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Assad, cependant, était toujours à la chaîne dans le cachot où il avait été enfermé par l’adresse du rusé vieillard, et Bostane et Cavame, filles du vieillard, le maltraitaient avec la même cruauté et la même inhumanité. La fête solennelle des adorateurs du feu approcha: on équipa le vaisseau qui avait coutume de faire le voyage de la montagne du feu. On le chargea de marchandises par le soin d’un capitaine nommé Behram, grand zélateur de la religion des mages. Quand il fut en état de mettre à la voile, Behram y fit embarquer Assad dans une caisse à moitié pleine de marchandises, avec assez d’ouverture entre les ais pour lui donner la respiration nécessaire, et fit descendre la caisse à fond de cale.
Avant que le vaisseau mît à la voile, le grand vizir Amgiad, frère d’Assad, qui avait été averti que les adorateurs du feu avaient coutume de sacrifier un musulman chaque année sur la montagne du feu, et que Assad, qui était peut-être tombé entre leurs mains, pourrait bien être destiné à cette cérémonie sanglante, voulut en faire la visite. Il y alla en personne et fit monter tous les matelots et tous les passagers sur le tillac, pendant que ses gens firent la recherche dans tout le vaisseau; mais on ne trouva pas Assad: il était trop bien caché.
La visite faite, le vaisseau sortit du port, et quand il fut en pleine mer, Behram fit tirer le prince Assad de la caisse et le fit mettre à la chaîne pour s’assurer de lui, de crainte, comme il n’ignorait pas qu’on allait le sacrifier, que de désespoir il ne se précipitât dans la mer.
Après quelques jours de navigation, le vent favorable qui avait toujours accompagné le vaisseau devint contraire, et augmenta de manière qu’il excita une tempête des plus furieuses. Le vaisseau ne perdit pas seulement sa route, Behram et son pilote ne savaient plus même où ils étaient, et ils craignaient de rencontrer quelque rocher à chaque moment et de s’y briser. Au plus fort de la tempête ils découvrirent terre, et Behram la reconnut pour l’endroit où étaient le port et la capitale de la reine Margiane, et il en eut une grande mortification.
En effet, la reine Margiane, qui était musulmane, était ennemie mortelle des adorateurs du feu. Non-seulement elle n’en souffrait pas un seul dans ses états, elle ne permettait même qu’aucun de leurs vaisseaux y abordât.
Il n’était plus au pouvoir de Behram, cependant, d’éviter d’aller au port de la capitale de cette reine, à moins d’aller échouer et se perdre contre la côte, qui était bordée de rochers affreux. Dans cette extrémité il tint conseil avec son pilote et avec ses matelots. «Enfants, dit-il, vous voyez la nécessité où nous sommes réduits. De deux choses l’une: ou il faut que nous soyons engloutis par les flots, ou que nous nous sauvions de la reine Margiane; mais sa haine implacable contre notre religion et contre tous ceux qui en font profession vous est connue. Elle ne manquera pas de se saisir de notre vaisseau et de nous faire ôter la vie à tous sans miséricorde. Je ne vois qu’un seul remède qui peut-être nous réussira: je suis d’avis que nous ôtions de la chaîne le musulman que nous avons ici, et que nous l’habillions en esclave. Quand la reine Margiane m’aura fait venir devant elle et qu’elle me demandera quel est mon négoce, je lui répondrai que je suis marchand d’esclaves, que j’ai vendu tout ce que j’en avais, et que je n’en ai réservé qu’un seul pour me servir d’écrivain, à cause qu’il sait lire et écrire. Elle voudra le voir, et comme il est bien fait et que d’ailleurs il est de sa religion, elle en sera touchée de compassion et ne manquera pas de me proposer de le lui vendre, et, en cette considération, de nous souffrir dans son port jusqu’au premier beau temps. Si vous savez quelque chose de meilleur, dites-le moi, je vous écouterai.» Le pilote et les matelots applaudirent à son sentiment, qui fut suivi.
La sultane Scheherazade fut obligée d’en demeurer à ces derniers mots, à cause du jour, qui se faisait voir. Elle reprit le même conte la nuit suivante, et dit au sultan des Indes: