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Je suis encore trop ébloui de tout ce que je viens de recevoir de votre part pour entreprendre de vous en rendre les très humbles remerciements que je vous dois. On n’a jamais fait un si beau présent de si bonne grâce, et la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire passe encore tout ce que vous m’avez envoyé. Je suis très affligé, par l’intérêt public et par le mien particulier, de ne pouvoir plus espérer de voir la suite de ce qui était si bien commencé, je ne sais néanmoins si on voudra soutenir jusqu’au bout ce qu’on vient de faire là-dessus, si la liberté est rétablie, j’oserai vous demander la continuation de vos bienfaits. Je crois, Mademoiselle, que M. de Corbinelli vous a témoigné combien j’ai pris de part à ceux que vous avez reçus du Roi; le remerciement que vous lui avez fait est bien digne de lui et de vous; il me semble qu’il sied toujours bien d’écrire ainsi quand on le peut faire et qu’il ne sied pas toujours bien d’écrire de belles lettres: c’est un grand art que de le savoir si bien déguiser. Au reste, Mademoiselle, vous avez tellement embelli quelques-unes de mes dernières maximes qu’elles vous appartiennent bien plus qu’à moi. Je souhaiterais passionnément que vous voulussiez faire la même grâce aux autres. Faites-moi, s’il vous plaît, celle de croire, Mademoiselle, que rien ne me sera jamais si cher que la part que vous m’aviez fait l’honneur de me promettre dans votre amitié et que personne ne l’estime ni ne la désire si véritablement que votre très humble et très obéissant serviteur.
La Rochefoucauld
Le 3 de décembre.