52051.fb2 Les Mille Et Une Nuits Tome I - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 86

Les Mille Et Une Nuits Tome I - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 86

LXIX NUIT.

Au nom de Dieu, ma sœur, s’écria Dinarzade avant le jour, si vous ne dormez pas, je vous prie de nous raconter comment les deux chiennes noires reprirent leur première forme et ce que devinrent les trois calenders. – Je vais satisfaire votre curiosité, répondit Scheherazade. Alors, adressant son discours à Schahriar, elle poursuivit dans ces termes:

Sire, le calife, ayant satisfait sa curiosité, voulut donner des marques de sa grandeur et de sa générosité aux calenders princes, et faire sentir aussi aux trois dames des effets de sa bonté. Sans se servir du ministère de son grand vizir, il dit lui-même à Zobéide: «Madame, cette fée qui se fit voir d’abord à vous en serpent et qui vous a imposé une si rigoureuse loi, cette fée ne vous a-t-elle point parlé de sa demeure, ou plutôt ne vous promit-elle pas de vous revoir et de rétablir les deux chiennes en leur premier état?

«- Commandeur des croyants, répondit Zobéide, j’ai oublié de dire à votre majesté que la fée me mit entre les mains un petit paquet de cheveux, en me disant qu’un jour j’aurais besoin de sa présence, et qu’alors si je voulais seulement brûler deux brins de ses cheveux, elle serait à moi dans le moment, quand elle serait au delà du mont Caucase. – Madame, reprit le calife, où est ce paquet de cheveux?» Elle repartit que depuis ce temps-là elle avait eu grand soin de le porter toujours avec elle. En effet elle le tira, et ouvrant un peu la portière qui la cachait, elle le lui montra. «Eh bien, répliqua le calife, faisons venir ici la fée: vous ne sauriez l’appeler plus à propos, puisque je le souhaite.»

Zobéide y ayant consenti, on apporta du feu, et Zobéide mit dessus tout le paquet de cheveux. À l’instant même, le palais s’ébranla et la fée parut devant le calife, sous la figure d’une dame habillée très-magnifiquement. «Commandeur des croyants, dit-elle à ce prince, vous me voyez prête à recevoir vos commandements. La dame qui vient de m’appeler par votre ordre m’a rendu un service important; pour lui en marquer ma reconnaissance, je l’ai vengée de la perfidie de ses sœurs en les changeant en chiennes; mais si votre majesté le désire, je vais leur rendre leur figure naturelle.

«- Belle fée, lui répondit le calife, vous ne pouvez me faire un plus grand plaisir: faites-leur cette grâce, après cela je chercherai les moyens de les consoler d’une si rude pénitence; mais auparavant j’ai encore une prière à vous faire en faveur de la dame qui a été si cruellement maltraitée par un mari inconnu. Comme vous savez une infinité de choses, il est à croire que vous n’ignorez pas celle-ci: obligez-moi de me nommer le barbare qui ne s’est pas contenté d’exercer sur elle une si grande cruauté, mais qui lui a même enlevé très-injustement tout le bien qui lui appartenait. Je m’étonne qu’une action si injuste, si inhumaine et qui fait tort à mon autorité, ne soit pas venue jusqu’à moi.

«- Pour faire plaisir à votre majesté, répliqua la fée, je remettrai les deux chiennes en leur premier état, je guérirai la dame de ses cicatrices, de manière qu’il ne paraîtra pas que jamais elle ait été frappée, et ensuite je vous nommerai celui qui l’a fait maltraiter ainsi.»

Le calife envoya quérir les deux chiennes chez Zobéide, et lorsqu’on les eut amenées, on présenta une tasse pleine d’eau à la fée, qui l’avait demandée. Elle prononça dessus des paroles que personne n’entendit, et elle en jeta sur Amine et sur les deux chiennes. Elles furent changées en deux dames d’une beauté surprenante, et les cicatrices d’Amine disparurent. Alors la fée dit au calife: «Commandeur des croyants, il faut vous découvrir présentement qui est l’époux inconnu que vous cherchez: il vous appartient de fort près, puisque c’est le prince Amin [36], votre fils aîné, frère du prince Mamoun [37], son cadet. Étant devenu passionnément amoureux de cette dame sur le récit qu’on lui avait fait de sa beauté, il trouva un prétexte pour l’attirer chez lui, où il l’épousa. À l’égard des coups qu’il lui a fait donner, il est excusable en quelque façon. La dame son épouse avait eu un peu trop de facilité, et les excuses qu’elle lui avait apportées étaient capables de faire croire qu’elle avait fait plus de mal qu’il n’y en avait. C’est tout ce que je puis dire pour satisfaire votre curiosité.» En achevant ces paroles, elle salua le calife et disparut.

Ce prince, rempli d’admiration et content des changements qui venaient d’arriver par son moyen, fit des actions dont il sera parlé éternellement.

Il fit premièrement appeler le prince Amin son fils, lui dit qu’il savait son mariage secret, et lui apprit la cause de la blessure d’Amine. Le prince n’attendit pas que son père lui parlât de la reprendre, il la reprit à l’heure même.

Le calife déclara ensuite qu’il donnait son cœur et sa main à Zobéide, et proposa les trois autres sœurs aux trois calenders fils de rois, qui les acceptèrent pour femmes avec beaucoup de reconnaissance. Le calife leur assigna à chacun un palais magnifique dans la ville de Bagdad; il les éleva aux premières charges de son empire et les admit dans ses conseils. Le premier cadi de Bagdad, appelé avec des témoins, dressa les contrats de mariage, et le fameux calife Haroun Alraschid, en faisant le bonheur de tant de personnes qui avaient éprouvé des disgrâces incroyables, s’attira mille bénédictions.

Il n’était pas jour encore lorsque Scheherazade acheva cette histoire, qui avait été tant de fois interrompue et continuée. Cela lui donna lieu d’en commencer une autre. Ainsi, adressant la parole au sultan, elle lui dit:


  1. <a l:href="#_ftnref36">[36]</a> Amin succéda à son père Haroun Alraschid en l’année 193 de l’hégire (809 de J.-C.). À peine fut-il sur le trône, qu’il s’abandonna sans réserve à ses passions dominantes, celles du vin et des femmes, et se livra à des actes impolitiques qui dénotaient son incapacité. Il fut assassiné par l’ordre d’un des généraux de Mamoun, son frère. Il était âgé de vingt-huit ans et en avait régné cinq.

  2. <a l:href="#_ftnref36">[37]</a> Mamoun, l’un des plus célèbres califes de la dynastie des Abbassides, succéda en l’année 198 de l’hégire (813 de J.-C.) à son frère Amin, et occupa le trône pendant plus de vingt ans. Il mourut en l’année 218 de l’hégire (833 de J.-C.), à l’âge de 48 ans.