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Dinarzade ne fut pas moins exacte cette nuit que les précédentes à réveiller Scheherazade: Ma chère sœur, lui dit-elle; si vous ne dormez pas, je vous supplie, en attendant le jour qui paraîtra bientôt, de me conter un de ces beaux contes que vous savez: – «Ma sœur, répondit la sultane, je vais vous donner cette satisfaction. – Attendez, interrompit le sultan, achevez l’entretien du roi grec avec son vizir, au sujet du médecin Douban, et puis vous continuerez l’histoire du pêcheur et du génie. – Sire, repartit Scheherazade, vous allez être obéi.» En même temps elle poursuivit de cette manière:
«Quand le roi grec, dit le pêcheur au génie, eut achevé l’histoire du perroquet: Et vous, vizir, ajouta-t-il, par l’envie que vous avez conçue contre le médecin Douban, qui ne vous a fait aucun mal, vous voulez que je le fasse mourir; mais je m’en garderai bien, de peur de m’en repentir, comme ce mari d’avoir tué son perroquet.
Le pernicieux vizir était trop intéressé à la perte du médecin Douban pour en demeurer là.: «Sire, répliqua-t-il, la mort du perroquet était peu importante, et je ne crois pas que son maître l’ait regretté longtemps. Mais pourquoi faut-il que la crainte d’opprimer l’innocence vous empêche de faire mourir ce médecin! Ne suffit-il pas qu’on l’accuse de vouloir attenter à votre vie, pour vous autoriser à lui faire perdre la sienne? Quand il s’agit d’assurer les jours d’un roi, un simple soupçon doit passer pour une certitude, et il vaut mieux sacrifier l’innocent que sauver le coupable. Mais, sire, ce n’est point ici une chose incertaine: le médecin Douban veut vous assassiner. Ce n’est point l’envie qui m’arme contre lui, c’est l’intérêt seul que je prends à la conservation de votre majesté; c’est mon zèle qui me porte à vous donner un avis d’une si grande importance. S’il est faux, je mérite qu’on me punisse de la même manière qu’on punit autrefois un vizir. – Qu’avait fait ce vizir, dit le roi grec, pour être digne de ce châtiment? – Je vais l’apprendre à votre majesté sire, répondit le vizir; qu’elle ait, s’il lui plaît, la bonté de m’écouter.»