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III

Il faut préciser que je n'étais…

Il faut préciser que je n'étais pas seul dans la voiture,J'étais avec la morte;La nuit tournait sans bruit, comme une porte,Nous traversions les gonds du monde;Les cheveux de la nuit,L'approche du solstice,Le corps désemparé qui transpire et qui glisse.Et la nuit était bleueComme un poisson nerveux,La nuit soufflait partout,Dans tes yeux s'allumait un regard un peu fou.La nuit était très floue,La nuit était partout,Les images glissaientComme un rêve de craie.Cette nuit, nous avons apreçu l'autre face.

LE PUITS

L'enfant technologique guide le corps des hommes,Des sociétés aveuglesJusqu'au bord de la mort,Le corps gémit et beugle.C'est un puits très profondEt c'est un vide immense,Très dense,On voit les particules tournoyer, s'effacer.L'enfant n'a jamais tort,Il marche dans la rueIl annonce la mortDes âmes disparues.Nous mourrons sans pardonEt nous disparaîtronsDans l'ombre immense,L'ombre d'absenceOù le vide sépare les particules glacées,Nos corpsMorceaux de notre mort,Trajectoires dérisoires de fragments déplacés.Les dernières particulesDérivent dans le silenceEt le vide articuleDans la nuit, sa présence.

Les Enfants de la Nuit sont…

Les Enfants de la Nuit sont les étoiles…

Les étoiles rondes et lourdes du matin;

Comme des gouttelettes chargées de sagesse, ils tournent lentement sur eux-mêmes en émettant un chant légèrement vibrant.

Ils n'ont jamais aimé.

Le premier jour de la seconde semaine…

Le premier jour de la seconde semaine, une pyramide apparut à l'horizon. Sa surface noire et balsatique nous parut d'abord parfaitement plane; mais au bout de quelques heures de marche nous y décelâmes des nervures fines, arrondies, évoquant les circonvolutions d'un cerveau. Nous fîmes halte sous l'ombrage d'un bosquet de ficus. Geffrier remuait lentement les épaules, comme pour en chasser des insectes. Son visage allongé, nerveux, se ridait un peu plus chaque jour; une expression d'angoisse y était maintenant constamment présente. La chaleur devenait insupportable.

Un manchot ou un borgne portant…

Un manchot ou un borgne portant une plaie saignante,Poudré et perruqué à la cour du roi Louis XIV;Il est courageux à la guerre.Et monsieur de Villequiers continue ses petites expériences sur les insectes…

Je suis peut-être, moi-même…

Je suis peut-être, moi-même, un véhicule de Dieu,Mais je n'en ai pas vraiment conscienceEt j'écris cette phrase "à titre expérimental".Qui suis-je?Tout cela ressemble à une devinette.

Je referme mon stylo…

Je referme mon stylo:Suis-je content de ma phrase?Mon stylo n'est pas beau,Je veux faire table rase.Je me jette un regard dans la posture "artiste"Et je trouve le spectacle à peu près répugnant.J'ai beau être un artiste, je suis quand même très triste,Entouré de salauds qui me montrent les dentsStylo, salaud!C'est mon stylo, éjaculantDes semi-vérités poussivesQui est responsable, maintenant:"Je cherche un monde où les gens vivent".

Écrire…

Écrire,Communiquer avec les hommes,Ils sont si loin.Jouir(Généralement, avec sa main).Un peu d'amour, odeur de pomme,Partir(Très loin, si loin. Trop loin.)Il existe un espace insécable et fécondOù nous vivons unis dans notre dissemblance,Tout y est silencieux, immobile et profond,Il existe un espace au-delà de l'enfance.

LES NUAGES, LA NUIT

Venues du fond de mon oeil moite,Les images glissaient sans cesseEt l'ouverture était étroite,La couverture était épaisse.Il aurait fallu que je voieMon avenir différemment,Cela fait deux ans que je boisEt je suis un bien piètre amant.Ainsi il faut passer la nuitEn attendant que la mort lente,Qui avance seule et sans bruit,Retrouve nos yeux et les sente;Quand la mort appuie sur vos yeuxComme un cadavre sur la planche,Il est temps de chercher les dieuxDisséminés. Le corps s'épenche.

Nous avons établi un rapport diagonal…

Nous avons établi un rapport diagonalSous la présence obscure, incertaine des bouleauxGriffus, dans le silence impur et verticalQui nous enveloppait comme une eauLustrale.Le désir entourait nos vies comme une flamme,Nous avons accepté de lui servir de mècheJe ne soupçonnais pas ce que peut une femme,Loin de tes lèvres mes lèvres devenaient vite sèchesEt mortes.Seul sur le canapé la nuit est étouffante,Il me semble que la nuit est chaque fois plus sombre;Je craque une allumette; la flamme jaillit, tremblante,Les images du passé se croisent entre les ombres,Mobiles.Je revois les bouleaux,Ce soirJe me verse un peu d'eau,Je suis seul dans le noir.

PARADE

Suspendu à ta parole,Je marchais sur la place au hasardLes cieux s'ouvraient, et je devais jouer un rôleQuelque part.Déployée, la cascade morteRépendait des fragments de gelAutour de mon artère aorte,Je me sentais superficiel.Volcan de paroles superflues,Oubli des relations humainesUn monde existe où l'on se tue,Un monde existe entre nos veines.L'aveu de ce monde est facileSi l'on fait le deuil du bonheurLa parole n'est pas inutile,Elle arrive juste avant l'heureOù les fragments de vie implosent,Se rangent dans la sérénitéAu fond d'une bière décoréeVélours frappé, vieux bois, vieux rose.Vélours comme une limonadeQui grésille en surface de peau,Criblée comme une peau nomadeQui se déchire en fins lambeauxDans un univers de parade,Un univers où tout est beauDans un univers de parade,Dans un univers en lambeaux.

PASCALE

Elle tremblait en face de moi, et j'avais l'impression que le monde entier tremblait.(Fiction émotionelle, une fois de plus.)

Une fin de vie solitaire…

Une fin de vie solitaire,Le chemin devient transparentEt je n'ai plus un seul parent:Une île enfoncée dans la mer.

Nous n'avons plus beaucoup le temps de vivre…

Nous n'avons plus beaucoup le temps de vivre,Mon amourÉteins donc la radio,Pour toujours.Tu as toujours vécu par procuration,Sans frictionEt si lisse,La vie s'en va et le corps glisseDans l'inconnu,La vie est nue.Essayons d'oublier les anciens adjectifsEt les catégories;La vie est mal connue et nous restons captifsDe notions mal finies.

Le temps de Venise est bien lourd…

Le temps de Venise est bien lourdEt je te sens un peu nerveuse:Calme-toi un peu, mon amour,Je te lécherai les muqueuses.Il y aura des années à vivreSi nous restons des enfants sages;Nous pouvons aussi lire des livres:Regarde, mon amour, c'est l'orage.J'aime ton goût un peu salé,J'en ai besoin deux fois par jour;Je me laisse complètement aller:Regarde, c'est la mort, mon amour.

CRÉPUSCULE

Les masses d'air soufflaient entre le bosquets d'yeuses,Une femme haletait comme en enfantementEt le sable giflait sa peau nue et crayeuse,Ses deux jambes s'ouvraient sur mon destin d'amant.La mer se retira au-delà des miraclesSur un sol noir et mou où s'ouvraient des possiblesJ'attendais le matin, le retour des oracles,Mes lèvres s'écartaient pour un cri invisibleEt tu étais le seul horizon de ma nuit;Connaissant le matin, seuls dans nos chairs voisines,Nous avons traversé, sans souffrance et sans bruit,Les peaux superposées de la présence divineAvant de pénétrer dans une plaine droiteJonchée de corps sans vie, nus et rigidifiés,Nous marchions côte à côte sur une route étroite,Nous avions des moments d'amour injustifié.