous accorder des moments de répit tandis que nous menons nos batailles quotidiennes.
« Ce n’est pas un péché que d’être heureux. Il n’y a aucun mal à transgresser de temps en temps certaines règles en matière d’alimentation, de sommeil ou de bonheur.
« Ne vous culpabilisez pas si parfois vous perdez du temps à des vétilles. Ce sont les petits plaisirs qui sont nos plus grands stimulants. »
PENDANT QUE le maître voyageait pour répandre la parole de Dieu, la maison dans laquelle il vivait avec ses disciples prit feu.
« Il nous a confié la maison et nous n’avons pas su en prendre soin », dit l’un des disciples.
Et ils se mirent sur-le-champ à réparer ce qui avait survécu à l’incendie. Le maître, revenu plus tôt que prévu, vit les travaux de reconstruction.
« Eh bien, les choses s’améliorent : une maison neuve ! » dit-il gaiement.
Embarrassé, l’un des disciples lui avoua la vérité : leur résidence avait été détruite par les flammes.
« Je ne comprends pas ce que vous me racontez là, lui rétorqua le maître. Je vois des hommes qui ont foi en la vie, qui entreprennent une nouvelle étape. Ceux qui ont perdu l’unique bien qu’ils possédaient sont dans une meilleure position que la plupart des gens car, dès lors, ils ont tout à gagner. »
LE PIANISTE Arthur Rubinstein était en retard à un déjeuner dans un grand restaurant new-yorkais. Ses amis commençaient à s’inquiéter lorsque Rubinstein apparut, accompagné d’une ravissante blonde trois fois plus jeune que lui.
Lui qui était connu pour son avarice commanda ce jour-là les plats les plus onéreux, les vins les plus rares et les plus raffinés. Le repas terminé, il régla l’addition, le sourire aux lèvres.
« Je sais que vous êtes tous surpris, dit Rubinstein, mais ce matin, je suis allé chez mon notaire préparer mon testament. Je laisse une somme confortable à ma fille et à mes proches, et j’ai fait de généreux dons à des œuvres de charité. Puis, tout d’un coup, je me suis rendu compte que je ne figurais pas sur mon testament : tout revenait aux autres ! Alors j’ai décidé de me traiter plus généreusement. »
LE MAITRE DIT :
« Si vous suivez le chemin de vos rêves, engagez-vous vraiment. Ne vous gardez pas une porte de sortie – par exemple, une excuse du genre : « Ce n’est pas tout à fait cela que je voulais. » Cette phrase contient en elle le germe de la défaite.
« Assumez votre chemin, même si vous devez marcher d’un pas incertain, même si vous savez que vous pouvez mieux faire. Si vous acceptez vos possibilités présentes, vous progresserez certainement à l’avenir. En revanche, si vous niez vos limites, vous ne vous en libérerez jamais.
« Envisagez votre chemin avec courage et ne craignez pas les critiques d’autrui. Surtout, ne vous laissez pas paralyser par l’autocritique.
« Dieu sera avec vous durant vos nuits d’insomnie, et Son amour séchera vos larmes secrètes. Dieu est le Dieu des vaillants. »
LE MAITRE demanda à ses disciples d’aller chercher de quoi manger. Ils étaient en voyage et avaient des difficultés pour se nourrir correctement.
Dans la soirée, les disciples revinrent, chacun apportant le peu qu’il avait reçu de la charité d’autrui : des fruits blets, presque pourris, du pain rassis, du vin aigre.
L’un d’eux, cependant, rapporta un sac de pommes bien mûres.
« Je ferai toujours mon possible pour aider mon maître et mes frères, dit-il en distribuant les pommes.
— Où avez-vous trouvé cela ? s’enquit le maître.
— J’ai dû les voler, répondit le disciple. Les gens ne me donnaient que des aliments avariés. Pourtant, ils savent bien que nous prêchons la parole de Dieu.
— Eh bien, allez-vous-en avec vos pommes, et ne revenez jamais ! s’exclama le maître. Celui qui vole pour moi finira par me voler. »
NOUS PARCOURONS le monde en quête de nos rêves et de nos idéaux. Très souvent, nous rendons inaccessible ce qui se trouve à portée de main. Lorsque nous découvrons notre erreur, nous comprenons que nous avons perdu notre temps en cherchant très loin ce qui était tout près. Nous nous culpabilisons pour nos faux pas, notre quête inutile et le chagrin que nous avons causé.
Le maître dit :
« Bien que le trésor soit enterré dans votre maison, vous ne le découvrirez que si vous ne le cherchez plus. Si Pierre n’avait pas éprouvé la douleur du reniement, il n’aurait pas été choisi pour chef de l’Eglise. Si le fils prodigue n’avait pas tout abandonné, il n’aurait pas été reçu et fêté par son père.
« Certaines choses dans la vie portent le sceau qui dit : « Vous ne comprendrez ma valeur que lorsque vous m’aurez perdu... et retrouvé. » Il ne sert à rien de vouloir rendre plus court ce chemin. »
LE MAITRE demanda à son disciple préféré s’il avait fait des progrès sur le plan spirituel. Le disciple répondit qu’il parvenait à consacrer à Dieu chaque instant de sa journée.
« Alors, il ne vous reste plus qu’à pardonner à vos ennemis », remarqua le maître.
Le disciple se redressa, choqué :
« Mais ce n’est pas la peine ! Je ne suis pas en colère contre mes ennemis !
— Croyez-vous que Dieu soit en colère contre vous ? interrogea le maître.
— Non, bien sûr ! répondit le disciple.
— Et pourtant vous implorez Son pardon, n’est-ce pas ? Faites-en autant avec vos ennemis, même si vous n’éprouvez pas de haine à leur égard. Celui qui pardonne nettoie et parfume son propre cœur. »
LE JEUNE BONAPARTE tremblait comme une feuille durant les féroces bombardements du siège de Toulon. Le voyant dans cet état, un soldat dit à ses compagnons :
« Regardez-le, il est mort de peur !
— En effet, répliqua Bonaparte. Mais je continue à combattre. Si vous éprouviez la moitié de l’effroi que je ressens, vous auriez pris la fuite depuis très longtemps. »
Le maître dit :
« La peur n’est pas signe de lâcheté. C’est elle qui nous permet d’agir avec bravoure et dignité dans certaines circonstances. Celui qui éprouve la peur et va cependant de l’avant, sans se laisser intimider, fait preuve de courage. Mais celui qui affronte des situations difficiles sans tenir compte du danger ne fait preuve que d’irresponsabilité. »
LE VOYAGEUR se trouve dans une fête de la Saint-Jean. Il y a des baraques de foire, un stand de tir à l’arc, une nourriture simple.
Soudain, un clown se met à imiter tous ses gestes. Les gens rient, et lui aussi s’en amuse. Finalement, il invite le clown à boire un café.
« Engagez-vous dans la vie ! lui dit ce dernier. Si vous êtes vivant, vous devez secouer les bras, sauter, faire du bruit, rire et parler avec les autres, parce que la vie est exactement l’opposé de la mort. Mourir, c’est rester à tout jamais dans la même position. Si vous êtes trop tranquille, vous n’êtes plus en vie. »
UN PUISSANT MONARQUE que son dos faisait souffrir appela un prêtre qui, lui avait-on dit, possédait des pouvoirs de guérison.
« Dieu nous assistera, dit le saint homme, mais d’abord je veux comprendre la raison de ces douleurs. La confession oblige l’homme à affronter ses difficultés et le libère de quantité de choses. »
Et le prêtre se mit à questionner le roi sur sa vie, la manière dont il traitait son prochain, les angoisses et les tourments de son règne. Mais, irrité de devoir penser à ses problèmes, le monarque se tourna vers le saint homme :
« Je ne veux pas parler de ces sujets. Je vous en prie, allez me chercher quelqu’un qui me soignera sans poser de questions. »
Le prêtre s’en alla et revint une demi-heure après, accompagné d’un autre homme.
« Voici la personne qu’il vous faut, dit-il. Mon ami est vétérinaire, il n’a pas l’habitude de discuter avec ses patients. »
UN DISCIPLE et son maître se promenaient un matin dans la campagne. Le disciple demandait s’il existait un régime favorisant la purification. Bien que le maître affirmât avec insistance que tout aliment était sacré, il ne voulait pas le croire.
« Il doit bien exister une nourriture qui nous rapproche de Dieu, répétait-il.
— Vous avez peut-être raison. Ces champignons, là, par exemple », suggéra le maître.
Le disciple, tout excité, crut que les champignons allaient lui apporter la purification et l’extase. Mais lorsqu’il voulut en ramasser un, il poussa un cri horrifié :
« Ils sont vénéneux ! Si j’en mangeais un, je mourrais sur-le-champ !
— Eh bien, je ne connais pas d’autre aliment qui vous rapprocherait de Dieu », conclut le maître.
AU COURS DE L’HIVER de 1981, en se promenant avec sa femme dans les rues de Prague, le voyageur remarque un jeune garçon qui dessine les bâtiments alentour.
Il apprécie l’un de ses dessins et décide de l’acheter. Quand il lui tend son argent, il constate que le garçon ne porte pas de gants, malgré une température de - 5 °C.
« Pourquoi ne portez-vous pas de gants ? demande-t-il.
— Pour pouvoir tenir mon crayon. »
Ils discutent un peu de Prague, puis le garçon propose de faire le portrait de la femme du voyageur, gratuitement.
Tandis qu’il attend que le dessin soit terminé, le voyageur se rend compte qu’il s’est passé une chose étrange ; il a bavardé avec ce jeune homme pendant presque cinq minutes sans que l’un parle la langue de l’autre. Ils n’ont eu recours qu’à des gestes, des rires, des mimiques ; mais la volonté de partager leur a permis d’entrer dans le monde du langage sans paroles.
UN DE SES AMIS emmena Hassan à la porte d’une mosquée, où un aveugle faisait l’aumône.
« Cet aveugle, dit l’ami, est l’homme le plus sage de notre pays.
— Depuis combien de temps êtes-vous aveugle ? demanda Hassan à l’homme.
— Depuis ma naissance.
— Est-ce cela qui a fait de vous un sage ?
— Comme je n’acceptais pas ma cécité, j’ai voulu devenir astronome, répondit l’homme. Puisque je ne pouvais pas voir les cieux, j’ai été forcé d’imaginer les étoiles, le Soleil, les galaxies. A mesure que je me rapprochais de l’œuvre de Dieu, je me suis rapproché de Sa sagesse. »
DANS UN BAR d’un village perdu, en Espagne, près d’une ville nommée Olite, on lit sur une affiche le texte suivant que le patron a rédigé :
Justement au moment où j’avais réussi à trouver toutes les réponses, toutes les questions ont changé.
Le maître dit :
« Nous sommes toujours très occupés à chercher des réponses. Nous considérons qu’elles sont essentielles pour comprendre le sens de la vie. Mais il est plus important encore de vivre pleinement et de laisser le temps se charger de nous révéler les secrets de notre existence. Si nous sommes trop occupés à trouver un sens, nous ne laissons pas faire la nature, et nous sommes incapables de lire les signes de Dieu. »
UNE LEGENDE AUSTRALIENNE raconte l’histoire d’un sorcier qui se promenait avec ses trois sœurs lorsque le plus célèbre guerrier de l’époque les aborda.
« Je veux épouser l’une de ces belles jeunes filles, déclara le guerrier.
— Si l’une d’elles se marie, les autres vont souffrir. C’est pourquoi je cherche une tribu qui autorise les guerriers à avoir trois femmes », rétorqua le sorcier en s’éloignant.
Pendant des années, il parcourut en vain le continent australien.
« L’une de nous au moins aurait pu être heureuse, fit remarquer l’une des sœurs, tandis qu’ils étaient vieux et fatigués d’avoir tant marché.
— J’ai eu tort, reconnut le sorcier, mais à présent il est trop tard. »
Et il transforma ses trois sœurs en blocs de pierre, afin que tous ceux qui passeraient par là comprennent que le bonheur de l’un ne signifie pas la tristesse des autres.
LE JOURNALISTE Wagner Carelli alla interviewer l’écrivain argentin Jorge Luis Borges.
L’entretien terminé, ils parlèrent du langage qui existe au-delà des mots et de l’immense capacité que possède l’être humain de comprendre son prochain.
« Je vais vous donner un exemple », dit Borges.
Et il se mit à s’exprimer dans une langue étrange. A la fin, il demanda au journaliste ce qu’il venait de réciter.
Avant même que Carelli ait eu le temps de répondre, le photographe qui l’accompagnait s’écria :
« C’est la prière du Notre Père.
— C’est exact, dit Borges, je la disais en finnois. »
UN DOMPTEUR DE CIRQUE parvient à dresser un éléphant en recourant à une technique très simple : alors que l’animal est encore jeune, il lui attache une patte à un tronc d’arbre très solide. Malgré tous ses efforts, l’éléphanteau n’arrive pas à se libérer. Peu à peu, il s’habitue à l’idée que le tronc est plus fort que lui. Une fois qu’il est devenu un adulte doté d’une force colossale, il suffît de lui passer une corde au pied et de l’attacher à un jeune arbre. Il ne cherchera même pas à se libérer.
Comme ceux des éléphants, nos pieds sont entravés par des liens fragiles. Mais, comme nous avons été accoutumés dès l’enfance à la puissance du tronc d’arbre, nous n’osons pas lutter.
Sans savoir qu’il nous suffirait d’un geste de courage pour découvrir toute notre liberté.
IL N’AVANCE A RIEN de demander des explications sur Dieu ; vous pouvez entendre de très belles paroles, au fond ce sont des mots vides. De même, vous pouvez lire une encyclopédie entière sur l’amour et ne pas savoir ce qu’est aimer. Le maître dit :
« Personne ne réussira à prouver que Dieu existe, ni qu’il n’existe pas. Certaines choses dans la vie doivent être vécues, et jamais expliquées.
« L’amour en fait partie. Dieu – qui est amour – également. La foi est une expérience d’enfant, au sens magique où Jésus a dit : « Le Royaume des Cieux appartient aux enfants."
« Dieu n’entrera jamais dans votre tête. La porte par laquelle Il passe est votre cœur. »
LE PERE SUPERIEUR le disait toujours : frère Jean priait tellement qu’il n’avait plus d’inquiétude à avoir, ses passions avaient été vaincues.
Ces propos parvinrent aux oreilles de l’un des sages du monastère de Sceta. Un soir, après le dîner, ce dernier appela les novices.
« Vous avez entendu dire que frère Jean n’avait plus de tentations à surmonter, déclara-t-il. Mais l’absence de lutte affaiblit l’âme. Prions le Seigneur pour qu’il envoie à frère Jean une tentation très forte. Et si frère Jean la vainc, nous Le prierons pour qu’il lui en envoie une autre, et encore une autre. Et lorsque notre frère devra lutter de nouveau contre les tentations, nous prierons pour qu’il ne dise jamais : Seigneur, éloigne de moi ce démon, mais au contraire : Seigneur, donne-moi la force d’affronter le mal. »
IL EST UN MOMENT de la journée où notre vision est indistincte : c’est le crépuscule. La lumière et les ténèbres se rejoignent, et rien n’est totalement clair ni totalement obscur. Dans la plupart des traditions spirituelles, ce moment est considéré comme sacré.
La tradition catholique nous enseigne qu’à six heures du soir nous devons réciter l’Ave Maria. Dans la tradition quetchua, si nous rencontrons un ami durant l’après-midi et que nous sommes toujours ensemble au crépuscule, nous devons tout recommencer et le saluer de nouveau d’un « bonsoir ».
Au crépuscule, l’équilibre entre l’homme et la planète est mis à l’épreuve. Dieu mêle l’ombre et la lumière pour voir si la Terre a le courage de continuer à tourner.
Si la Terre n’est pas effrayée par l’obscurité, la nuit passe, et un nouveau Soleil brille le lendemain.
LE PHILOSOPHE ALLEMAND Schopenhauer se promenait dans une rue de Dresde, cherchant des réponses aux questions qui l’angoissaient. Soudain, passant devant un jardin, il décida d’y demeurer quelques heures à regarder les fleurs.
Trouvant le comportement de cet homme étrange, un habitant du voisinage appela la police. Quelques minutes plus tard, un policier s’approcha de Schopenhauer.
« Qui êtes-vous ? » lui demanda-t-il d’un ton rude.
Schopenhauer toisa de la tête aux pieds l’homme qui se tenait devant lui.
« Si vous savez répondre à cette question, dit-il, je vous en serai éternellement reconnaissant. »
UN HOMME en quête de sagesse décida de se rendre dans les montagnes où, lui avait-on dit, Dieu apparaissait tous les deux ans.
La première année, il se nourrit de tout ce que la terre lui offrait. Puis il n’y eut plus rien à manger et il dut retourner en ville.
« Dieu est injuste ! s’exclama-t-il. Il n’a pas vu que j’étais resté ici tout ce temps afin d’entendre Sa voix. A présent j’ai faim, et je m’en vais sans L’avoir entendu. »
A cet instant un ange apparut :
« Dieu aimerait beaucoup parler avec vous. Durant toute une année, Il vous a nourri. Il espérait que vous subviendriez à vos besoins l’année suivante. Mais, pendant ce temps, qu’avez-vous planté ? Si un homme n’est pas capable de faire pousser des fruits à l’endroit où il vit, il n’est pas prêt à parler avec Dieu. »
IL NOUS ARRIVE de penser : « Vraiment, on dirait que la liberté humaine consiste à choisir sa propre servitude. Je travaille huit heures par jour et, si j’obtiens un avancement, j’en travaillerai douze. Je me suis marié, et maintenant je n’ai plus de temps pour moi. J’ai cherché Dieu, et je suis obligé d’assister aux cultes, aux messes, aux cérémonies religieuses. Tout ce qui est important dans cette vie – l’amour, le travail, la foi – se transforme en un fardeau pesant. » Le maître dit :
« Seul l’amour nous permet de trouver une issue. Seul l’amour de ce que nous faisons transforme la servitude en liberté. Si nous ne pouvons pas aimer, il est préférable d’arrêter tout de suite. Jésus a dit : « Si ton œil gauche te choque, crève-le. » Il vaut mieux être aveugle d’un œil que de laisser tout ton corps périr dans les ténèbres. »
Cette phrase est dure, mais il en est ainsi.
UN ERMITE parvint à jeûner une année entière en ne s’alimentant qu’une fois par semaine. Après ce sacrifice, il demanda à Dieu de lui révéler le sens profond d’un certain passage de la Bible.
Il ne reçut aucune réponse.
« Quelle perte de temps ! se dit-il. Tant de privations, et Dieu ne me répond pas ! Je ferais mieux de partir d’ici et de trouver un moine qui connaisse la signification de ce verset. »
A cet instant apparut un ange.
« Ces douze mois de jeûne n’ont servi qu’à vous faire croire que vous étiez meilleur que les autres, et Dieu n’entend pas les vaniteux, lui dit l’ange. Mais au moment où vous avez fait preuve d’humilité en demandant l’aide de votre prochain, Dieu m’a envoyé. »
Et l’ange révéla au moine ce qu’il voulait savoir.
LE MAITRE DIT :
« Voyez comme certains mots ont été formés de manière que l’on comprenne clairement leur signification.
« Prenons le mot « préoccupation », et scindons-le en deux : « pré » et « occupation ». Il signifie s’occuper d’une chose avant qu’elle ne se produise.
« Qui donc, dans tout cet univers, possède l’aptitude de s’occuper de quelque chose qui n’est pas encore arrivé ?
« Ne soyez jamais préoccupés. Soyez attentifs à votre destin et à votre chemin. Apprenez tout ce que vous devez savoir pour bien manier l’épée de lumière qui vous a été confiée. Observez comment luttent vos amis, vos maîtres, vos ennemis.
« Entraînez-vous suffisamment, mais ne commettez pas la pire des erreurs, qui serait de croire que vous savez quel coup votre adversaire va vous porter. »
C’EST VENDREDI, vous rentrez chez vous et vous prenez les journaux que vous n’avez pas eu le temps de lire durant la semaine. Vous allumez la télévision sans le son, vous mettez un disque. Vous utilisez la télécommande pour passer d’une chaîne à l’autre, et vous feuilletez quelques pages tout en écoutant la musique. Les journaux ne contiennent rien de nouveau, les programmes de télévision sont répétitifs et vous avez déjà écouté ce disque des dizaines de fois. Votre femme s’occupe des enfants, sacrifiant le meilleur de sa jeunesse sans vraiment comprendre pourquoi elle le fait.
Une excuse vous passe par la tête : « Bon, c’est la vie ! » Non, la vie, ce n’est pas cela. La vie, c’est l’enthousiasme. Essayez de vous rappeler où vous avez caché votre enthousiasme. Prenez avec vous votre femme et vos enfants, et tâchez de le retrouver avant qu’il ne soit trop tard. L’amour n’a jamais empêché personne de poursuivre ses rêves.
C’ETAIT LA VEILLE de Noël. Le voyageur et sa femme dînaient dans l’unique restaurant d’un village des Pyrénées, et ils faisaient le bilan de l’année sur le point de se terminer. Le voyageur se mit à déplorer un événement qui ne s’était pas déroulé comme il l’aurait souhaité.
Sa femme regardait fixement le sapin de Noël qui décorait le restaurant. Le voyageur songea qu’elle ne semblait guère intéressée par la conversation, et il changea de sujet :
« Les décorations de cet arbre sont très jolies, remarqua-t-il.
— C’est vrai, répondit-elle. Mais si tu observes bien, au milieu de ces dizaines d’ampoules, il y en a une de grillée. Il me semble que, au lieu de considérer les innombrables bénédictions qui ont illuminé l’année passée, tu fixes ton regard sur la seule ampoule qui n’a rien éclairé du tout. »
« TU VOIS ce saint homme, si humble, qui marche sur la route ? dit un démon à un autre. Eh bien, je m’en vais conquérir son âme.
— Il ne t’écoutera pas, il ne prête attention qu’aux choses saintes », répliqua son compagnon.
Mais le diable, rusé comme toujours, revêtit les habits de l’ange Gabriel et apparut au saint homme. « Je suis venu vous aider, lui dit-il.
— Vous me confondez sans doute avec quelqu’un d’autre, rétorqua le saint homme. Je n’ai jamais rien fait dans ma vie pour mériter l’apparition d’un ange. »
Et il poursuivit sa route, sans savoir à quoi il avait échappé.
ANGELA PONTUAL assistait à une pièce de théâtre à Broadway, et elle sortit prendre un verre à l’entracte. Le hall était bondé, les gens fumaient, bavardaient, buvaient.
Un pianiste jouait, mais personne ne prêtait attention à la musique. Angela commença à boire tout en observant le musicien. Il semblait s’ennuyer, jouer par obligation et attendre impatiemment la fin de l’entracte.
Au troisième whisky, un peu ivre, elle s’approcha du pianiste.
« Vous êtes un enquiquineur ! vociféra-t-elle. Pourquoi ne jouez-vous pas simplement pour vous-même ? »
Le pianiste la regarda, surpris. Et il se mit aussitôt à jouer les airs qu’il aimait. En quelques minutes, le silence se fit.
Quand le pianiste s’arrêta, tout le monde applaudit avec enthousiasme.
SAINT FRANÇOIS D’ASSISE était un jeune homme très populaire lorsqu’il décida de tout quitter pour bâtir l’œuvre de sa vie. Sainte Claire était une belle femme quand elle fit vœu de chasteté. Raymond Lulle fréquentait les grands intellectuels de son temps lorsqu’il se retira dans le désert.
La quête spirituelle est, avant tout, un défi. Celui qui s’en sert pour fuir ses problèmes n’ira pas bien loin. Cela n’a aucun intérêt de se retirer du monde pour un homme qui échoue à se faire des amis. Cela n’a aucun sens de faire vœu de pauvreté lorsqu’on est incapable d’assurer sa subsistance. Ni d’être humble lorsqu’on est un lâche.
Posséder quelque chose et y renoncer est une chose. N’avoir rien et condamner ceux qui possèdent en est une autre. Il est très facile à un homme impuissant de prêcher la chasteté absolue, mais quelle valeur a son engagement ?
Le maître dit :
« Louez l’œuvre de Dieu. Faites la conquête de vous-même tandis que vous affrontez le monde. »
COMME IL EST FACILE d’être difficile ! Il nous suffit de demeurer loin des autres, ainsi nous ne souffrirons jamais. Nous ne courrons pas le risque d’aimer, d’être déçu, de voir nos rêves frustrés.
Comme il est facile d’être difficile. Nous n’avons pas à nous soucier des coups de téléphone à donner, des gens qui nous demandent de leur venir en aide, des bienfaits qu’il faudrait dispenser.
Comme il est facile d’être difficile. Il nous suffit de faire semblant d’être dans une tour d’ivoire et de ne jamais verser une larme. Il nous suffit de passer le reste de notre vie à jouer un rôle.
Comme il est facile d’être difficile. Il nous suffit de rejeter tout ce que la vie offre de meilleur.
UN PATIENT déclara à son médecin :
« Docteur, je suis sous l’emprise de la peur et cela me prive de toute joie de vivre.
— Dans mon cabinet, il y a un petit rat qui mange mes livres, lui répondit le médecin. Si je m’acharne à essayer de l’attraper, il ira se cacher, et je passerai tout mon temps à le pourchasser. C’est pourquoi je mets en lieu sûr les livres qui ont de l’importance et je lui en laisse quelques autres à ronger. Ainsi, il reste petit et ne devient pas un monstre. Redoutez certaines choses et concentrez sur elles toute votre peur. Ainsi, vous aurez du courage pour le reste. »
LE MAITRE DIT :
« Très souvent, il est plus facile d’aimer que d’être aimé.
« Nous avons du mal à accepter l’aide et le soutien des autres. Nos efforts pour paraître indépendants les privent de l’occasion de nous prouver leur amour.
« Nombre de parents, lorsqu’ils vieillissent, empêchent leurs enfants de leur prodiguer la tendresse et le soutien qu’ils ont eux-mêmes reçus lorsqu’ils étaient petits. Beaucoup d’époux (ou d’épouses), quand le destin les frappe, ont honte de dépendre de l’autre. Résultat : les eaux de l’amour ne se répandent plus.
« Nous devons accepter les gestes d’amour de notre prochain. Nous devons permettre à quelqu’un de nous aider, de nous soutenir, de nous donner la force de continuer.
« Si nous acceptons cet amour avec pureté et humilité, nous comprendrons que l’Amour ne consiste pas à donner ou à recevoir, mais à participer. »
EVE se promenait dans le jardin d’Eden lorsque le serpent s’approcha d’elle.
« Mange cette pomme », lui dit-il.
Eve, que Dieu avait instruite, refusa.
« Mange cette pomme, insista le serpent, tu dois te faire plus belle pour ton homme.
— Je n’en ai pas besoin, répondit-elle, il n’a pas d’autre femme que moi. »
Le serpent rit :
« Bien sûr que si ! »
Et, comme Eve ne le croyait pas, il l’emmena jusqu’en haut d’une colline où se trouvait un puits.
« Elle est là, au fond. C’est là qu’Adam l’a cachée. »
Eve se pencha et vit dans l’eau du puits l’image d’une belle femme. Alors, sans hésiter, elle croqua la pomme que le serpent lui offrait.
EXTRAITS d’une « Lettre à mon cœur » anonyme : « Mon cœur, jamais je ne te condamnerai, je ne te critiquerai, je n’aurai honte de tes paroles. Je sais que tu es un enfant chéri de Dieu et qu’il t’entoure d’une radieuse lumière d’amour.
J’ai confiance en toi, mon cœur. Je suis de ton côté, je réclamerai toujours ta bénédiction dans mes prières, je demanderai toujours que tu trouves l’aide et le soutien dont tu as besoin.
Je crois en toi, mon cœur. Je crois que tu partageras ton amour avec ceux qui le méritent ou qui en ont besoin. Que mon chemin sera ton chemin, et que nous marcherons ensemble vers le Saint-Esprit.
Je t’en prie, aie confiance en moi. Sache que je t’aime et que je m’efforce de te donner toute la liberté dont tu as besoin pour continuer à battre joyeusement dans ma poitrine. Je ferai tout ce qui sera à ma portée pour que tu ne te sentes jamais incommodé par ma présence autour de toi. »
LE MAITRE dit :
« Lorsque nous décidons d’agir, il est naturel que surgissent des conflits inattendus. Et il est naturel que ces conflits nous laissent des blessures.
« Les blessures passent. Restent les cicatrices, et c’est une bénédiction. Ces cicatrices demeurent avec nous pour le restant de nos jours, et elles nous sont d’un grand secours. Si à un moment donné, par commodité ou pour toute autre raison, le désir de régresser se fait violemment sentir, il nous suffit de les regarder.
« Les cicatrices nous montreront la marque des menottes, elles nous rappelleront les horreurs de la prison, et nous irons de l’avant. »
DANS SON Epître aux Corinthiens, saint Paul nous dit que la douceur est l’une des principales caractéristiques de l’amour.
Ne l’oublions jamais : l’amour est tendresse. Une âme rigide ne permet pas à la main de Dieu de la modeler selon Ses désirs.
Le voyageur marchait sur une petite route dans le nord de l’Espagne quand il vit un paysan couché dans un jardin.
« Vous êtes en train d’écraser les fleurs, lui dit-il.
— Non, répliqua l’homme. J’essaie de prendre un peu de leur douceur. »
LE MAITRE DIT :
« Priez tous les jours. Même si vos prières sont muettes, même si vous ne comprenez pas pourquoi, faites de la prière une habitude. Si cela semble difficile au début, fixez-vous cette proposition : « Je vais prier tous les jours de la semaine prochaine. » Et renouvelez cette promesse tous les sept jours.
« Souvenez-vous que non seulement vous créez ainsi un lien intime avec le monde spirituel, mais que vous entraînez également votre volonté. C’est à travers certaines pratiques que nous développons la discipline nécessaire au véritable combat de l’existence.
« Il n’avance à rien d’oublier un jour sa promesse et de prier deux fois le lendemain. Ni de réciter sept prières le même jour et de passer le reste de la semaine à se dire que l’on a accompli sa tâche.
« Certaines choses doivent s’accomplir au rythme approprié et dans la bonne mesure. »
UN MECHANT HOMME meurt et, à la porte de l’Enfer, il rencontre un ange.
Ce dernier lui dit : « Il suffit que vous ayez fait une bonne action dans votre vie, cela vous portera secours. »
L’homme répond : « Je n’ai jamais rien fait de bon dans cette vie.
— Réfléchissez bien », insiste l’ange.
Alors l’homme se souvient qu’un jour, tandis qu’il marchait en forêt, il a vu sur le chemin une araignée et qu’il a fait un détour pour ne pas l’écraser.
L’ange sourit et une toile d’araignée descend des cieux pour permettre à l’homme de monter jusqu’au Paradis. D’autres condamnés en profitent pour grimper avec lui, mais l’homme se retourne et, craignant que le fil ne se rompe, il se met à les repousser.
A cet instant, le fil craque et l’homme est de nouveau projeté en Enfer.
« C’est dommage, lui dit l’ange. Votre égoïsme a transformé en mal la seule chose positive que vous ayez jamais faite ! »
LE MAITRE DIT :
« Le carrefour est un lieu sacré. C’est là que le pèlerin doit prendre une décision. C’est pourquoi les dieux ont coutume d’y dormir et d’y manger.
« Là où les routes se croisent, deux grandes énergies se concentrent – le chemin que l’on va choisir, et celui que l’on abandonne. Tous deux ne font alors plus qu’un, mais seulement pour une courte période.
« Le pèlerin peut se reposer, dormir un peu, et même consulter les dieux qui habitent là. Mais il ne peut pas y demeurer pour toujours : lorsque son choix est fait, il doit poursuivre sa route, sans penser à la voie qu’il a délaissée.
« Sinon, le carrefour devient une malédiction. »
AU NOM DE la vérité, l’humanité a commis les pires crimes. Des hommes et des femmes sont morts sur le bûcher. La culture de certaines civilisations a été anéantie. Ceux qui commettaient le péché de la chair étaient exclus. Ceux qui cherchaient un chemin différent, marginalisés.
L’un d’eux, au nom de la « vérité », a fini crucifié. Mais avant de mourir, Il nous a laissé une grande définition de la Vérité.
Ce n’est pas ce qui nous donne des certitudes.
Ce n’est pas ce qui nous donne de la profondeur.
Ce n’est pas ce qui nous rend meilleurs que les autres.
Ce n’est pas ce qui nous retient dans la prison des préjugés.
La Vérité est ce qui nous rend libres.
« Vous connaîtrez la Vérité, et la Vérité vous libérera », a-t-il dit.
UN MOINE du monastère de Sceta ayant commis une grave faute, on appela le plus sage des ermites afin de le juger.
Tout d’abord, l’ermite refusa, mais les autres insistèrent tant qu’il accepta. Avant de partir, cependant, il prit un seau dont il perça le fond de quelques trous. Puis il le remplit de sable et prit la route du monastère.
Le supérieur, le voyant entrer, lui demanda ce qu’il portait là.
« Je suis venu juger mon prochain, dit l’ermite. Mes péchés s’écoulent derrière moi, comme le sable de ce seau. Mais comme je ne regarde pas en arrière, je ne les vois pas. Et vous m’avez appelé pour que je juge mon prochain ! »
Les moines renoncèrent sur-le-champ à juger leur frère.
SUR LES MURS d’une petite église des Pyrénées, il est écrit :
Seigneur, que ce cierge que je viens d’allumer soit lumière et m’éclaire dans mes décisions et dans mes difficultés.
Qu’il soit feu pour que Tu brûles en moi l’égoïsme, l’orgueil et l’impureté.
Qu’il soit flamme pour que Tu réchauffes mon cœur et m’apprennes à aimer.
Je ne puis rester très longtemps dans Ton église, mais en laissant ce cierge, je laisse ici un peu de moi-même. Cela m’aide à prolonger ma prière parmi les activités de ce jour.
Amen.
UN AMI du voyageur décida de passer quelques semaines dans un monastère au Népal. Un après-midi, il entra dans l’un des nombreux temples et il y vit un moine qui souriait, assis sur l’autel.
« Pourquoi souriez-vous ? lui demanda-t-il.
— Parce que je comprends ce que signifient les bananes », répondit le moine, ouvrant son sac et en sortant une banane toute pourrie. « Celle-ci, c’est la vie qui s’en est allée, que l’on n’a pas saisie au bon moment ; désormais il est trop tard. »
Ensuite, il retira de son sac une banane encore verte. Il la montra à l’homme, puis la remit à sa place.
« Celle-là, c’est la vie qui n’est pas encore advenue, il faut attendre le bon moment », ajouta-t-il.
Enfin, il prit une banane mûre, dont il enleva la peau, et la partagea avec l’ami du voyageur en disant :
« Voici le moment présent. Sachez le vivre sans crainte. »
BABY CONSUELO emmena son fils au cinéma avec en poche juste l’argent nécessaire. Le gamin était tout excité et il demandait sans cesse à sa mère quand ils arriveraient.
S’arrêtant à un feu rouge, elle vit un mendiant assis sur le trottoir qui ne tendait pas la main aux passants. Alors elle entendit une voix qui lui disait : « Donne-lui tout l’argent que tu as sur toi. »
Baby expliqua à la voix qu’elle avait promis à son fils de l’emmener au cinéma.
« Donne tout, insista la voix.
— Je peux donner la moitié, mon fils entrera tout seul et je l’attendrai à la sortie », objecta-t-elle.
Mais la voix n’entendait pas discuter :
« Donne tout. »
Baby n’eut pas le temps d’expliquer tout cela au garçon. Elle arrêta sa voiture et tendit au mendiant tout l’argent qu’elle avait.
« Dieu existe, et vous venez de me le prouver, lui dit le mendiant. Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. J’étais triste, j’avais honte de toujours demander l’aumône. Alors j’ai décidé de ne pas tendre la main et je me suis dit : si Dieu existe, Il me fera un cadeau. »
UN PELERIN traverse un petit village au plus fort de l’orage, et il aperçoit une maison qui brûle. En s’approchant, il distingue un homme assis dans le salon en flammes.
« Hé ! Votre maison est en feu, s’écrie le pèlerin.
— Je le sais, répond l’homme.
— Alors, pourquoi ne sortez-vous pas ?
— Parce qu’il pleut, explique l’homme. Ma mère m’a toujours dit que, si l’on sortait sous la pluie, on risquait d’attraper une pneumonie. »
Zao Chi commente ainsi la fable : Sage est l’homme qui parvient à se sortir d’une situation quand il s’y voit forcé.
DANS CERTAINES TRADITIONS magiques, les disciples consacrent un jour par an – ou une fin de semaine, si c’est nécessaire – à entrer en contact avec les objets de leur maison. Ils touchent chaque objet et demandent à voix haute : « Ai-je vraiment besoin de cela ? »
Ils prennent les livres sur l’étagère : « Relirai-je ce livre un jour ? »
Ils examinent les souvenirs qu’ils ont conservés : « Est-ce que je considère encore comme important le moment que cet objet me rappelle ? »
Ils ouvrent toutes les armoires : « Depuis combien de temps ai-je ce vêtement sans jamais le porter ? En ai-je vraiment besoin ? » Le maître dit :
« Les objets ont leur énergie propre. Quand ils ne sont pas utilisés, ils finissent par se transformer en eau stagnante et la maison devient alors l’endroit idéal pour la moisissure et les moustiques.
« Il faut être attentif et laisser cette énergie se répandre librement. Si vous gardez ce qui est vieux, le neuf n’a plus d’espace où se manifester. »
UNE ANCIENNE LEGENDE péruvienne évoque une ville où tout le monde était heureux. Les habitants faisaient tout ce qu’ils désiraient et ils s’entendaient bien entre eux – à l’exception du préfet, qui déplorait de ne rien diriger du tout. La prison était vide, le tribunal ne servait jamais, et le notaire ne faisait aucun profit car la parole donnée avait davantage de valeur que le papier.
Un jour, le préfet fit venir de loin des ouvriers qui élevèrent une palissade au centre de la place principale. Pendant une semaine on entendit les marteaux frapper et les scies couper le bois.
Puis le préfet invita tous les habitants à l’inauguration. Très solennellement, la palissade fut enlevée et l’on vit apparaître... une potence.
Les gens se demandèrent ce que cette potence faisait là. Effrayés, ils se mirent à recourir à la justice pour toutes sortes de problèmes qui étaient auparavant résolus d’un commun accord. Ils allèrent trouver le notaire pour enregistrer des documents auxquels autrefois la parole se substituait. Et ils écoutèrent ce que disait le préfet, car ils craignaient la loi.
La légende précise que la potence ne fut jamais utilisée. Mais sa seule présence avait suffi pour tout changer.
LE PSYCHIATRE ALLEMAND Viktor Frank évoque en ces termes son expérience dans un camp de concentration nazi :
« Au milieu des châtiments et des humiliations, un prisonnier s’écria : « Quelle honte si nos femmes nous voyaient ainsi ! » Ce commentaire me fit penser au visage de mon épouse et, en un instant, je fus transporté hors de cet enfer. Je retrouvai la volonté de vivre, me disant que le salut de l’homme lui est donné par et pour l’amour.
« J’étais là, au milieu de ce supplice, et pourtant capable de comprendre Dieu, car je pouvais contempler mentalement le visage de ma bien-aimée.
« Le gardien donna un ordre, mais je n’obéis pas, parce qu’à ce moment je n’étais pas dans l’enfer. Bien que je n’eusse aucun moyen de savoir si ma femme était vivante ou morte, cela ne changeait rien. Contempler mentalement son image me rendait ma dignité et ma force. Même quand on retire tout à un homme, il a encore le bonheur de se rappeler le visage de la personne qu’il aime, et cela le sauve. »