Le sens du combat - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 8
II
DANS L'AIR LIMPIDE
Certains disent: regardez ce qui se passe en coulisse. Comme c'est beau, toute cette machinerie qui fonctionne! Toutes ces inhibitions, ces fantasmes, ces désirs réfléchis sur leur propre histoire. Toute cette technologie de l'attirance. Comme c'est beau! Hélas j'aime passionnément, et depuis toujours, ces moments où plus rien ne fonctionne. Ces états de désarticulation du système global, qui laissent présager un destin plutôt qu'un instant, qui laissent entrevoir une éternité par ailleurs niée. Il passe, le génie de l'espèce.
Il est difficile de fonder une éthique de vie sur des présupposés aussi exceptionnels, je le sais bien. Mais nous sommes là, justement, pour les cas difficiles. Nous sommes maintenant dans la vie comme sur des mesas californiennes, vertigineuses plates-formes séparées par le vide; le plus proche voisin est à quelques centaines de mètres mais reste encore visible, dans l'air limpide (et l'impossibilité d'une réunification se lit sur tous les visages). Nous sommes maintenant dans la vie comme des singes à l'opéra, qui grognent et s'agitent en cadence. Tout en haut, une mélodie passe.
LES ANECDOTES
Les anecdotes, évidemment… Tous les êtres humains se ressemblent. À quoi bon égrener de nouvelles anecdotes? Caractère inutile du roman. Il n'y a plus de morts édifiantes; le soleil fait défaut. Nous avons besoin de métaphores inédites; quelque chose de religieux intégrant l'existence des parkings souterrains. Et bien sûr on s'aperçoit que c'est impossible. Beaucoup de choses, d'ailleurs, sont impossibles. L'individualité est essentiellement un échec. La sensation du moi, une machine à fabriquer le sentiment d'échec. La culpabilité semble offrir une voie intéressante, à condition qu'il fasse beau. Presque impossible à développer. Intelligent et inédit, en tout cas. Grande objectivité.
On gémit de souffrance ou de plaisir,Le cri est également une synthèse.L'essentiel est finalement de ne pas dormir;Parfois on s'étripe, parfois on se baise.En réalité, je l'ai toujours su, j'étais moins résistant que toi; les événements récents en administrent une preuve parfaite. Finalement, le plus vulgaire en toi, c'est encore ton rire. C'est le dernier trait qui manquait à l'abjection de ton personnage, pauvre conne.
Naturellement, nous ne savons pas aimerComme l'écrivait ta sœur à sa filleAprès son troisième avortement.C'est quelque chose comme une espèce de secretPerdu. Pourtant, le soleil brilleEt les évêques perdent leurs dents.Il est depuis quelques semaines évident pour moi que les expériences n'enrichissent pas l'être humain, mais qu'elles l'amoindrissent; plus exactement, elles le détruisent. Les gens réfléchissent, ils font la moyenne; naturellement ça se rapproche de zéro, et même assez vite. Finalement, le plus grand succès de mon parcours terrestre aura été de ne rien pouvoir apprendre, en aucun cas, de la vie.
La face de l'homme se détachait avec une éprouvante netteté sur le fond de branchages (humains, nous flairons les humains; nous les délimitons au milieu d'un espace touffu).
Si nous reconnaissons la Gestalt de l'humainDans un environnement franchement défavorable,Si nous délimitons ses contours de nos mainsAfin que le semblable soit connu du semblable,Pourquoi la solitude? Pourquoi l'écrasement?Pourquoi dans la poitrine le reptile de l'angoisse?Au milieu de la nuit, la langue entre les dents,Je sens dans mes organes les bactéries qui croissent.Semblables et différents, nos corps sont envahis par des germes. Différents et semblables, ces germes contiennent le pourrissement, impliquent le désespoir. Ils constituent, cependant, l'essence de la réalité.
Je n'ai jamais pu supporter les trop longs momentsd'union avec la nature,Il y a trop de fouillis et d'animaux qui glissentJ'aime les citadelles qu'on bâtit dans l'azurJe veux l'éternité, ou au moins ses prémisses.L'examen attentif du sol d'une pinède fait apparaître une profonde dysharmonie entre ses brindilles. Cette dysharmonie se révèle créatrice d'un monde, et d'un destin pour les insectes. Ils se croisent, chacun préoccupé d'une survie aléatoire. Leur vie sociale paraît limitée.
Je n'ai jamais réussi à accepter les cantates de Jean-Sébastien Bach,La répartition y est trop parfaite entre le silence et le bruitJ'ai besoin de hurlements, d'un magma corrosif, d'une atmosphère d'attaqueQui puisse écarteler le silence de la nuit.Notre génération semble avoir redécouvert le secret d'une musique parfaitement rythmée, et donc parfaitement ennuyeuse. Entre la musique et la vie, il n'y a qu'un pas. Payé par personne, au service de l'humanité, je continue à frotter une par une mes allumettes lyriques. Heureusement, le SIDA veille.
Parlons de foin et de foetus:Les vaches, parfois, sont nerveusesEt sous les abris d'autobusLeur regard douloureux se creuse.J'admire énormément les vachesMais les pouliches, le soir, j'y pense.J'aurais aimé être un Apache,Mais je travaille à la Défense.Si vous connaissez la tour GAN,Vous connaissez mon existence;Regardez la forme de mon crâne,Imaginez des expériences.J'aurais aimé une prairieImmense et grise sous le ventJ'aurais aimé une patrie,Quelque chose de fort et de grand.Les pouliches avancent et reculent,Leur comportement est prudentLes commerciaux sont des crapules,Mais ils sourient à pleines dents.Quand elle m'apercevait, elle tendait son bassinEt elle ironisait: «C'est gentil d'être venu…»J'observais vaguement la courbe de ses seinsEt puis je m'en allais. Mon bureau était nu.Tous les vendredis soir je jetais des dossiersPour retrouver lundi un bureau identiqueEt je l'aimais beaucoup. Elle était pathétique,C'était une secrétaire à la viande avariée.Elle vivait vaguement tout près de CheptainvilleAvec un enfant roux, des cassettes vidéoElle ne connaissait pas les rumeurs de la villeEt le samedi soir elle louait des films porno.Elle tapait du courrier et j'aimais son visage,Tant elle s'efforçait d'être une obéissanteElle avait trente-cinq ans ou peut-être cinquante,Elle allait vers la mort et elle n'avait plus d'âge.MIDI
La rue Surcouf s'étend, pluvieuse;Au loin, un charcutier-traiteur.Une Américaine amoureuseÉcrit à l'élu de son cœur.La vie s'écoule à petits coups;Les humains sous leur parapluieCherchent une porte de sortieEntre la panique et l'ennui(Mégots écrasés dans la boue).Existence à basse altitude,Mouvements lents d'un bulldozer;J'ai vécu un bref interludeDans le café soudain désert.L'INSUPPORTABLE RETOUR DES MINIJUPES
Dans le métro, les jeunes femmesCirculent dans une ambiance de drameAu mois de mai, si désirables;Je suis sorti sans mon cartable.Occasions d'«aventures sexuelles»?Jeux savants de la séduction?Mes journées sont nettement réelles,J'accède à la stupéfaction.L'infini des wagons plombésSur la ligne 8 (Balard-Créteil);Le lendemain je suis tombé,C'était une journée de soleil.On inaugurait le printempsÀ coups de jupettes affolantes,Je n'avais plus beaucoup de temps(Et je sentais ma chair vivante).L'Éternité en pension complète,Découverte individuelle du paysSoirée disco où les corps s'achètent,Mais pas d'assurance pour la nuit.Je suis en système libéralComme un loup dans un terrain vague,Je m'adapte relativement malJ'essaie de ne pas faire de vagues.Certains soirs, je nourris l'idéeQue j'ai des amis quelque partC'est difficile de déciderQue pour la vie, il est trop tard.Je suis au milieu des vacancesComme un acteur sans scénario,Mais je sais que les autres dansentEt qu'ils se filment en vidéo.Les êtres établissent une distanceQui est prétexte à la franchir;Ainsi, dans la soirée, ils dansent;Transpiration et repentir.Je me sens cloué sur ma chaiseComme un ver blanc trop bien nourri;Pourtant les femmes sentent la fraiseLe réséda, le patchouli.Je me tortille et je me voûte,J'attends la gifle du destin;Comme un chien qui cherche sa croûte,Je flaire les parfums féminins.La soirée se prolonge et crève,Je vais reprendre un MogadonPour aller au pays des rêves:La nuit, je quitte ma prison.SÉJOUR-CLUB
Le poète est celui qui se recouvre d'huileAvant d'avoir usé les masques de survieHier après-midi le monde était docile,Une brise soufflait sur les palmiers ravisEt j'étais à la fois ailleurs et dans l'espace,Je connaissais le Sud et les trois directionsDans le ciel appauvri se dessinaient des traces,J'imaginais les cadres assis dans leurs avionsEt les poils de leurs jambes, très similaires aux miensEt leurs valeurs morales, et leurs maîtresses hindouesLe poète est celui, presque semblable à nous,Qui frétille de la queue en compagnie des chiens.J'aurai passé trois ans au bord de la piscineSans vraiment distinguer le corps des estivants,L'agitation des corps traverse ma rétineSans éveiller en moi aucun désir vivant.La lumière évolue à peu près dans les formes.Je suis toujours couché au niveau du dallage.Il faudrait que je meure ou que j'aille à la plage;Il est déjà sept heures. Probablement, ils dorment.Je sais qu'ils seront là si je sors de l'hôtel,Je sais qu'ils me verront et qu'ils auront des shorts,J'ai un schéma du cœur. Près de l'artère aorte,Le sang fait demi-tour; la journée sera belle.Tout près des parasols, différents mammifèresDont certains sont en laisse et font bouger leur queue;Sur la photo j'ai l'air d'être un enfant heureux;Je voudrais me coucher dans les ombellifères.Nulle ombre ne répond; les cieux sont bleus et vides,Et cette mongolienne en tee-shirt «Predator»Aligne en vain les mots en gargouillis morbidesPendant que ses parents soulignent ses efforts.Un retraité des postes enfile son cyclisteAvant de s'évertuer en mouvements gymnastiquesÀ contenir son ventre. Une jeune fille très tristeSuit la ligne des eaux. Elle tient un as de pique,Nul bruit à l'horizon, nul cri dans les nuages;La journée s'organise en groupes d'habitudesEt certains retraités ramassent des coquillages;Tout respire le plat, le blanc, la finitude.Un Algérien balaie le plancher du «Dallas»,Ouvre les baies vitrées. Son regard est pensif.Sur la plage on retrouve quelques préservatifs;Une nouvelle journée monte sur Palavas.SYSTEME SEXUEL MARTINIQUAIS
On a organisé un papier peint blanchâtrePour que les gens y vivent et caressent leurs corpsOn n'est pas en vacances pour penser à la mortEn système libéral, parmi tous les mulâtresEt sous les filaos, les épidermes suentLa journée est très blanche, on se recouvre d'huileOn organise des jeux, le public est docileEt le soir on déguste des côtelettes de tortue.Il faut organiser un échange orgastiquePour que chacun s'amuse et filme en vidéoLes ébats amoureux, les danses en paréoEt les fins de soirée un peu paroxystiques.Ainsi les êtres humains échangent leurs muqueusesAvant de tout ranger dans les valises en fibre,C'est ainsi qu'ils expriment leur statut d'êtres libresEt leur humanité interchangeable et creuse.Comme un week-end en autobus,Comme un cancer à l'utérus,La succession des événementsObéit toujours à un plan.Toutefois, les serviettes humides,Le long des piscines insipides,Détruisent la résignationLe cerveau se met en action.Il envisage les conséquencesDe certaines amours de vacances,Il aimerait se détacherDe la boîte crânienne tachée.On peut nettoyer sa cuisine,Dormir à la Mépronizine,La nuit n'est jamais assez noirePour en finir avec l'histoire.RÉPARTITION – CONSOMMATION
I.
J'entendais des moignons frotter,L'amputé du palier traverseLa concierge avait des alliésQui nettoyaient après l'averseLe sang des voisines éventrées,Il fallait que cela se passeDiscussions sur la vérité,Mots d'amour qui laissent des traces.La voisine a quitté l'immeuble,La cuisinière est arrivéeJ'aurais dû m'acheter des meubles,Tout aurait pu être évité.Puisqu'il fallait que tout arrive,Jean a crevé les yeux du chatMonades isolées qui dérivent,Répartitions et entrechats.II
Au milieu des fours micro-ondes,Le destin des consommateursS'établit à chaque seconde;Il n'y a pas de risque d'erreur.Sur mon agenda de demain,J'avais inscrit: «Liquide vaisselle»;Je suis pourtant un être humain:Promotion sur les sacs-poubelle!À tout instant ma vie basculeDans l'hypermarché ContinentJe m'élance et puis je recule,Séduit par les conditionnements.Le boucher avait des moustachesEt un sourire de carnassier,Son visage se couvrait de taches…Je me suis jeté à ses pieds!III.
J'ai croisé un chat de gouttière,Son regard m'a tétanisé;Le chat gisait dans la poussière,Des légions d'insectes en sortaient.Ton genou de jeune otarie,Gainé dans un collant résille,Se pliait sans le moindre bruit;Dans la nuit, les absents scintillent.J'ai croisé un vieux prolétaireQui cherchait son fils disparuDans la tour GAN, au cimetièreDes révolutionnaires déçus.Tes yeux glissaient entre les tablesComme la tourelle d'un char;Tu étais peut-être désirable,Mais j'en avais tout à fait marre.J'ai marché toute l'après-midi;C'était une «activité sportive», en contact avec la nature;Pourtant, je suis à nouveau envahi par l'angoisse.L'hôtel est confortable;On ne peut rien lui reprocher, à l'hôtel.C'est simplement la présence de la vie qui pèse sur moi,Qui rend les soirées pratiquement impossibles.C'est la présence ou l'absence de l'esprit qui détermine notre bonheurEt j ' a i eu beau exercer mes muscles toute l'après-midi,aux approches du soir, quelque chose se met à peser sur mon cœur.Dans la gare de Fanton-Saorge(Désertée, fermée, carreaux brisés et toilettes bouchées),Le dernier train de la journée devait passer.J'ai tiré de mon sac à dos un magazine de rencontres échangistes,Je l'ai déchiré en deux parts égalesEt j ' a i déposé les morceaux près des toilettes «à la turque».Les femmes continueront à réclamer des godemichets et de gros sexes blacksPour l'improbable plaisir d'un retraité des chemins de fer italiensVenu visiter la gare où il avait fait sa carrièreEt élevé ses enfantsAvant que l'école ne ferme.Les insectes courent entre les pierres,Prisonniers de leurs métamorphosesNous sommes prisonniers aussiEt certains soirs la vieSe réduit à un défilé de chosesDont la présence entièreDéfinit le cadre de nos déchéancesLeur fixe une limite, un déroulement et un sens;Comme ce lave-vaisselle qui a connu ton premier mariageEt ta séparation,Comme cet ours en peluche qui a connu tes crises de rageEt tes abdications.Les animaux socialisés se définissent par un certain nombre de rapportsEntre lesquels leurs désirs naissent, se développent, deviennent parfois très fortsEt meurent.Ils meurent parfois d'un seul coup,Certains soirsIl y avait certaines habitudes qui constituaient la vie et voilà qu'il n'y a plus rien du toutLe ciel qui paraissait supportable devient d'un seul coup extrêmement noirLa douleur qui paraissait acceptable devient d'un seul coup lancinanteIl n'y a plus que des objets, des objets au milieu desquels on est soi-même immobilisé dans l'attente,Chose entre les choses,Chose plus fragile que les chosesTrès pauvre choseQui attend toujours l'amourL'amour, ou la métamorphose.Dans le métro, sur le périf,La machine commence à tournerJe m'arrête, soudain attentif:J'entends la machine exploserAu ralenti, comme un organe,Comme un ventricule noirci;Au loin j'aperçois la tour GAN,C'est là que se décide ma vie.Les cadres montent vers leur calvaireDans des ascenseurs de nickel,Je vois passer les secrétairesQui se remettent du rimmel.Sous les maisons, au fond des rues,La machine sociale avanceVers des objectifs inconnus;Nous n'avons plus aucune chance.Cet homme sur l'autre quai est en bout de course;Je ne suis plus tout à fait au début.Pourquoi est-ce que je ressens de la pitié pour lui?Pourquoi, exactement?Sur le quai, près de moi, il y a des amoureuxQui ne regardent pas l'homme(De pseudo-amoureux, car il est déjà chauve).Cependant, ils s'embrassent;Ils semblent croire à l'existence d'un monde entre eux,D'un autre monde que celui de l'homme,De l'homme en faceQui se lève et rassemble ses sacs Prisunic,Définitivement en bout de course;Sait-il que Jésus-Christ est mort pour lui?Il se lève, il rassemble ses sacs,Il clopine jusqu'au bout du quaiEt là, profitant de l'angulation de l'escalier,Il disparaît.DERNIER REMPART CONTRE LE LIBÉRALISME
Nous refusons l'idéologie libérale parce qu'elle est incapable de fournir un sens, une voie à la réconciliation de l'individu avec son semblable dans une communauté qu'on pourrait qualifier d'humaine, Et d'ailleurs le but qu'elle se propose est même tout différent.
Nous refusons l'idéologie libérale au nom de l'encyclique de Léon XIII sur la mission sociale de l'Évangile et dans le même esprit que les prophètes antiques appelaient la ruine et la malédiction sur la tête de Jérusalem,
Et Jérusalem tomba, et pour se relever elle ne mit pas moins de quatre mille ans.
Il est indiscutable et avéré que tout projet humain se voit de plus en plus évalué en fonction de purs critères économiques,
De critères absolument numériques,
Mémorisables sur fichiers informatiques.
Cela n'est pas acceptable et nous devons lutter pour la mise en tutelle de l'économie et pour sa soumission à certains critères que j'oserai appeler éthiques,
Et quand on licencie trois mille personnes et que j'entends bavasser sur le coût social de l'opération il me prend une envie furieuse d'étrangler une demi-douzaine de conseillers en audit, Ce qui serait une excellente opération, Un dégraissage absolument bénéfique, Une opération pratiquement hygiénique.
Faites confiance à l'initiative individuelle, voilà ce qu'ils répètent partout, ce qu'ils vont partout répétant comme ces vieux réveils à ressort dont l'uniforme déclic
suffisait généralement à nous plonger dans une insomnie fatigante et définitive,
À cela je ne peux répondre qu'une seule chose, et cette chose ressort d'une expérience à la fois navrante et répétitive.
C'est que l'individu, je veux parler de l'individu humain, est très généralement un petit animal à la fois cruel et misérable.
Et qu'il serait bien vain de lui faire confiance à moins qu'il ne se voie repoussé, enclos et maintenu dans les principes rigoureux d'une morale inattaquable.
Ce qui n'est pas le cas.
Dans une idéologie libérale, s'entend.
Le but de la vie, c'est d'aimerChacun le dit, chacun le saitTes paroles sont inutilesJe ne sens plus ton corps fragileEt le but de ma vie s'effaceDroit devant, la tour MontparnasseDont les étages au ralentiS'allument comme un rêve englouti.Nous traversons le commercialComme une enveloppe iriséeDont les stimuli névrosésDélimitent un destin brutal.C'est notre vie, c'est notre mortQui se dessinent sur les réseauxLa ville nourrit ses bourreauxEt le dégoût emplit nos corps.Expériences inarticuléesJ'achète des revues sexuellesRemplies de fantasmes cruelsAu fond, il faut éjaculerEt s'endormir comme une viandeSur un matelas défoncéEnfant, je marchais dans la landeJe cueillais des fleurs recourbéesEt je rêvais du monde entierEnfant, je marchais dans la landeLa lande était douce à mes pieds.Confrontée à l'alternative de l'aurore, Annabelle sentait les ombres de sa jeunesse glisser entre les rideaux. Elle aurait souhaité prononcer un adieu définitif à l'amour. Tout l'y incitait; le glissement des souvenirs, se disait-elle, aurait dû maintenant lui suffire. Il y avait maintenant la nuit, et les organes malades. Une autre expérience, une autre vie; moins agréable que la précédente, mais probablement plus brève. Sa voisine avait un caniche; pourquoi pas elle? Un caniche ne vous protège pas des voyous; mais son perpétuel état d'enfance est une joie pour les yeux. Il observe le glissement des rideaux, pousse de légers gémissements en apercevant la lumière du jour. Il reconnaît sa laisse, et son collier. Comme l'homme, il est quelquefois atteint d'un cancer. Il accueille la mort avec courage. Il regarde autour de lui, pousse un bref jappement, et il saute dans la cascade.
Si calme, dans son coma,Elle avait accepté une certaine prise de risque(Comme on soutient parfois le soleil, et son disque,Avant que la douleur devienne trop cruelle),Supposant que chacun était semblable à elle,Mais naturellement ce n'était pas le cas.Elle aurait pu mener une vie douce et pleineParmi les animaux et les petits enfantsMais elle avait choisi la société humaine,Et elle était si belle à l'âge de dix-neuf ans.Ses cheveux blonds sur l'oreillerFormaient une auréole étrange,Comme un intermédiaire de l'angeEt du noyé.Si calme, définitivement belle,Elle soulevait à peine les drapsEn respirant; mais rêvait-elle?Elle semblait heureuse, en tout cas.Avant, il y a eu l'amour, ou sa possibilité;Il y a eu des anecdotes, des bifurcations et des silencesIl y a eu ton premier séjourDans une institution sereineOù l'on repeint les joursD'un blanc légèrement crème.Il y a eu l'oubli, le presque-oubli, il y a eu un départUne possibilité de départTu t'es couché de plus en plus tardEt sans dormirDans la nuitTu as commencé à sentir tes dents frotterDans le silence.Puis tu as songé à prendre des cours de dansePour plus tardPour une autre vieQue tu vivrais la nuit,Surtout la nuit,Et pas seul.Mais c'est fini,Tu es mortMaintenant, tu es mortEt tu es vraiment dans la nuitCar tes yeux sont rongésEt tu es vraiment dans le silenceCar tu n'as plus d'oreillesEt tu es vraiment seulTu n'as jamais été aussi seulTu es couché, tu as froid et tu te demandesÉcoutant le corps, en pleine conscience, tu te demandesCe qui va venirJuste après.