52054.fb2 Les r?cr?s du petit Nicolas - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 10

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Le football

J’étais dans le terrain vague avec les copains : Eudes, Geoffroy, Alceste, Agnan, Rufus, Clotaire, Maixent et Joachim. Je ne sais pas si je vous ai déjà parlé de mes copains, mais je sais que je vous ai parlé du terrain vague. Il est terrible ; il y a des boîtes de conserve, des pierres, des chats, des bouts de bois et une auto. Une auto qui n’a pas de roues, mais avec laquelle on rigole bien : on fait « vroum vroum », on joue à l’autobus, à l’avion ; c’est formidable !

Mais là, on n’était pas venus pour jouer avec l’auto. On était venus pour jouer au football. Alceste a un ballon et il nous le prête à condition de faire gardien de but, parce qu’il n’aime pas courir. Geoffroy, qui a un papa très riche, était venu habillé en footballeur, avec une chemise rouge, blanc et bleu, des culottes blanches avec une bande rouge, des grosses chaussettes, des protège-tibias et des chaussures terribles avec des clous en dessous. Et ce serait plutôt les autres qui auraient besoin de protège-tibias, parce que Geoffroy, comme dit le monsieur de la radio, c’est un joueur rude. Surtout à cause des chaussures.

On avait décidé comment former l’équipe. Alceste serait goal, et comme arrières on aurait Eudes et Agnan. Avec Eudes, rien ne passe, parce qu’il est très fort et il fait peur ; il est drôlement rude, lui aussi ! Agnan, on l’a mis là pour qu’il ne gêne pas, et aussi parce qu’on n’ose pas le bousculer ni lui taper dessus : il a des lunettes et il pleure facilement. Les demis, ce sera Rufus, Clotaire et Joachim. Eux, ils doivent nous servir des balles à nous, les avants. Les avants, nous ne sommes que trois, parce qu’il n’y a pas assez de copains, mais nous sommes terribles : il y a Maixent, qui a de grandes jambes avec de gros genoux sales et qui court très vite ; il y a moi qui ai un shoot formidable, bing ! Et puis il y a Geoffroy avec ses chaussures.

On était drôlement contents d’avoir formé l’équipe.

— On y va ? On y va ? a crié Maixent.

— Une passe ! Une passe ! a crié Joachim.

On rigolait bien, et puis Geoffroy a dit :

— Eh ! les gars ! contre qui on joue ? Il faudrait une équipe adverse.

Et ça c’est vrai, il avait raison, Geoffroy : on a beau faire des passes avec le ballon, si on n’a pas de but où l’envoyer, ce n’est pas drôle. Moi, j’ai proposé qu’on se sépare en deux équipes, mais Clotaire a dit : « Diviser l’équipe ? Jamais ! » Et puis, c’est comme quand on joue aux cow-boys, personne ne veut jouer les adversaires.

Et puis sont arrivés ceux de l’autre école. Nous, on ne les aime pas, ceux de l’autre école : ils sont tous bêtes. Souvent, ils viennent dans le terrain vague, et puis on se bat, parce que nous on dit que le terrain vague est à nous, et eux ils disent qu’il est à eux et ça fait des histoires. Mais là, on était plutôt contents de les voir.

— Eh ! les gars, j’ai dit, vous voulez jouer au foot-ball avec nous ? On a un ballon.

— Jouer avec vous ? Nous faites pas rigoler ! a dit un maigre avec des cheveux rouges, comme ceux de tante Clarisse qui sont devenus rouges le mois dernier, et Maman m’a expliqué que c’est de la peinture qu’elle a fait mettre dessus chez le coiffeur.

— Et pourquoi ça te ferait rigoler, imbécile ? a demandé Rufus.

— C’est la gifle que je vais te donner qui va me faire rigoler ! il a répondu celui qui avait les cheveux rouges.

— Et puis d’abord, a dit un grand avec des dents, sortez d’ici, le terrain vague est à nous.

Agnan voulait s’en aller, mais nous, on n’était pas d’accord.

— Non, monsieur, a dit Clotaire, le terrain vague il est à nous ; mais ce qui se passe, c’est que vous avez peur de jouer au football avec nous. On a une équipe formidable !

— Fort minable ! a dit le grand avec des dents, et ils se sont tous mis à rigoler, et moi aussi, parce que c’était amusant ; et puis Eudes a donné un coup de poing sur le nez d’un petit qui ne disait rien. Mais comme le petit, c’était le frère du grand avec les dents, ça a fait des histoires.

— Recommence, pour voir, a dit le grand avec les dents à Eudes.

— T’es pas un peu fou ? a demandé le petit, qui se tenait le nez, et Geoffroy a donné un coup de pied au maigre qui avait les cheveux de tante Clarisse.

On s’est tous battus, sauf Agnan, qui pleurait et qui criait : « Mes lunettes ! J’ai des lunettes ! » C’était très chouette, et puis Papa est arrivé.

— On vous entend crier depuis la maison, bande de petits sauvages ! a crié Papa. Et toi, Nicolas, tu sais l’heure qu’il est ?

Et puis Papa a pris par le col un gros bête avec qui je me donnais des claques.

— Lâchez-moi, criait le gros bête. Sinon, j’appelle mon papa à moi, qui est percepteur, et je lui dis de vous mettre des impôts terribles !

Papa a lâché le gros bête et il a dit : Bon, ça suffit comme ça ! Il est tard, vos parents doivent s’inquiéter. Et puis d’abord, pourquoi vous battez-vous ? Vous ne pouvez pas vous amuser gentiment ?

— On se bat, j’ai dit, parce qu’ils ont peur de jouer au football avec nous !

— Nous, peur ? Nous, peur ? Nous, peur ? a crié le grand avec des dents.

— Eh bien ! a dit Papa, si vous n’avez pas peur, pourquoi ne jouez-vous pas ?

— Parce que ce sont des minables, voilà pourquoi, a dit le gros bête.

— Des minables ? j’ai dit, avec une ligne d’avants comme la nôtre : Maixent, moi et Geoffroy ? Tu me fais rigoler.

— Geoffroy ? a dit Papa. Moi je le verrais mieux comme arrière, je ne sais pas s’il est très rapide.

— Minute, a dit Geoffroy, j’ai les chaussures et je suis le mieux habillé, alors...

— Et comme goal ? a demandé Papa.

Alors, on lui a expliqué comment on avait formé l’équipe et Papa a dit que ce n’était pas mal, mais qu’il faudrait qu’on s’entraîne et que lui il nous apprendrait parce qu’il avait failli être international (il jouait inter droit au patronage Chantecler). Il l’aurait été s’il ne s’était pas marié. Ça, je ne le savais pas ; il est terrible, mon papa.

— Alors, a dit Papa, à ceux de l’autre école, vous êtes d’accord pour jouer avec mon équipe, dimanche prochain ? Je serai l’arbitre.

— Mais non, ils sont pas d’accord, c’est des dégonflés, a crié Maixent.

— Non, monsieur, on n’est pas des dégonflés, a répondu celui qui avait des cheveux rouges, et pour dimanche c’est d’accord. À 3 heures. Qu’est-ce qu’on va vous mettre !

Et puis ils sont partis.

Papa est resté avec nous, et il a commencé à nous entraîner. Il a pris le ballon et il a mis un but à Alceste. Et puis il s’est mis dans les buts à la place d’Alceste, et c’est Alceste qui lui a mis un but. Alors Papa nous a montré comment il fallait faire des passes. Il a envoyé la balle, et il a dit : « A toi, Clotaire ! Une passe ! » Et la balle a tapé sur Agnan, qui a perdu ses lunettes et qui s’est mis à pleurer.

Et puis, Maman est arrivée.

— Mais enfin, elle a dit à Papa, qu’est-ce que tu fais là ? Je t’envoie chercher le petit, je ne te vois pas revenir et mon dîner refroidit.

Alors, Papa est devenu tout rouge, il m’a pris par la main et il a dit : « Allons, Nicolas, rentrons ! » et tous les copains ont crié : « A dimanche ! Hourra pour le papa de Nicolas ! »

A table, Maman rigolait tout le temps, et pour demander le sel à Papa elle a dit : « Fais-moi une passe, Kopa ! »

Les mamans, ça n’y comprend rien au sport, mais ça ne fait rien : dimanche prochain, ça va être terrible !